La répression du trafic, loin d'empêcher le développement du marché, l'encourage. Aux problèmes sanitaires, s'ajoutent des dommages sociaux et une charge de travail considérable pour la police.
Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, a confirmé, dès le 24 mai, la promesse de campagne du candidat devenu président, Emmanuel Macron, de contraventionnaliser la détention et l'usage de
cannabis. Bonne nouvelle : le tollé général qui suit toute prononciation du mot «
cannabis » dans la bouche d'un ministre n'a pas eu lieu, on avance… Une autre bonne nouvelle est qu'on limite le gaspillage de ressources publiques allouées à la répression de l'usage de
cannabis.
Soyons toutefois réalistes, la mauvaise nouvelle est que cette mesure ne changera finalement pas grand-chose à la situation catastrophique que connaît la France sur ce sujet. Nous sommes l'un des pays européens les plus gros consommateurs de
cannabis. En 2014, 4,6 millions de Français concédaient avoir fumé du
cannabis dans l'année écoulée, dont 1,4 million au moins 10
joints par mois, et 700 000 Français en avaient fait un usage quotidien. Quasiment un jeune de 17 ans sur deux a déjà expérimenté cette substance vendue par le marché criminel. La politique répressive poursuivie depuis 1970 n'a pas empêché l'instauration d'un marché concurrentiel du
cannabis. Pour s'en convaincre, il suffit de constater que les parts de marché se disputent par règlements de comptes de plus en plus sanglants.
Finalement, le
cannabis est en l'état à l'origine d'une catastrophe sociale : une partie de la jeunesse sans horizon professionnel est enrôlée bon gré mal gré dans les trafics et l'argent généré fait ainsi vivoter une fraction de la population. Certains quartiers et zones périurbaines sont complètement sclérosés par le trafic, à tel point que même les habitants craignent de rentrer chez eux.
Malheureusement, aucune demi-mesure ne réduira significativement les dommages socio-sanitaires du
cannabis. Seule la création d'un marché légal et réglementé le permettrait, comme l'ont bien compris nombre d'Etats américains, l'Uruguay et demain le Canada. Il faut légaliser le
cannabis en France mais évidemment pas n'importe comment.
Même si son usage peut s'inscrire dans un cadre thérapeutique, c'est bien un objectif de santé publique qui doit avant tout être poursuivi. La prévention, la
réduction des risques et la prise en charge sanitaire de la dépendance à cette substance doivent être mises en avant. A l'instar de la lutte contre le tabagisme, de puissants outils protégeant les mineurs et les populations non consommatrices devraient être mis en place : interdiction de la publicité et de toute forme de marketing, interdiction de vente sous condition d'âge, interdiction de consommation dans les lieux à usage collectif, politique agressive de taxation, etc. Notons au passage que, débarrassées de la quasi-entièreté du marché illégal, les forces de police retrouveraient de l'efficacité dans la lutte contre le marché noir résiduel et contre les autres marchés criminels.
DANS L'OPTIQUE DE CONTRÔLER LA QUALITÉ DES PRODUITS, UNE FILIÈRE AGRO-CANNABIQUE POURRAIT VOIR LE JOUR.Dans l'optique de contrôler la qualité des produits, une filière agro-cannabique française pourrait voir le jour, en plus d'autoriser une petite production individuelle ainsi que les
Cannabis Social Clubs, associations à but non lucratif d'usagers-cultivateurs comme on en trouve déjà en Espagne ou en Belgique. Le
cannabis français serait vendu dans un réseau de distribution dédié et agréé par une autorité administrative indépendante sous condition du respect d'une charte professionnelle et de dispensation d'outils de prévention et de
réduction des risques.
Finalement, les recettes fiscales générées financeraient le dispositif réglementaire, préventif et sanitaire. Une partie de ces recettes permettrait à la République de réinvestir les actuelles zones de trafic en finançant des politiques de la ville, de cohésion sociale, d'éducation, de formation et pourquoi pas d'accompagnement à l'entrepreneuriat. Il y a urgence à véritablement agir et à inventer un modèle français de gestion légale du
cannabis, ceci avant que les lobbies nord-américains ne forcent l'ouverture du marché européen selon leurs propres règles du jeu.
Source :
Mariane