Ça faisait quelque temps que j’avais envie de rencontrer cette intrigante
Salvia.
Elle me semblait avoir comme un truc bien à part, et être une drôle de plante qui ne laisse pas indifférent.
J’ai donc ajouté un sachet de feuilles à ma commande d’herbes tropicales qui font rêver. Tout en me disant que je n’allais pas faire ma frileuse, que je n’allais pas la mâcher, ni l’infuser, mais l’envoyer direct (et moi avec) le plus loin possible avec l’aide de mon joli petit
bang bleu. Je l’ai reçue, pendant quelques jours je l’ai tatée, reniflée, regardée, et lui ai trouvé un petit air plutôt cool et inoffensif. Erreur.
Minimum de précautions, je m’installe à l’air libre en me disant qu’au pire, si mon trip m’envoie en collision erratique contre le pommier rachitique qui est juste derrière moi, c’est pas bien grave. Je suis seule, pas de voisins, personne, et j’enferme le chien (sous
LSD, je lui avais trouvé une drôle de gueule un peu perturbante, je n’avais pas envie qu’il monte la garde).
C’est parti.
Je bourre une
douille de feuilles que j’ai bien broyées pour en faire tenir le maximum. J’allume, j’aspire doucement, plop, ça coule, et pendant que je retiens la fumée, vite fait je remplis une deuxième
douille. Plop. Je m’installe bien dans la chaise longue et j’attends. Pas longtemps, ça ne traine pas. Genre cinq secondes après le deuxième nuage.
D’un coup le mur en face de moi se met à gondoler sévère. Tout devient aveuglant. Et puis je ne vois plus rien. Je ne peux plus bouger, je me retrouve brutalement plaquée contre le dossier comme par l’effet d’une catapulte vertigineuse. Je suis dans une sorte de tube sans fond qui tourne sur lui-même vers la droite, lentement mais avec une force incroyable, il m’aspire, c’est oppressant. Je suis dans ce truc multicolore avec des dégradés, des zones de couleurs différentes, complètement happée par cette structure. Le détail dingue c’est qu’il y a plein de mains de toutes les couleurs aussi, elles sont décorées de façon très sophistiquée, style motifs cachemire seventies, elles sortent des parois de ce couloir qui tourne, des mains qui se tendent vers moi ou qui essayent de m’attraper, j’en sais trop rien. Je suis dans une image vivante en plusieurs dimensions. Il n’y a plus que ça, la
Salvia a pris le contrôle de tout, l’autre réalité s’est fait la malle, je ne suis plus là , je suis barrée je ne sais pas où. Je lui ai filé les clés de mon cerveau, maintenant c’est fermé de l’intérieur et elle fout un souk pas possible. Et j’ai pas le double de la clé pour pouvoir faire le copilote de mon trip.
Je ne sais pas le temps que ça a duré, sûrement un temps assez court, mais qui m’a semblé sans fin tant c’était intense, violent. D’un coup je suis sortie du couloir, le mur d’en face est revenu, a continué de se tortiller un peu, et a repris sa place. Et moi je suis restée scotchée, essoufflée, quelques minutes histoire d’atterrir complètement. Putain de trip. La
Salvia est vraiment un hallucinogène de compétition.
Dans cette expérience, je n’avais plus aucun repère tangible. Ni même celui de pouvoir au moins se dire "J’ai pris de la
Salvia". L’environnement n’était ni altéré, ni magnifié ou badant, il n’y avait juste plus d’environnement. Et pour moi la question de bouger ne se posait même pas parce que je n’avais plus la conscience de moi. Bon j’ai du faire un truc quand même, parce que j’ai retrouvé mon briquet jeté assez loin, et c’est pas dans mes habitudes de balancer mes affaires.
Quand je me relis, je trouve ça fade par rapport au trip. C’est vrai que c’est plus dur à décrire que d’autres expériences, et les mots manquent. Pour conclure, je dirais que tout ça envoie du mega lourd, ça t’embarque très loin. Le trip n’est ni plaisant, ni amusant, ni décevant, c’est autre chose. Sidérant est peut-être le bon mot.
Je n’ai trouvé aucune interprétation à ce que j’ai vu et ressenti. C’est flippant et excitant en même temps, et j’ai bien envie de recommencer.
La seule chose que je sais aujourd’hui, c’est que la
Salvia a des mains. Plein de mains.
Maintenant, je regarde mon
bang comme une petite lampe d’Aladdin d’où n’importe quoi peut sortir. Vraiment n’importe quoi.