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VIH : des patients victimes de la discrimination ordinaire
par Marion Guérin
Dans un rapport, l'association AIDES révèle les multiples discriminations dont sont victimes les personnes séropositives.
VIH : des patients victimes de la discrimination ordinaire Crédit : Aides
Mots-clés :VIHSidadiscriminations
Décidément, la société évolue très lentement. Plus de trente ans après la découverte du virus du VIH, et alors que les traitements font du sida une pathologie chronique au même titre que le diabète, les patients subissent encore des formes multiples de discrimination. « Nous sommes en 2015 et à bien des égards, le traitement social réservé aux personnes séropositives fleure bon les années 80 », déplorent les auteurs d’un rapport alarmant de l’association AIDES, intitulé « VIH, Hépatites : la face cachée des discriminations ».
Grandes écoles : l’aberration
De fait, la liste de ces injustices « tenaces » est bien longue ; Aides en énumère quelques exemples, parmi les plus aberrants. Ainsi, de nombreuses écoles ferment encore leurs portes aux séropositifs et certaines carrières leur sont interdites - et ce, « sur la
base de textes réglementaires totalement anachroniques ».
Un constat d’autant plus gênant qu’il concerne des « fonctions régaliennes de l’État, notamment la justice, la police et l’armée ». Il en va ainsi de l’École nationale de la magistrature (ENM), de Polytechnique, de Saint-Cyr, de l’Armée, de la gendarmerie, de la police et des sapeurs-pompiers.
Toutes ces formations ou corps de métiers perpétuent des discriminations à l’encontre des personnes atteintes de VIH ou d’hépatites, en les excluant du recrutement ou en les cantonnant à des postes sédentaires ou administratifs « non opérationnels ».
Refus de soins : le scandale
Une précédente enquête menée par AIDES a révélé qu’en France, un cabinet dentaire sur trois a des pratiques discriminatoires envers les personnes séropositives. Obtenir un détartrage ou un rendez-vous pour traiter une carie relève parfois d’une séance d’humiliation pure et dure.
« Il vaudrait mieux que vous alliez à l’hôpital, moi je n’ai pas l’habitude de soigner ce genre de patients » ; « Les personnes comme vous, on préfère les mettre en fin de matinée, ça permet de bien nettoyer le cabinet » ; « Ah vous êtes séropositif ? Par contre c’est 150 € pour un détartrage »… Voici un petit florilège des citations entendues par des patients, proférées par des soignants.
« Notre opération de testing a révélé une méconnaissance inquiétante du VIH et de ses modes de transmission par les professionnel-le-s de santé. Elle donne également à s’interroger sur le respect des procédures de décontamination et de stérilisation par certains cabinets qui annoncent mettre en place un protocole spécifique pour les patient-e-s séropositif-ve-s ». A l'époque, l'Ordre des dentistes avait réagi en jugeant ces réactions parfaitement « anormales ».
Accès à l’emprunt : le déni
Elles ont beau avoir une espérance de vie semblable à celle de la population générale, et être bien mieux suivies qu’elle sur le plan médical, les personnes séropositives se voient toujours refuser des emprunts bancaires et immobiliers. « Alors que je suis en pleine forme, pas une grippe ni un mal de gorge depuis des années. Alors j’ai renoncé à l’achat. », témoigne un patient, cité dans le rapport. Et encore, lorsqu’ils parviennent à convaincre les établissements de leur accorder un prêt, les séropositifs sont confrontés à des « surprimes exorbitantes ».
Au final, ces discriminations « renvoient continuellement les personnes touchées par le VIH ou une hépatite à leur statut de "malade". Ou pire, elles les assimilent à un danger pour la société », dénoncent les auteurs du rapport, réalisé à partir de « situations individuelles dont nous avons été saisis ».