Communiqué : Injection de
buprénorphine,
réduction des risqueset politique globale en matière de
TSO – Quelle
substitution injectable ?
Mustapha Benslimane, rédacteur en chef de la revue LE FLYER Dr Stéphane Robinet, président de Pharm’addict Dr Maroussia Wilquin, présidente de l’association ARUDA Pr Christophe Lançon, PU-PH, CHU Marseille
Ce 25 avril 2013, l’ANSM publiait sur son site, un point d’information sur les dossiers discutés en commission des stupéfiants et
psychotropes. Parmi les sujets évoqués, il a été question de l'injection de
buprénorphine, signalée comme plus dangereuse quand il s'agit de génériques que lorsque le princeps (Subutex®) est injecté.
Cette information nous parait importante pour les usagers, ainsi naturellement que pour les soignants qui placent leur intervention sur le terrain de la
réduction des risques.
Des travaux du CEIP de Nantes ont déjà , il y a plus d’un an, évoqué ce risque majoré avec l'injection de générique comparativement à ce que l’on observe avec
Subutex®.
http://www.atout-org.com/p2t2012/abstra … !session32Dans la moitié des cas, cela se traduit par une nécrose au point d’injection, et un document PDF disponible sur le web semble montrer – photos à l’appui – la différence en termes de conséquences d’une injection de
buprénorphine générique par rapport à une injection de
Subutex® (tapez « mésusage des génériques de la
buprénorphine » sur votre moteur de recherche).
Photos 1 & 2, génériques Photo 3,
Subutex®
La taille des particules contenues dans les excipients pourrait expliquer cette différence si l’on en croit certains travaux réalisés par le même CEIP de Nantes.
Toujours est-il que cette notion de dangerosité relative est plutôt récente, en lien peut-être avec une diffusion plutôt faible, pendant les premières années, des génériques de
buprénorphine. Ceci a changé avec une forte incitation à la
substitution (générique à la place de
Subutex®) dans certains départements où, sous l’impulsion des CPAM, le générique est devenu obligatoire en contrepartie de la dispense du tiers-payant (sauf si le médecin ajoute la mention non substituable). Il fait se souvenir également que les laboratoires génériqueurs de la
buprénorphine, à l’époque où ils en faisaient une promotion active, laissaient entendre imprudemment à demi-mot que l’injection du générique contenant moins d’excipients irait dans le sens de la
réduction des risques !
Cette discussion autour de la dangerosité du générique de
buprénorphine par rapport au princeps fait poser plusieurs questions, qui vont bien au-delà de simples aspects techniques et pharmaceutiques (même s’il faut aussi les aborder ici) :
S'il y a un risque d'injection, faut-il vraiment contraindre les usagers de drogues à prendre un générique pour des raisons économiques sachant qu'en cas d'injection le risque de complication est plus élevé ? Le générique de
Subutex® doit-il être réservé aux non-injecteurs (ou supposés tels), si la délivrance des génériques doit se généraliser ?
Doit-on inciter les fabricants de génériques à changer leurs excipients, si ce sont eux qui sont responsables de complications ? Le
Subutex®, est il amené à devenir la
buprénorphine de l'injecteur (ou supposé tel) ? Si c’est le cas, doit on admettre le mésusage comme inscrit dans le marbre de la politique en matière de
TSO ?
Y aura-t-il alors une image qui collera à la peau des usagers, selon qu’ils prennent le princeps ou un générique (bon ou mauvais toxico, ce qui est parfois déjà le cas) ? Sachant que
Suboxone® n'est pas une alternative pour tous les injecteurs, quelles sont les autres solutions ?
L'élargissement de la primo-prescription de
méthadone (réputée moins injectable) en médecine de ville doit-il être inclus dans cette réflexion ? Faut-il, comme le préconise certains, mettre sur le marché une
substitution injectable ? Dans ce cas, doit-il s'agir de
buprénorphine, ou doit-on imaginer directement l'
héroïne injectable médicalisée (comme l'ont fait nos voisins suisses depuis des années) ? Qu’en est-il du
sniff de buprénoprhine (sachant que cette pratique est probablement plus fréquente que l’injection, même si elle est moins étudiée) et y a-t’il là aussi une différence en termes de risques encourus par les usagers ?
Tous les professionnels qui prescrivent et délivrent ces traitement de
substitution se sentiront concernés par ces questions qu’ils se posent souvent déjà .
Elles demandent également une réflexion globale de la part des autorités de santé. Quelle va être la position de certaines d’entre elles qui voient les mésusages et certains dommages collatéraux comme un échec relatif de la diffusion des traitements de
substitution alors que nous pensons qu’ils traduisent un manque de moyens et de solutions alternatives (hébergement social, salles de consommation,
substitution injectable...) ?
Vont-elles porter ces solutions alternatives dans un esprit de
réduction des risques ? Ont-elles une marge de manœuvre (politique) et les moyens de porter des projets innovants, même si déjà largement expérimentés ici et ailleurs ?