Voilà , les JO ont eu lieu, tout le monde est content:
les chinois ont fait leur pub, les consoles, les jeux vidéos, les produits dérivés se sont vendues par millions, la société française qui gérait l'aspect informatique des JO s'est fait des couilles en or,
Berluskozy a vendu ses avions et ses réacteurs nucléaires au gouvernement chinois,
Kouchner, Rade et Bruni sont allés soigner leur image de marque en se faisant photographier avec le Dalaî-Lama, mais voilà ce qu'il a dit , en privé, devant les députés qui l'avaient invité....
"A l´occasion de la rencontre laborieusement échafaudée officiellement officieuse au monastère bouddhiste de Lodève, un bref rappel de la situation au Tibet, telle que décrite par le dalaï-lama il y a une semaine au Sénat, garde toute son actualité.
«C´est le retour de la révolution culturelle, disent les Tibétains de l´intérieur, et les renseignements que nous avons étayent ce sentiment.» Les paroles du dalaï-lama ont coulé dans un silence attentif et tendu, imprégnant l´espace exigu du bureau où s´entassait une quarantaine de sénateurs et députés toutes tendances confondues. L´échange de civilités a été cordial mais bref, on est allé à l´essentiel.
Le visage du dalaï-lama est sévère, les nouvelles sont mauvaises, la voix assourdie à mesure de l´énumération : répression accrue, passages à
tabac et tortures systématiques, perquisitions au porte à porte ou de tente à tente, monastères vidés, des moines détenus ou renvoyés dans leurs foyers, communications téléphoniques ou électroniques coupées, exécutions sommaires, militarisation croissante du territoire, construction de nouvelles casernes et de camps de sédentarisation des nomades arrachés à leur mode de vie, viols et mauvais traitements des femmes nonnes ou laïques, destruction et pillage du patrimoine monastique, profanation de lieux sacrés aux yeux de la population. Sans négliger la multiplication des exercices antiterroristes et des manœuvres militaires dans les zones rurales ni la présence renforcée des réseaux policiers de surveillance et de maintien de l´ordre dans les villes. Comme pour mieux répandre la peur parmi les habitants. Et malgré les affirmations officielles, le Tibet en état de siège demeure à peu près fermé. Dans la petite salle de la délégation de la présidence européenne au Sénat, le silence s´alourdissait tandis que Matthieu Ricard, l´interprète du dalaï-lama, complétait le tableau : plus aucune retenue des forces de l´ordre envers les Tibétains, civils tués à bout portant, cadavres enlevés de nuit à leurs familles pour être brûlés afin de brouiller les traces. Peu avant le mois de mars, nombre de fonctionnaires subalternes tibétains brusquement remplacés par des cadres chinois pur-sang ; ordre intimé de rapatrier dans les deux mois, sous peine de sanctions drastiques, les enfants partis (au prix de mille dangers) étudier dans les écoles des communautés de l´exil. Sans négliger non plus les «campagnes de rééducation patriotique» relancées avec vigueur ni la machine de propagande repartie à plein régime en Chine et vers l´étranger - comme pour attiser la haine au lieu d´apaiser les ressentiments.
Autre précision révélatrice de l´ambiance actuelle au Tibet, le dalaï-lama rapporte que, début mai, lors du séisme au Sichuan, un Américain, responsable d´un projet humanitaire de cliniques ambulantes dans une région nomade, s´était vu interdire l´accès aux zones tibétaines reculées, à proximité de l´épicentre où les secours ont été autorisés à passer une semaine seulement après le désastre. «Ajoutez à cela les déclarations musclées des responsables du Parti communiste chinois attisant l´animosité contre les Tibétains - précise le chef religieux - assorties de dispositions, tenues sous le boisseau, prévoyant le transfert d´un million de nouveaux colons de souche Han en région dite autonome après les JO. Vous voyez pourquoi je dis qu´une sentence de mort a été prononcée contre le Tibet et son peuple, et qu´il n´y a pas de trêve olympique pour les Tibétains.»
L´idée de cette trêve avait pourtant été lancée à grand renfort de publicité par la Chine, dont le représentant à l´ONU avait fait adopter (à l´unanimité !) le principe dans une résolution le 1er novembre 2007. Le secrétaire général Ban
Ki-moon l´avait relayée peu avant le début des réjouissances à Pékin, et le CIO s´était empressé de lui emboîter le pas. Bien sûr, la résolution n´a guère été respectée - pas plus au Moyen-Orient que dans le Caucase - mais que la superpuissance émergente, qui prétend «construire un monde pacifique et meilleur par le sport et l´idéal olympique», soit la première à n´en faire aucunement cas donne une image singulière de la confusion régissant notre quotidien. A cette aune-là , l´accueil chaotique d´un leader politique exilé, prix Nobel de la paix de surcroît, reflète les incohérences du moment. Il rappelle d´une façon à la fois évidente et pathétique l´urgence première de ne pas abandonner le Tibet à son sinistre sort.
Tiré d'un texte de Claude Levenson ( grande connaisseuse du Tibet, et parfaitement au courant de ce qui s'y passe....), paru dans Libération le 22/08
Dernière modification par phenix2008 (24 août 2009 à 17:54)