Pourquoi faut-il légaliser toutes les drogues?

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Un article très intéressant de Médiapart sur lequel je viens de tomber à  l'instant. À lire !

Texti ci-dessous, source consultable ici.



La légalisation du cannabis revient ces derniers temps au cœur des débats médiatiques. Les avancées observées sur le continent américain, notamment, y sont pour beaucoup. En France, si la question est régulièrement posée, la réponse politique reste la même depuis la loi de 1970 : d’abord la répression, ensuite le soin… à  condition tout de même que celui-ci reste sous l’égide du pénal. Comme si la consommation d’une drogue était nécessairement à  comprendre sous l’angle délinquantiel ou pathologique. Comme si ce n’était que le produit qui posait problème.

Fin janvier 2016, le pneumologue Bertrand Dautzenberg a relancé le débat lors du 20ème Congrès de Pneumologie de Langue Française à  Lille. Il s’y est en effet prononcé pour une dépénalisation du cannabis. Pour la petite histoire, c’est au même endroit que se déroulaient six mois auparavant, le 4 et 5 juin 2015, les 5ème Journées Nationales de la Fédération Addiction regroupant presque l’ensemble des acteurs médico-sociaux du pays travaillant en addictologie. Autour du sujet Addiction(s), aux marges de nos mondes ?, ces questions ont été présentées et discutées et les débats se sont refermés sur le slogan « Support. Don’t punish. ».

Au-delà  les mots très justes du Dr Dautzenberg, il y a notamment le travail tout à  fait passionnant de la « Global Commission ». Des politiques internationaux, des anciens rapporteurs à  l’ONU, des chercheurs, des écrivains, des intellectuels d’horizons différents se sont réunis pour étudier la question des drogues et des réponses socio-politiques proposées par les différents pays. La Global Commission on Drug Policy (littéralement la commission mondiale de politique en matière de drogues) propose une vision tout à  fait intéressante puisqu’elle invite à  penser la question des drogues et des manières de l’appréhender comme un problème qui ne peut se traiter efficacement que dans une démarche mondiale et multifactorielle. Autrement dit, l’ensemble des pays doivent agir de concert et en parallèle sur les plans légaux, économiques, médicaux et moraux.

Une politique mondiale

Pour résumer l’aspect mondial, nous savons que les pays producteurs ne sont pas les pays consommateurs. Par exemple, la cocaïne fabriquée par les cartels sud-américains est consommée majoritairement aux Etats-Unis, en Europe et en Australie. Inversement, les produits de synthèse plus consommés sur le continent américain sont, eux, produits en Europe de l’Est et en Chine… Ainsi, si un pays décide de faire la guerre à  la drogue sans prendre la mesure de ce trafic, il part de toute façon perdant puisqu’il devra faire face à  un flux constant et incontrôlable de produits à  ses frontières. Sisyphe et son rocher : on peut rêver mieux comme symbole d’une politique efficace.

Alors, pourquoi pas une répression mondiale ? Parce que d’une certaine manière, c’est le modèle actuel et qu’il nous montre tous les jours son inefficacité. D’ailleurs, dans l’histoire des drogues, les tentatives de répondre de manière répressive ont toujours été soldées par un échec total. La prohibition de l’alcool par les américains dans les années 20 en est un bon exemple : elle n’a vraiment été bénéfique que pour les groupes mafieux et le Bloody Mary (l’un des premiers cocktails inventés pour tromper les policiers lors des descentes dans les Speakeasies, les boîtes de jazz et les bars clandestins de l’époque). En effet, même pendant les années les plus répressives, l’alcool n’a jamais cessé ni d’être produit, ni d’être consommé. Aujourd’hui, nous sommes exactement dans la même situation : les maisons d’arrêt regorgent de petits trafiquants et de consommateurs rendus délinquants, les juges croulent sous les dossiers… Tout cela coûte extrêmement cher au contribuable pour un résultat tout à  fait douteux puisque depuis 1970, si le problème n’est évidemment pas réglé, il ne montre aucun signe d’amélioration. Bien au contraire.

Depuis les années 2000, les Etats-Unis imposent à  leurs alliés sud-américains une répression extrêmement forte contre la production de cocaïne, conditionnée à  des financements publics importants. Sorte de plan Marshall, le plan Colombie, puis l'Initiative Régionale Andine devaient couper les moyens de production de la cocaïne. Le résultat de cette politique est tout à  fait intéressant comme modèle d’inefficacité extrêmement coûteuse. En effet, autant sur les plans financier, écologique (du fait des destructions de champs de cocaïne présumé au glyphosate – plus connu sous son nom commercial « Roundup » –  détruisant faune, flore et polluant les sols les réserves d’eau et les habitants autour) et social (les programmes sociaux n’ont que très peu été financés contrairement aux dépenses militaires). Pourtant, nous trouvons toujours autant de cocaïne sous nos latitudes. Le gâchis est donc considérable pour un plan, le plan Colombie, qui a coûté 10.732 millions de dollars entre 1999 et 2005, financés à  64,8% par la Colombie.

Un problème multifactoriel

Sans nier la dangerosité intrinsèque des produits, légaliser les drogues reste malgré tout la pire solution, à  l’exception de toutes les autres essayées par le passé, pourrait-on dire en paraphrasant Churchill. L’idée n’est pas ici d’entrer trop en profondeur dans les détails mais il est assez facile de montrer que, tant sur les plans économiques, judiciaires et sanitaires, légaliser des produits qui existent déjà , sont largement consommés mais échappent pourtant à  tout contrôle et à  toute taxation, ne peut être que bénéfique. C’est un modèle qui n’est pourtant pas nouveau en matière de drogue, puisque les modèles de l’alcool ou du tabac sont tout à  fait dans cette démarche. Les règles sur la production, la commercialisation et la qualité de ces produits sont très strictes et la taxation très forte.

Légaliser une drogue permet-il donc d’en contrôler la qualité et de maîtriser sa dangerosité ? En faisant entrer dans les caisses de l’Etat le revenu des cotisations générées par la production et la vente, il est possible de financer des programmes sanitaires de prévention et de réduction des risques et enfin d’économiser le coût social généré par la répression et la judiciarisation du trafic et de la consommation… Le système est assez rôdé et ne demande pas un temps excessivement long pour être mis en place.

Quid de l’aspect sanitaire…

Il reste à  aborder les questions de la dangerosité et du potentiel addictif de ces produits. C’est en effet souvent sur ce plan que les débats glissent dans un moralisme réactionnaire et trouvent les meilleurs arguments d’autorité. Autrement dit, si ces produits sont dangereux, pourquoi les autoriser ? D’abord, il faut bien définir la dangerosité pour ne pas en perdre le sens. En effet, d’un point de vue strictement médical, la notion de drogue dure ou douce n’a pas de sens. C’est bien l’utilisation, la fréquence et les conséquences de la consommation qui fait, ou non, problème. En effet, l’alcool et la cigarette sont tout aussi potentiellement dangereux que d’autres produits mais restent très facilement accessibles. La dangerosité et la puissance addictive ne justifient pas leur légalité. Si c’était le cas, alors que nous savons maintenant que le sucre a un potentiel addictif très supérieur à  la cocaïne et que l’obésité et les maladies cardio-vasculaires sont sources de beaucoup de maladies et de morts, sucre et caféine ne devraient plus être trouvables que sous le manteau !

… et du risque engendré par l’accessibilité ?

On peut encore craindre que ces drogues devenues légales, donc plus accessibles, un plus grand nombre de personnes risquent de tomber dans une addiction ou une autre. Encore une fois, si c’est là  un raisonnement logique, il n’est pourtant pas validé par l’expérience. En effet, en comparant les modèles français et néerlandais, nous voyons qu’il n’y a pas d’effet significatif entre l’accessibilité d’un produit et le nombre de personnes dépendantes à  ce produit. C’est au contraire un pourcentage assez stable qui ne varie pas en fonction des politiques de gestion des drogues. Ce raisonnement vient, il me semble, d’un biais moraliste qui réduit tout consommateur à  un toxicomane en puissance. La consommation d’un produit modifiant le comportement nous emmènerait tout de suite en dehors d’une société « saine et productive ». C’est surtout parce que nous connaissons mal ces produits que nous inférons ces fausses croyances à  un usage qui est, dans une grande majorité, récréatif. Pour le cannabis, par exemple, la part des consommateurs quotidiens ne représente que 1.4% de l’ensemble des personnes ayant consommé au moins une fois ce produit. Il faut changer de produit pour réaliser l’erreur : cela n’aurait pas de sens de considérer comme alcooliques tous les consommateurs de vin.

Ce dernier point est particulièrement important puisqu’il fait pencher le débat du côté de la morale et nous empêche d’appréhender sereinement le problème que peut poser la consommation pathologique d’un produit. Si la plupart des personnes ont la possibilité de garder une certaine mesure, il y en aura toujours pour qui la capacité de s’abstenir fait défaut. Ces personnes sont à  soutenir, aider et soigner. Pour cela, nous avons besoin d’investissements et d’intelligence. Il faut innover dans des programmes éducatifs de santé publique, il faut aller plus loin dans les dispositifs de réduction des risques… La stigmatisation et la diabolisation sont des freins terribles pour les personnes qui ont un besoin réel de soin.
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toutes les dogues je veux bien, mais pas la mdpv,kopsy!

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