J’aimerais vous faire part d’une singularité bien berlinoise qui m’apostropha lors de mon premier trip dans la capitale allemande et qui continue de m’émerveiller depuis. Cette spécificité, que l’on pourrait aussi qualifier d’ « exception berlinoise », c’est de mettre les toilettes de clubs/bars à la disposition des tapeurs et autres gobeurs de prods.
Je me souviendrais toujours de mon premier clubbing à Berlin. J’avais 20 ans. Comme beaucoup de touristes ignorants, nous nous rendîmes au Trésor, gigantesque club aménagé dans les sous-sols d’une usine désaffectée, réputé pour avoir une sélection plus ouverte d’esprit et tolérante que les clubs « sélectifs » (je mets ce terme entre guillemets car un club sélectif à Berlin, ce n’est pas tout à fait pareil qu’un club sélectif en France. Vous allez comprendre).
Je consommais déjà de la
MD à l’époque et j’étais déjà conscient que pour trouver des prods, les abords des toilettes étaient le lieu le mieux indiqué. Ni une, ni deux, direction les toilettes. A peine entré, je voyais des groupes de 4 investir les cabines, ça découpait des pailles, faisait du bruit en tapant et sortait de là en se grattant le nez. Home, sweet home me dis-je alors : j’avais trouvé mon petit coin de paradis.
Moi qui venait de Paris avec comme seule référence les toilettes du Queen (je parle du Queen d’avant 2005, quand c’était encore un pur club) qui – pour ceux qui s’en souviennent – sont pétées de chez pétés : le videur peut passer sa tête au dessus ou au dessous et te vire sans merci s’il grille quelque chose de louche (genre tes pieds pas parallèles aux chiottes). Pour moi, c’était un nouveau monde. J’en ai alors profité pour acheter des pills et du
speed et j’ai fait comme tous le monde…
Sept années plus tard, après 25 aller-retours à Berlin, 100g de d, des dizaines de pillules, 60g de K, 50g de
speed et des dizaines de toilettes de clubs différents écumées, cette exception berlinoise continue de m’enthousiasmer.
Rien de plus plaisant en effet que d’attendre patiemment qu’une toilette se libère, en profiter pour parler avec les autres tapeurs, faire connaissance et, pourquoi pas, faire de nouvelles découvertes. C’est par exemple en attendant mon tour dans les chiottes du Pano que j’ai été amené à prendre ma première trace de
kétamine. Que du bonheur !
Que ce soit au Pano/Berghain, au Watergate, au Club der Visionnaere ou au Katter, aux heures de pointe (à savoir du vendredi soir au lundi matin non stop. Et oui, c’est aussi ça l’exception berlinoise), il faut prendre son mal en patience pour taper tranquille. Bien sûr, nul n’est contraint d’utiliser les toilettes, le club entier est un espace propice au tapage. Rien de plus facile, même sur le dancefloor que de se faire une petite « clé » ni vue ni connue. Mais j’aime bien le charme des toilettes mal odorantes, c’est plus convivial pour taper ou se préparer ses
para avec ses amis. Si un jour on m’avait dit que je passerai autant de bon temps dans des toilettes répugnantes, je ne l’aurais jamais cru.
A Berlin, il n’y a qu’une seule règle régissant la consommation de drogues en club : le faire dans les toilettes. Si cette condition est respectée, on ne risque rien. Les équipes de sécurité ne s’y rendent que très rarement et quand elles le font, elles ne font rien.
En revanche, gare tout de même aux contrevenants à cette sacrosainte règle d’or. Je me suis fait attrapé une fois en train de taper au bar du Pano (oui je sais, parfois j’abuse) et je me suis fait virer manu militari.
Au moment de la fouille à l’entrée, l’exception berlinoise est là aussi manifeste. S’ils trouvent du
bédo, pas de soucis, ils te rendent tout. S’ils trouvent autre chose de plus péchu, tu as le choix : ou tu laisse le videur mettre à la poubelle ton matos et tu rentres, ou tu demandes à récupérer ton prod, mais tu ne rentres pas. N’est-ce pas génial ?
Quand j’entends certains à Paris se targuer de contribuer à « berliniser » Paris en copy/pastant le concept des soirées berlinoises, je souris doucement (même si j’apprécie l’effort). En effet, comment faire du Berlin quand tu arbores une carte à 8€ la binchouse et 10 voire 12 le hard ? Quand tu ne peux pas te droguer tranquille comme à Berlin (je pointe du doigt notamment la Concrète et son pseudo esprit de tolérance berlinoise, qui check ton paquet de clopes à l’entrée, allant même jusqu’à te recaller pour un toncar en moins. Dans cette boite, tu te fais chopper en tentant d’avaler un
para et on te tombe dessus à bras racoursix, on te jette comme un malpropre et on te prend ta tune : oui, oui, ça m’est arrivé !) ?
Halala, il n’y a pas qu’en matière économique qu’il y a de quoi jalouser nos amis allemands. Mais ne désespérons pas d’arriver à faire de notre beau pays un endroit aussi agréable et tolérant que Berlin.
L’Alchimiste