Hon Lik, le père inconnu des vapoteurs20.10.2013 à 11:19 | M le magazine du Monde Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)
En septembre, l'inventeur chinois de l'e-cigarette a revendu sa société au numéro deux européen des cigarettiers - GILLES SABRIE
C'est une drôle de
cigarette, reliée par deux fils à une carte mère de la taille d'un portefeuille piquée de condensateurs et de circuits multicolores. Pour fumer, il faut tenir appuyé un interrupteur. Dans son bureau de Pékin, Hon Lik contemple l'un des prototypes de la première
cigarette électronique dont il a déposé le brevet, il y a dix ans, avant de fonder sa marque Ruyan (littéralement, "comme une
cigarette"), en 2005. En Chine, pourtant, personne ne connaît ce diplômé en pharmacie âgé de 57 ans. Il faut dire que depuis son premier brevet, Hon Lik a eu un parcours semé d'obstacles.
>> Lire : La
cigarette électronique restera en vente libre
En 2006, Ruyan est la cible d'une campagne de dénigrement en Chine, sans doute orchestrée par l'industrie du
tabac. Son brevet est ensuite copié par nombre de fabricants du sud de la Chine, qui produisent aujourd'hui bien plus de e-cigarettes que les 8 000 quotidiennes fabriquées par les usines de Ruyan à Shenyang, dans le nord-est de la Chine. Hon Lik en a poursuivi certains en justice, pour de maigres compensations.
Ce n'est qu'avec le succès de la
cigarette électronique en Europe et aux états-Unis , que l'inventeur chinois reprend enfin la main. Début septembre, il a vendu pour 75 millions de dollars (55 millions d'euros) sa société basée à Hongkong, Dragonite, à la multinationale Imperial Tobacco, numéro deux européen des cigarettiers. Hon Lik y restera en tant que consultant. Pour autant, cette transaction ne fait pas de lui un homme riche, son groupe ayant accumulé les difficultés, indique-t-il, sans donner plus de détails. L'inventeur n'a qu'une satisfaction : voir la
cigarette électronique "changer les habitudes des fumeurs du monde entier" en permettant d'"apaiser la douleur causée par l'arrêt de la
cigarette".
Pour inventer la
cigarette électronique, Hon Lik a concilié ses connaissances pharmaceutiques et son goût pour le bricolage électronique. Le jeune homme découvre la
cigarette à 18 ans, durant la Révolution culturelle, à Xifeng, où les paysans font pousser du
tabac. Au village, il devient expert en réparation de radios, une compétence qui lui sera bien utile. En 1977, il étudie la pharmacopée chinoise, puis devient sous-directeur de l'Institut de recherche sur les médicaments chinois de Shenyang. Hon Lik fume alors un paquet par jour, puis deux, lorsqu'il quitte l'administration, en 1994, pour fonder sa première société. Golden Dragon vend un fortifiant à
base de ginseng mais finit par péricliter. Déterminé à arrêter la
cigarette, le diplômé en pharmacie essaye en vain le patch de
nicotine. "L'effet d'excitation me manquait. Je me suis creusé la tête pour tenter de le reproduire. Il fallait aussi simuler la fumée, car c'est un rituel qui plaît", se souvient Hon Lik. C'est ainsi que naît la première e-cigarette. L'inventeur la fait essayer à son père, gros fumeur, atteint d'un cancer du poumon. La première version est commercialisée en 2005, l'année où
Aujourd'hui, Hon Lik ne fume plus que pour reproduire dans ses e-clopes les parfums des (vrais)
cigarettes de marques chinoises. Dans Pékin pollué, il a d'autres idées et travaille sur un purificateur d'air d'un genre nouveau. Si le prototype n'est pas encore au point, cette nouvelle invention pourrait peut-être lui apporter la reconnaissance que son pays lui a, jusqu'à présent, refusée.