Addiction à l’alcool : un jour, traiter avec un psychédélique issu de champignons hallucinogènes ou

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Traiter la dépendance à l’alcool avec des psychédéliques est une piste que la recherche scientifique explore depuis les années 1950. Kyrylo Vasyliev/Shutterstock

Pourra-t-on, dans le futur, traiter la dépendance à l’alcool avec des psychédéliques comme la psilocybine issue de champignons hallucinogènes, le LSD ou encore le MDMA ? Après des résultats prometteurs chez le rat, des essais cliniques sont en cours en France…

L’utilisation des champignons hallucinogènes et autres psychédéliques est ancienne dans l’histoire de l’humanité. Elle aurait permis à l’être humain de faire un bond dans l’évolution en améliorant ses capacités cognitives et sociales.

Le sevrage alcoolique pouvant s’accompagner d’un délire hallucinatoire durant les premiers jours de l’arrêt de la consommation d’alcool, l’idée est alors apparue de traiter les hallucinations par un médicament issu de la substance active de champignons hallucinogènes, la psilocybine.

Utiliser du LSD contre l’addiction à l’alcool, une idée très ancienne

Traiter la dépendance à l’alcool avec des psychédéliques est une idée qui remonte au milieu du XXe siècle. À la fin des années 50, plusieurs publications, dont celle de Jensen & Ramsay, rapportent l’efficacité du LSD pour maintenir l’abstinence à long terme (6 à 18 mois) chez plus de la moitié des patients qui ont reçu une seule administration de LSD, en plus d’une psychothérapie.

En 2012, une méta-analyse de six essais cliniques incluant 536 participants constate qu’une seule administration de LSD fait deux fois mieux que le placebo dans la réduction de la consommation d’alcool.

En 2015, une étude de preuve de concept suggère, chez 10 patients alcoolodépendants, qu’une seule administration de psilocybine diminue de 70 % le nombre de jours de consommation d’alcool et le nombre de jours de forte consommation, et ce, juqu’à 9 mois après le début du traitement.

Des essais avec la psilocybine, substance active de champignons hallucinogènes

Cette même équipe confirme ces résultats en 2022 avec un essai clinique contrôlé, randomisé et en double aveugle chez 95 patients alcoolodépendants qui montre la réduction du pourcentage de jours de forte consommation (9.7 % dans le groupe psychothérapie assistée de la psilocybine contre 23.6 % pour le placebo) après 8 mois de traitement.

L’ensemble de ces résultats est très prometteur car la psychothérapie assistée de la prise de psychédéliques semble très efficace avec un effet rapide et durable dans le temps et elle est associée à peu d’effets secondaires. Il faut noter aussi que les psychédéliques n’entraînent pas d’addiction.

Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives de traitement de l’addiction à l’alcool, en complément des cinq médicaments et des psychothérapies disponibles actuellement en France mais qui présentent une efficacité limitée (le baclofène et le nalméfène pour réduire la consommation, et l’acamprosate, le naltrexone et le disulfiram pour le maintien de l’abstinence).

Les différents mécanismes d’action des psychédéliques

Les mécanismes d’action des psychédéliques dans l’addiction à l’alcool sont actuellement très étudiés chez les patients notamment avec des études d’imagerie cérébrale (l’ensemble des techniques d’imagerie qui permettent d’observer le cerveau). Les psychédéliques pourraient induire une « réinitialisation » cérébrale ou « reset » qui viendrait s’opposer aux nombreuses neuroadaptions induites par l’addiction à l’alcool.

Explication : l’addiction à l’alcool se caractérise par de très nombreuses neuroadaptations cérébrales qui contribueraient à rendre le comportement inflexible et automatique, à perdre le contrôle de la consommation et à la poursuivre en dépit des conséquences négatives, également à induire un état émotionnel négatif (anxiété, irritabilité, mal-être) nouvellement dénommé « hyperkatifeïa ».

Les effets des psychédéliques pourraient être de plusieurs ordres :

   - Créer de nouvelles connexions entre des structures cérébrales et effacer ou « écraser » celles dues à l’addiction. Les psychédéliques redonneraient ainsi de la flexibilité comportementale. Ils changeraient l’état de conscience afin de faciliter et de « booster » l’effet des psychothérapies.

    - Induire de la plasticité synaptique – les synapses étant les points de rencontres entre neurones qui leur permettent aux neurones de communiquer entre eux – et créer de nouvelles connexions entre les neurones.

    - Enfin, se fixer sur un facteur de croissance des neurones, dont l’activation a des effets antidépresseurs (le récepteur du BDNF).

Chez le rat, la psilocybine réduit la rechute après sevrage

Notre laboratoire de recherche a démontré dans une étude publiée en 2021, qu’une administration de psilocybine chez le rat rendu alcoolodépendant réduit de manière efficace la rechute vers la consommation de l’alcool.

Cet effet est associé à la restauration d’un récepteur qui est une cible bien connue des chercheurs qui travaillent sur l’alcool (le récepteur mGluR2) car il se trouve réduit dans le cerveau des patients alcoolodépendants, aussi des rats alcoolodépendants.

Le déficit de ce récepteur induit par l’alcoolodépendance a été impliqué dans la perte de flexibilité comportementale visible dans la maladie qui correspond à la grande difficulté à adapter son comportement.

Une substance psychédélique pour réduire la consommation d’alcool ?

Cette étude s’est appuyée sur des techniques d’imagerie qui permettent d’observer le cerveau pour tenter de prédire l’efficacité de la psilocybine. Ainsi, lorsqu’on injecte une molécule qui active ce récepteur, si le cerveau ne répond pas, comme attendu dans l’alcoolodépendance, cela augure d’une bonne réponse à la psilocybine.

En effet, la psilocybine est censée restaurer ce récepteur et ainsi redonner une capacité à changer de comportement et à recouvrer la capacité de contrôler sa consommation.

Chez l’animal, des résultats confortés après injection de psilocybine dans le cerveau

Dans une étude encore plus récente, nous avons obtenu des résultats surprenants. Lorsque nous avons injecté de la psilocybine à des rats, nous avons observé des modifications de l’expression de certains gènes impliqués dans l’addiction à l’alcool dans certaines structures cérébrales. Mais à notre grande surprise, les effets étaient différents en fonction de l’hémisphère cérébral concerné.

C’est ainsi que nous avons eu l’idée d’injecter la psilocybine directement dans des structures cérébrales mais soit dans l’hémisphère gauche, soit dans l’hémisphère droit. Nous avons donc injecté la psilocybine directement dans une structure cérébrale clé impliquée dans les effets plaisants de l’alcool, la motivation à consommer et la rechute (le noyau accumbens).

C’est alors que nous avons démontré et pu confirmer que la psilocybine réduit la consommation d’alcool quand elle est injectée dans le noyau accumbens gauche, mais pas dans le droit.

Enfin, là encore nous avons mis en évidence le fait que cet effet de la psilocybine est associé à la restauration d’un récepteur bien connu par les chercheurs car, dans la plupart des addictions, il est réduit dans cette zone du cerveau (le récepteur D2 de la dopamine).

Au total, ces résultats expérimentaux chez le rat sont très prometteurs quant au potentiel de la psilocybine pour réduire la consommation d’alcool et la rechute. Cet effet semble associé à la restauration d’un récepteur qui est réduit dans l’alcoolodépendance.

Ces résultats révèlent aussi un effet surprenant qui implique une latéralisation cérébrale qui devra être étudiée dans les futurs travaux de recherche. D’ailleurs, une étude publiée le 7 février 2024 a montré une latéralisation cérébrale des effets de la psilocybine chez des patients alcoolodépendants.

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Images IRM chez des patients alcoolodépendants traités à la psilocybine et qui sont exposés à des images évoquant l’alcool. L’activation (en A) ou la diminution (en B) de l’activité cérébrale dans différentes zones du cerveau des patients est induite en les exposant à des images qui évoquent l’alcool. (Source : Pagni, B.A., Petridis, P.D., Podrebarac, S.K. et al. Psilocybin-induced changes in neural reactivity to alcohol and emotional cues in patients with alcohol use disorder : an fMRI pilot study. Sci Rep 14, 3159, 2024)

Psilocybine et LSD font l’objet d’essais cliniques en France


Les essais cliniques ont le vent en poupe. En mai 2024, on comptait 278 essais cliniques enregistrés, dont 131 pour la psilocybine, 59 pour la MDMA et 27 pour le LSD. Depuis 3 ans, on constate environ 50 nouveaux essais cliniques par an sur les psychédéliques.

En France, un premier essai clinique lancé en 2024 au CHU de Nîmes teste l’effet de la psilocybine chez les patients alcoolodépendants avec une dépression. Deux autres essais chez les patients alcoolodépendants sont en attente d’autorisation, un avec la psilocybine (PAPAUD, financé par l’ANR) et l’autre avec le LSD (ADELY, financé par le fonds de lutte contre les addictions qui comprend des études d’imagerie cérébrale).


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Essais cliniques avec psychédéliques (Source : psylo.bio/news/psylo-newsletter-2024-may).

Les prochains essais sont des recherches qui combinent à la fois des études chez les patients et dans des modèles d’addiction à l’alcool chez l’animal.

Et il sera très intéressant de comparer les effets de la psilocybine et du LSD afin de mieux comprendre leurs mécanismes d’action neurobiologiques.

Lionel Cavicchioli
Chef de rubrique Santé

Source : The conversation

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