Les médicaments sans ordonnance peuvent tous être vendus sur InternetLE MONDE | 18.02.2013 à 11h49 Par Pascale Santi
Cette annonce intervient dans un contexte de changement de modèle économique pour les quelque 22 000 pharmacies en France. Les officines voient sans cesse leurs marges diminuer. Trois fermeraient chaque semaine en France.
Un nouveau pas a été franchi dans la vente de médicaments sur Internet. Toutes les médications sans ordonnance pourront être vendues en ligne à partir du 1er mars. Ce seront donc près de 4 000 spécialités qui seront accessibles en un clic.
Le Conseil d'Etat a en effet rendu une ordonnance en référé, jeudi 14 février, qui suspend un article du code de santé publique (article L. 5125-34) – il devait limiter la vente en ligne aux médicaments dits en libre accès, c'est-à -dire vendus devant le comptoir du pharmacien, soit 455 spécialités. La haute juridiction a statué, à la demande de Philippe Lailler, pharmacien à Caen, qui a ouvert son site Internet depuis novembre 2012.
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, avait présenté, le 19 décembre 2012, une ordonnance autorisant la vente de médicaments en libre accès sur Internet. La France devait en effet, avant le 2 janvier, transposer une directive européenne de 2011 autorisant la vente de remèdes sur le Web.
Mais certains pharmaciens considéraient cette liste limitée aux seuls médicaments en libre accès comme une atteinte à la libre concurrence. M. Lailler a donc saisi le Conseil d'Etat d'une demande de suspension de l'exécution des dispositions de l'ordonnance du 19 décembre 2012.
Le ministère de la santé a "pris acte de cette décision", mais a souligné que les médicaments vendus sur ordonnance restaient exclus de la vente sur Internet. Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a, elle, jugé "préoccupante" cette décision. Tout comme les syndicats.
RISQUES
Mme Adenot a rappelé les risques inhérents à la vente en ligne : surconsommation, non-protection des données de santé, non-adaptation des conseils, menaces sur la confidentialité des données, falsification. "Rien ne remplace le face-à -face pour donner des conseils", insiste-t-elle.
Sans parler du mésusage de certains médicaments, comme les sirops à
base de
dextrométhorphane, dérivé morphinique antitussif, détournés de leur usage par les adolescents. Ou de certains produits qui font l'objet d'alertes sanitaires, comme les médicaments anti-rhume. Ou des conseils nécessaires lors de la prescription de contraceptifs. Certains soulignent également les risques de surdosage, comme pour le
paracétamol pour enfants.
En attendant, le ministère de la santé doit finaliser, courant mars, sous la forme d'un arrêté, les "bonnes pratiques". Dans tous les cas, la vente en ligne doit être réalisée à partir du site Internet d'une officine de pharmacie. Elle relève de la responsabilité du pharmacien. Ces plates-formes Web devront recevoir l'aval de l'autorité régionale de santé dont ils dépendent.
De leur côté, ceux qui ont déjà lancé leurs sites de "e-médicaments" estiment être vigilants et rappellent que les Français ont déjà recours à Internet pour l'achat de médicaments. Ils sont 9 % a l'avoir déjà fait pour des produits de santé sans ordonnance, selon un sondage IFOP pour l'Institut de recherche anti-contrefaçons de médicaments (Iracm), et 26 % sont prêts à le faire.
Dans tous les cas, l'objectif du ministère de la santé est de lutter contre la contrefaçon. Selon l'Organisation mondiale de la santé, plus de 50 % des produits proposés à la vente en ligne seraient des faux.
"PIGEONS PHARMACIENS"
Cette annonce intervient dans un contexte de changement de modèle économique pour les quelque 22 000 pharmacies en France. Un collectif, appelé "pigeons pharmaciens", s'est créé sur le réseau Facebook. Il alerte sur le fait que les officines voient sans cesse leurs marges diminuer et craint des fermetures : trois pharmacies fermeraient chaque semaine.
Quoi qu'il en soit, la vente en ligne va accroître la concurrence et permettre de comparer les prix qui, aujourd'hui, peuvent beaucoup varier d'une officine à l'autre.
Source : LeMonde