La réduction des risques de demain : consolidée, étendue, intégrée, av

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mikykeupon homme
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Comme l’écrivait Pierre Chappart à  l’occasion des voeux du Réseau français de réduction des risques,  l’année 2013 devrait être celle du renouveau, avec l’expérimentation d’au moins une salle de consommation à  moindre risque (SCMR). Au-delà  de l’avancée que cette ouverture représente, après un premier cycle de vingt années d’installation et de développement en France, la réduction des risques (RdR) doit prendre un second souffle. Conçue pour le champ des drogues illicites, elle doit évoluer avec la dimension plurielle des addictions : définition et développement d’une RdR en matière de consommation d’alcool ou d’addictions sans produit. Elle doit être généralisée (inégalité d’accès sur le territoire) et adapter ses pratiques à  tous les contextes : en milieu rural par exemple, la recherche de l’anonymat et le souci de rester invisible semblent primer, complexifiant l’accès à  des ressources locales souvent rares. Enfin, après une RdR admise au titre de la santé publique, des objectifs plus globaux sont à  porter concernant l’inscription sociale et la citoyenneté des personnes usagères de substances psycho-actives et/ou rencontrant des problèmes du fait de leurs addictions.

Cet article a été publié dans le Swaps n°70 qui propose un dossier spécial consacré au "Crack".

Les enjeux actuels des usages de "drogues" illicites concernent les nouvelles pratiques de consommations (psychostimulants et nouveaux produits de synthèse [NPS]), la poursuite d’une épidémie par le VHC non contrôlée chez les usagers de drogues non exclusivement par voie injectable, l’absence de déclinaison de la RdR en milieu carcéral et la grande marginalité de certains groupes d’usagers.

L’annonce d’un feu vert pour une salle de consommation sur Paris, dont la pertinence pour les usagers marginalisés a été démontrée au niveau international, amène à  plusieurs réflexions. Celles-ci ont été abordées dans le cadre d’un séminaire organisé le 11 janvier 2013 conjointement par la Fédération Addiction et le Réseau français de réduction des risques dans les locaux du conseil régional d’Ile-de-France. Ce séminaire intitulé "Au-delà  de l’ouverture de salles de consommation, quels accompagnements des injections et autres consommations ?" visait à  ouvrir la réflexion sur les pratiques d’accompagnement des consommations au sein de structures jusque-là  réputées "sans produits" que sont les Caarud et les Csapa.

La perspective d’une seule salle à  Paris peut faire craindre la mise en échec de l’expérience par un effet de saturation et de concentration des usagers. Cela réveille aussi le souvenir des 40 places de méthadone parisiennes entre 1974 et 1990, jusqu’à  ce que l’épidémie de sida enclenche, enfin, le développement des traitements de substitution aux opiacés (TSO). Mais à  l’inverse des années 1980, c’est presque toute la profession qui est aujourd’hui favorable aux SCMR... Reste à  le démontrer dans les faits en soutenant d’autres projets : autres salles dans d’autres villes, autres pratiques que celle limitée à  l’accompagnement de l’injection, autres modes d’organisation tels que le développement d’espaces de consommations dans les Caarud, voire la possibilité d’espaces de consommations dans les Csapa...

Jusqu’à  présent, les consommations de drogues n’étaient pas autorisées dans les établissements médico-sociaux (Csapa et Caarud), voire aux alentours pour des problèmes de voisinage. Il en est de même dans les hôpitaux et les Soins de suite et de réadaptation (SSR) où des consommations d’alcool, même lors des permissions de week-end, peuvent venir interrompre le processus de soin. Ces consommations intra-muros existent pourtant, et donnent lieu à  des interactions soignants/soignés, peu productives en termes de RdR, et à  des exclusions temporaires ou définitives des usagers (par excellence au sein des établissements résidentiels, mais aussi au sein des Caarud). Outre les conséquences délétères du jeu entre gendarme et voleur, entre usagers et équipe, ces interdits génèrent des dommages (consommations cachées, donc hors des mesures de prévention).

En transposant les constats réalisés dans le champ de l’hébergement social, il est possible d’expliciter le paradoxe dans lequel cet accueil les enferme : recevoir les usagers, en accord avec un idéal de santé, être une personne avec une demande non ambiguà« d’une prise en charge laissant derrière soi les consommations, puis les sanctionner pour ce qu’elles sont encore logiquement, des usagers actifs tentant avec ambivalence de reprendre le pouvoir sur leur vie.
Le débat progresse, à  la recherche de bonnes pratiques

Des expériences et recherche ont remis en cause ce tabou de la non-consommation au vu et au su des professionnels, avec les programmes ERLI et AERLI... Le débat sur les SCMR s’est ouvert, à  partir de l’action du collectif du 19 mai 2009 (journée nationale de lutte contre les hépatites), relayé par l’association "Elus, santé et territoires", des associations, à  Paris comme en région, ont fait savoir leur intention de franchir le pas de la première salle de consommation en France... En même temps que le débat progresse, quelques transgressions à  la règle de la "nonconsommation" ont pu voir le jour, rarement assumées comme une initiative institutionnelle... Ces pratiques balbutiantes ont d’ailleurs du mal à  se dire, et donc à  se confronter dans la recherche de "bonnes pratiques".

La réflexion en atelier, lors de ce séminaire du 11 janvier 2013, a permis de jeter les premières bases de ce que pourraient être des espaces de consommation dans des établissements médico-sociaux, même si seules les premières expériences ont été évoquées, illustrant la difficulté du sujet. Tout d’abord, leur faisabilité du point de vue légal : les décrets établissant le référentiel national des actions de RdR et les missions des Caarud prévoient la possibilité d’innover en matière de santé publique en fonction des besoins des usagers... L’accompagnement aux consommations intra-muros dans les structures médico-sociales pourrait donc s’inscrire dans ce cadre, radicalisant encore un peu plus la caducité de la loi de 1970.

Organiser des espaces de consommations dans un établissement médico-social supposerait :

– un travail en amont de l’ensemble de l’équipe de l’établissement dans la perspective d’une vision commune et partagée du changement de perspective profond d’un "espace sans drogue" à  un "espace avec drogues" ;

– une implication des professionnels sur la base du volontariat (tout le monde ne peut pas être témoin, voire partie prenante d’une injection) ;

– une formation des professionnels à  l’éducation à  la santé, à  l’accompagnement des risques liés à  l’injection, afin qu’ils puissent parler concrètement des consommations, délivrer des messages pratiques et adaptés sur la technique des gestes, mais aussi en considérant la santé dans sa globalité ;

– des locaux adaptés : lieu dédié (Caarud, unité mobile), conditions d’hygiène pour l’injection, extraction de fumée, s’il s’agit de drogues inhalées (des accompagnements des consommations au domicile des usagers peuvent être envisagés) ;

– un travail avec l’ensemble des usagers de la structure sur l’acceptation du projet ;

– une information et un accord des autorités de tarification et de contrôle devraient être obtenus en amont ;

Au-delà  de la participation des usagers de l’établissement au projet d’espace de consommation, l’intervention dans l’accompagnement des consommations devrait s’ancrer sur l’intervention d’usagers pairs, compétents de part leur expérience et formés à  l’éducation à  la santé et à  la RdR. Cette nécessité d’intégrer des usagersexperts avait présidé à  la constitution première des équipes des nouvelles structures de RdR dans les années 2000, mais sans avoir pu trouver encore à  ce jour une traduction dans la création de nouveaux statuts professionnels, par exemple dans les établissements médicosociaux que sont les Caarud. Ce serait donc l’occasion de remettre la question de ces nouveaux statuts en chantier... A noter que de tels statuts sont expérimentés actuellement dans le champ de la santé mentale.

A l’heure où les établissements médico-sociaux risquent de sombrer avec leurs usagers dans le "gouffre de la précarité", la question de l’urgence sociale prenant le pas sur la prévention des dommages liés aux consommations, la présence d’usagers pairs et l’effort de formation des nouvelles générations d’intervenants (n’ayant pas le background des anciens) permettraient de recentrer les pratiques dans les Caarud sur la RdR. Ce recentrage sur les pratiques de consommation, avec un renforcement des compétences des intervenants et des usagers euxmêmes (flyers, livrets pratiques, etc.), contribuerait sans doute à  prévenir le risque de burn out des équipes des Caarud.

Conclusion

L’avenir de la RdR repose à  la fois sur sa radicalisation, son décloisonnement et son intégration dans l’ensemble des dispositifs rencontrant les personnes vivant avec des addictions. Au-delà  des SCMR, de nouveaux progrès sont à  réaliser pour l’ensemble de la RdR : l’accompagnement des consommations licites et illicites dans tous les lieux du dispositif (Csapa, y compris résidentiel, et Caarud).

Les travaux des séminaires de la Fédération Addiction et du Réseau français de réduction des risques tenteront d’aboutir à  des propositions, recommandations, référentiels, guidelines, etc. Comme les TSO, après leurs premiers pas d’adultes dans les années 1990, qui n’ont pas été limités à  des dispositifs spécifiques, comme la RdR, qui a été intégrée dans les missions des Csapa, l’accompagnement des consommations doit faire son lit au sein de l’ensemble du dispositif en addictiologie en étant en situation d’évaluer le degré d’atteinte de ses objectifs : passer de la diminution des risques sanitaires à  l’évolution de l’accompagnement des usagers, de la santé publique au vivre ensemble, à  la citoyenneté, etc. La RdR infiltre l’ensemble des dispositifs, dans un continuum depuis la prévention jusqu’aux soins les plus lourds. Sa logique, dans son objectif d’alliance avec les usagers, a une pertinence à  toutes les étapes de leurs trajectoire, depuis l’intervention précoce (début des usages problématiques), en passant par les soins qui doivent faire plus qu’intégrer la RdR comme mission, mais s’appuyer sur elle pour offrir des alternatives aux usagers qui veulent changer leurs comportements de consommation (sans viser l’arrêt absolu). La RdR doit se combiner avec les soins pour définir un accompagnement à  la gestion des consommations. Si la philosophie de la RdR doit intégrer tous les espaces du social et du soin (par exemple dans le secteur sanitaire : formation des médecins de ville, diffusion en milieu hospitalier via les Équipes de liaison et de soins en addictologie [ELSA], etc.), elle doit aussi gagner la société civile et être placée au coeur du débat public et politique. Une chance à  saisir à  travers le débat créé autour de l’accompagnement des SCMR !

VIH.org

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