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Face au VIH, la France était un pays pionnier
La France a été l’un des pays pionniers dans la mise en place d’une politique de réduction des risques face à l’irruption du VIH chez les personnes qui s’injectaient des drogues dans les années 1980. Cette politique a largement contribué à réduire la transmission du virus liée au partage de matériel d’injection et à prévenir de nombreux problèmes sanitaires liés à la consommation.
...parce qu’il y a eu énormément de réticences en France, qui n’est en aucun cas un pays pionner sur ce point, et où les tergiversations morales et juridiques ont couté très cher en vies.
J’ai retrouvé une synthèse des mesures prises à cette époque et leur chronologie, et ça remet bien les choses à leur place.
source : extrait de Les Etats face aux drogues
Pour info :
Les Programmes d'Echange de Seringues en France
La mise en place des PES fut particulièrement longue en France ; elle symbolisa la première mesure de réduction des risques. La vente libre des seringues fait l'objet d'une décision ministérielle en 1987 et les programmes d'échange de seringue se développent au sein des Centres spécialisés à partir de 1994. Le mode de transmission du VIH lié au partage de seringues souillées a pourtant été mis en évidence en 1981. La prise en compte du risque de transmission de l'infection à VIH chez les toxicomanes intraveineux a nécessité près de quinze ans en France tandis que l'échange de seringue a eu lieu dès 1986 au Royaume-Uni ou encore 1987 en Allemagne. Comment rendre compte de cette « exception française » ?
Depuis 1972 un décret réglemente en France la vente des seringues afin de dissuader les toxicomanes d'utiliser des drogues injectables (héroïne, cocaïne, amphétamines). Ce décret édicte un monopole de la vente des seringues au profit des pharmacies et des établissements spécialisés dans le commerce médico-chirurgical et soumet leur délivrance à des conditions drastiques. Les seringues ne peuvent être cédées au public que sur ordonnance et aux personnes majeures pouvant justifier leur identité. Face à ces mesures dissuasives, les toxicomanes ont alors pris l'habitude de s'échanger les seringues en leur possession.
Claude Olievenstein est l'un des premiers spécialistes à envisager la vente libre des seringues. Il propose une réforme le 1er avril 1985 qu'il défend à travers la presse. Il obtient une certaine écoute de la classe politique française qui ne s'ensuit toutefois pas de conséquences notables. Le président de la Commission sur les stupéfiants écrit en octobre 1986 dans une note qu'il n'est pas « en mesure d'avancer un avis sur le plan scientifique et technique » et qu'il apparaît que « la solution est une décision d'opportunité politique ».
Le milieu professionnel de la toxicomanie est globalement hostile à la mise en vente des seringues, elle est perçue comme une fausse solution voire comme une incitation à l'usage de stupéfiants. En 1987, Michèle Barzach, ministre de la Santé, décide de libéraliser la vente de seringues dans les pharmacies. Le décret ne sera signé par le ministère de l'Intérieur et le ministère des Finances qu'après l'intervention de Michèle Barzach auprès du Premier ministre. L'année 1987 inaugure, selon Anne Coppel, par la mise en vente libre des seringues, la politique de réduction des risques en France.
Le décret de mise en vente libre des seringues n'est tout d'abord adopté qu'à titre provisoire pour une durée de un an. La mesure est prolongée en 1988 puis pérennisée en 1989. L'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et l'IREP (Institut de recherche en épidémiologie de la pharmacodépendance) soulignent l'efficacité de la mesure ce qui permet son adoption définitive. Le taux de contamination à VIH s'est sensiblement modifié : au sein des centres spécialisés, 33,8% des toxicomanes s'ayant injecté de la drogue pour la première fois en 1983 étaient séropositifs contre seulement 1,3% pour ceux dont la première injection est postérieure à 1992.
Le retard français de mise à disposition des seringues a toutefois été à l'origine d'une première catastrophe sanitaire. Entre le 1er avril 1985, date à laquelle Claude Olivienstein demande au gouvernement l'abrogation du décret de 1972 en raison des risques de propagation du VIH qu'il implique, et le 13 mai 1987, date du « décret Barzach », le partage des seringues aurait causé la contamination directe de 16 800 personnes. Pour répondre aux responsabilités politiques, deux associations (l'Association Auto-support et prévention du VIH parmi les usagers de drogue (ASUD) et le Mouvement de la légalisation contrôlée (MLC) et quatre toxicomanes contaminés pendant cette période saisissent en 1995 la Cour de justice de la République d'une « plainte sans constitution de partie civile pour coups et blessures involontaires » contre sept ministres. Les plaignants reprochent aux dirigeants politiques leur retard ou leur refus à signer le décret rendant les seringues accessibles. La plainte est cependant classée sans suites et le recours devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) est rejeté. (.../...)
Dernière modification par Gilda (27 août 2017 à 02:21)
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