Des médicaments antirétroviraux réduisent le risque d'infection au VIH. Un taux de protection qui peut grimper à 92 % s'ils sont pris correctement. Des chiffres révélés hier après une étude menée aux États-Unis.
Entretien avec le Professeur Gilles Pialoux. Chef de service Maladies infectieuses et tropicales, hôpital Tenon à Paris.- L'étude américaine apporte-t-elle un vrai espoir sur le front de la lutte contre le sida ?
- Oui. Pour la première fois, un essai clinique de grande envergure a été mené auprès d'une population homosexuelle jugée à risque puisque l'on compte 40 % d'activité de prostitution. Elle montre tout d'abord que les traitements antirétroviraux, jusque-là utilisés pour soigner les malades, peuvent être utilisés de manière préventive chez des séronégatifs. 2 500 hommes ou transsexuels ont été suivis pendant plus d'un an. Certains ont eu un placebo, d'autres du Truvada, un mélange de deux molécules antirétrovirales des laboratoires Gilead. Une prise orale tous les jours. Sur l'ensemble de l'étude, on note une réduction de 44 % du risque d'infection.
- Ce sont des chiffres très significatifs ?
- Bien sûr, surtout que le taux de protection grimpe jusqu'à 92 % chez les personnes dont on a la preuve, via des prises de sang, qu'elles ont pris correctement le traitement. Là , ça devient spectaculaire. Mais cela reste une étude et elle ne touche qu'un sous groupe de population. D'autre part, dans la vraie vie, tout le monde ne se conforme pas aux prescriptions. C'est un classique. On sait par exemple que, dans le traitement du cholestérol, seulement 42 % des personnes respectent la posologie.
- Il ne s'agit donc pas d'une protection équivalente à un vaccin ?
- Non, ce traitement est un outil majeur de prévention. Mais tant que la recherche sur le vaccin n'aboutit pas, il ne doit en aucun cas remplacer l'utilisation du préservatif. Il pourra être utilisé en traitement combiné ou pour les gens qui n'ont pas accès au préservatif. Mais pour l'instant, le Truvada n'a pas reçu d'autorisation de mise sur le marché en traitement préventif.
- Est-ce la première fois que l'on utilise les antirétroviraux en préventif ?
- Non, ils sont déjà utilisés pour éviter la transmission du virus à l'enfant chez la femme enceinte. Et ça fonctionne bien. D'autre part, un essai a déjà été mené en Afrique dans le milieu hétérosexuel, notamment auprès de prostituées. Mais l'étude américaine est une première par son envergure et la population ciblée. Elle va sans doute bouleverser la recherche scientifique.
- Hier, dans son rapport annuel, l'Onusida annonce que, depuis 1999, le nombre de nouvelles infections a diminué de 19 %. Qu'en pensez-vous ?
- Ces chiffres montrent que les politiques de prévention et de dépistage menées à travers le monde portent enfin leurs fruits. On a aujourd'hui deux bonnes nouvelles dans un univers qui reste souvent lourd en mauvaises... Il ne faut pas oublier qu'environ 30 millions de personnes sont mortes du sida depuis l'apparition de la maladie.
Source :
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