Dix mois avec sursis requis contre Dominique Broc, le porte-parole des Cannabis social ClubsJUSTICE - Il y avait foule lundi 8 avril au tribunal correctionnel de Tours. Cultivateurs de
cannabis ou partisans de la
dépénalisation, ils ont répondu présents au rendez-vous de Dominique Broc, porte-parole des
Cannabis social clubs, jugé pour usage et détention illicite de drogue.
Une mobilisation qui n'a visiblement pas ému le tribunal : dix mois d'emprisonnement avec sursis, dont huit pour usage, détention de
cannabis et provocation à l'usage de stupéfiants, ont été requis. Le jugement a été mis en délibéré au 18 avril.
Jardinier de 44 ans, Dominique Broc milite depuis de nombreuses années pour la
dépénalisation du
cannabis. À son domicile d'Esvres-sur-Indre (Indre-et-Loire) , il cultivait encore récemment une dizaine de m2 de plants de chanvre. Le 21 février, il a été interpellé chez lui, où les gendarmes ont saisi 126 plants et 26g de
cannabis. Une arrestation qu'il avait qualifiée de "bête et méchante" devant les caméras de La nouvellerépublique.fr. Il encourait jusqu'à dix ans de prison et 750.000 euros d'amende.
Selon lui, cette arrestation est directement liée à sa médiatisation quelques semaines plus tôt, lorsqu'il a présenté à la presse le concept des "Cannabis social club" (CSC), des groupements d'amis qui, ensemble, produisent et consomment du
cannabis pour leur usage personnel, afin d'éviter le marché noir. "Ce que l'on fait, c'est sans danger pour la liberté des autres. On n'a pas d'autres choix que de passer par l'auto-production si on ne veut pas enrichir les mafias, a-t-il affirmé. Je vous le dis, on n'arrêtera pas. Je ne vais pas arrêter de consommer, et je ne vais pas non plus enrichir l'économie souterraine."
Son avocat Philippe Baron a plaidé que l'action de son client était un "acte de désobéissance civile", comme l'avait fait en 1972 devant le tribunal de Bobigny l'avocate Gisèle Halimi en défendant le droit à l'avortement. "M. Broc veut faire de ce procès une tribune", a déclaré le procureur. "Le but de M. Broc est d'attirer l'attention, de provoquer la discussion. Le rôle de la justice est de dire si oui ou non, il a enfreint la loi", a-t-il ajouté.
De 15 à 20 CSC déclarés à travers la France
Dans son propre
Cannabis social club, créé en 2009, 15 personnes partagent les frais solidairement (pour le chanvre, le terreau, l'engrais et l'électricité), produisant 23 kg de fleurs de chanvre chaque année, avait-il précisé en janvier à l'AFP. Des photos de lui à visage découvert, devant sa production, ont fait le tour des médias et sites internet. "Il n'y a aucun trafic, puisqu'il n'y a aucune revente", rappelait-il.
Dominique Broc a déposé le 4 mars, en préfecture d'Indre-et-Loire, les statuts de la "Fédération des
Cannabis social clubs", invitant ensuite tous les
Cannabis social clubs existant en France -ils seraient plus de 400 selon lui- à faire de même le 25 mars. Ce jour-là , entre 15 et 20 CSC se sont déclarés en préfecture dans toute la France. D'autres ont prévu de le faire progressivement, en fonction des réponses des préfectures et de la justice.
Car si la préfecture d'Indre-et-Loire a bien validé fin mars la création de la fédération, publiée au Journal officiel, la justice a annoncé son intention de la dissoudre.
S'ils sont légalement reconnus en Espagne et en Belgique, les CSC sont toujours illégaux en France, où la production, la consommation et la cession de
cannabis sont interdites.
Désobéissance civile
"On dénonce une loi inadaptée", explique l'avocat, pour qui les 14 personnes qui ont produit avec Dominique Broc sont toutes d'accord pour répondre de leurs actes, mais elles "n'ont pas été poursuivies".
Dominique Broc, qui avait déjà été condamné en 1990 à 18 mois de prison pour possession de
marijuana, "reconnaît pleinement sa culpabilité. Il prône la désobéissance civile", ajoute Me Baron. Près d'une centaine de cultivateurs de
cannabis, de toute la France et parfois de l'étranger, ont également envoyé des courriers à l'avocat pour se dénoncer.
Rappelons que les
Cannabis social clubs s'appuient sur une décision cadre de l'Union européenne datant d'octobre 2004. Si celle-ci affirme que "les États membres garantissent que la culture de plantes de
cannabis, effectuée illégalement, est un délit punissable", son article 2.2 indique que "ne sont pas inclus dans le champ d’application de la présente décision-cadre lorsque leurs auteurs s'y livrent exclusivement à des fins de consommation personnelle telle que définie par la législation nationale."
En d'autres termes, pour l'Europe, les
Cannabis social clubs sont légaux et n'entrent pas dans le cadre du trafic de drogues. Mais en France, si le sujet n'est désormais plus tabou, on est encore loin de suivre le train de la
dépénalisation. Pour preuve, le mois dernier, le tribunal de Belfort a condamné à 300€ d'amende avec sursis un homme atteint de myopathie qui cultivait et consommait de l'herbe pour soulager les effets de son traitement. Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a quant à lui proposé de punir d'une amende les consommateurs de
cannabis.
Quant à savoir si le tribunal de Tours sera de cet avis, rendez-vous le 18 avril.
Source :
http://www.huffingtonpost.fr/2013/04/08 … ref=france