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De tous temps et dans la plupart des domaines, ce sont les opprimés eux-mêmes qui se sont battus pour obtenir des droits. Ainsi les Noirs, les colonisés, les femmes, les homosexuels… Il en est de même pour nous, usagers de drogues illicites.
Opprimés et discriminés, nous le sommes, par la loi qui nous fait risquer un an de prison ferme pour simple usage. Par les médias, qui accumulent les préjugés et nous traitent allègrement de déchets - « junkies » – sans qu’aucune association de lutte contre les discriminations ne s’en soit jamais offusquée. Par nos proches, amis, familles, et par les employeurs, qui nous rejettent parfois sans aucune autre raison que notre consommation de produits, tandis qu’en parallèle on lit de partout que de seraient les produits qui nous marginalisent… Opprimés aussi par certains de ceux censés nous aider, travailleurs sociaux, et soignants, médecins, addictologues, psy, pour lesquels nous serions tous changés en manipulateurs pervers et voleurs par la simple injection d’une substance, comme si cette substance était un démon faisant de nous des possédés privés d’éthique et d’humanité. Une amie de ma famille, infirmière en psychiatrie, disait très sérieusement à ma mère : « les toxicos, ils tueraient père et mère pour une dose »…
Pourtant, face à ces préjugés et cette marginalisation, les usagers de drogues ont réussi à s’unir, à faire entendre leur voix de citoyens – car nous sommes des citoyens – et à obtenir des droits, et des droits fondamentaux, puisqu’ils permettent de sauver des vies. Faire entendre nos voix et nous placer dans le monde en tant que sujets, et non plus comme simples objets de soin réduits au silence, favorise aussi l’ouverture d’esprit, l’éthique et l’absence de jugement chez les soignants et les travailleurs sociaux. C’est ainsi que certains ont appris à nous connaître et nous comprendre, et qu’il est possible de travailler avec eux, pour nous, sans qu’ils ne se placent en détenteur d’un Bien à nous administrer contre notre gré.
La Réduction des Risques, principe inscrit dans la loi, est la signature de ce combat contre notre oppression et pour notre statut de citoyens à part entière, ayant notre mot à dire sur comment nous voulons être aidés. L’accès à la substitution et la vente libre des seringues sont des exemples de ces droits obtenus par et pour les usagers. Si nous voulons que la marche pour nos droits continue, en route par exemple pour l’ouverture de salles de consommation à moindres risques, voire peut-être, un jour, la dépénalisation de l’usage, il est impératif que nous continuions à nous unir et à faire entendre nos voix.
Car comme le disait Nelson Mandela, « ce qui est fait pour nous, que d’autres ont décidé sans nous, est en réalité contre nous. Soyons des êtres actifs. »
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