Le
cannabis tient salon jusqu’à demain soir, à Ficoba. Entretien avec Laurent Appel, présent pour animer une conférence.
Irun : le
cannabis a son salon et pose de vraies questions Laurent Appel : «Ne plus rester dans la prohibition dure.» © Photo
PH. É. B.
L
e salon du
cannabis ou chanvre, Expogrow se tient depuis hier et jusqu'à demain à Ficoba (
http://expogrow.net). Un paradoxe, puisque si sa tenue est légale en Espagne, elle ne le serait pas - dans cette forme - à 500 mètres de là , en France. Présent pour un exposé sur la
réduction des risques, Laurent Appel est auteur et réalisateur de documentaires sur la politique des drogues et plus particulièrement sur le
cannabis. Il est membre de l'Asud.
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« Sud Ouest ». Qu'est-ce que l'Asud ? Laurent Appel. L'Asud (Auto-support des usagers de drogues), est une association de
réduction des risques qui est née lors de l'épidémie de Sida. Elle représente les usagers dans le système de santé face aux autorités. Quelle est la place du
cannabis aujourd'hui dans la société ?
C'est d'abord, et ce salon en est l'exemple, une économie bien réelle. Les gens tiennent des boutiques de lampes, d'hydroponie, de matériel pour fumeur, etc. Elle existe aussi en France. On est à deux pas d'Hendaye et si les exposants sont internationaux, certains sont français et de nombreux visiteurs vont venir pour commander pour des magasins en France. Le « cannabusiness » existe déjà et il est légal, puisqu'il ne vend pas directement la matière et n'incite pas forcément à le faire. Mais on peut trouver tout ce qu'il faut pour le produire et le consommer, à la fois dans des magasins fixes, mais surtout sur Internet. Ces foires permettent aux gens, en contact via le Net, de se rencontrer. Mais le marché du
cannabis et des drogues, comme pour tous les produits, va vers la livraison à domicile.
D'où vient le
cannabis consommé en France ?
Le journal « Le Monde » a fait paraître une enquête (« L'Émergence du
cannabis made in France », 10 mai 2014, NDLR) qui a dû inquiéter les paysans marocains. Pour la première fois, toutes les études, y compris celles de l'Observatoire français des drogues et toxicomanies, montrent que la production de la résine marocaine est tombée à 1/3 en dessous du marché. C'est l'herbe soit « autochtone », de producteurs français, à la maison, au plus près du marché, ou européennes (Pays-Bas, Belgique, Albanie, Espagne) qui alimentent une grande partie du marché français, avec de la fleur de
cannabis, l'herbe, mais aussi le
haschich et l'huile, des concentrés de plus en plus populaires. ça réduit les volumes et facilite les envois postaux. Ce n'est plus exclusivement les pays du Sud qui livrent vers le Nord. Mais ça a aussi des conséquences, notamment l'importation de la violence pour le contrôle des productions.
Que prône votre association ?
Il est de dire que la prohibition n'a pas démontré qu'elle protégeait le consommateur, ni pour sa santé, ni pour sa sécurité, ni pour la sécurité publique. En disant « ne consommez pas », on ne donne pas les bons réflexes aux gens quand ils consomment. Si on veut créer une éducation autour du
cannabis, on ne peut plus rester dans la prohibition dure. Appelons plutôt à la vigilance de consommation.
Quid de l'aspect médical du
cannabis ?
C'est lié. Pour que l'on puisse travailler sereinement avec les malades, il faut qu'il y ait une régulation du récréatif. Il y a beaucoup de choses à faire avec le
cannabis médical. En soins palliatifs, certaines personnes préféreraient avoir du
cannabis plutôt que de la
morphine. Et sur les cancers spécifiquement, il y a notamment le docteur Manuel Guzmà¡n à Madrid, qui pense que certains composés cannabinoïdes attaquent certains types de tumeurs. Au sein du salon, il y a des gens qui collectent de l'argent pour la recherche médicale et le
cannabis. Ne nous privons pas stupidement de développer ces aspects.
Sud ouest