"Heroin", chanson piquante

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Mascarpone homme
Vieux clacos corse pas coulant
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Le chef-d'oeuvre de Lou Reed est-il une apologie de la drogue ou le sermon d’un moraliste? Ça se discute.

Ce n’est pas une chanson. C’est une hépatite. «Heroin» infecte le premier album du Velvet Underground, «The Velvet Underground & Nico», paru en 1967. Lou Reed a écrit les paroles de ce chef-d’oeuvre en 1964, un an après l’assassinat de John Kennedy. Il était alors à l’université de Syracuse, où il suivait les cours d’«écriture créative» de Delmore Schwartz, l’auteur de «In Dreams Begin Responsibilities», un poète dipsomane et paranoïaque qui, avant de mourir d’une crise cardiaque en 1966, eut le temps d’accuser Lou Reed d’être un agent de la CIA.

Lou Reed, fée de l’aiguille. Mort d’un cancer du foie à 71 ans en 2013, le chanteur new-yorkais commence à se droguer à 16 ans. En 1963, il contracte une hépatite C en s’injectant de l’héroïne, à Harlem. Deux ans plus tard, il administre avec magnanimité sa première injection d’héroïne au violoniste John Cale, son acolyte gallois du Velvet Underground, qui attrape à son tour une hépatite C. La légende du rock voudrait que les deux hommes eussent partagé la même seringue interlope.

« J’étais un des premiers patients du Medicare, écrit Lou Reed avec un humour noir dans le recueil de ses chansons, en guise de commentaire à “Heroin”. Une drogue que je m’étais injectée à San Francisco m’avait gelé toutes les articulations. Les médecins suspectaient un lupus terminal mais ce pronostic a été démenti.»

A l’université, l’étudiant Lou Reed s’est frotté au désespoir de Kierkegaard, au monde absurde de l’existentialisme et aux récits toxicomaniaques de William Burroughs (résolument réaliste, le rocker préférait le style sec de «Junky» au lyrisme monstre du «Festin nu»). Comme il le dira plus tard : «Je suis trop littéraire pour être punk.»

Pourtant, au premier abord, « Heroin » exhale bien des miasmes de nihilisme punk avant l’heure. «J’ai pris une grande décision/Je vais travailler à faire de ma vie un néant», proclame le narrateur de la chanson, que l’on se gardera de confondre avec son auteur.
Quand je me plante une shooteuse dans la veine/
Je t’explique : les choses ne sont plus tout à fait pareilles.»

On voit par là que notre héros maîtrise à la fois l’usage de la litote et du garot.



Presque un sermon



Petite phénoménologie glacée, le morceau retrace grandiosement l’extase mégalomaniaque de l’individu contemporain («Je me sens juste comme le fils de Jésus»), sa solitude, son absence au monde, son retranchement du vivre-ensemble :
Vous ne pouvez plus m’aider, les gars/
Ni vous, les adorables filles avec vos adorables paroles.»

Atroce aubade à une monade. John Cale reprochait à Lou Reed d’avoir modifié la première phrase. Au commencement, le junkie chantait : «I know just where I’m going» et non «I don’t know where I’m going». «Une totale reddition», selon Cale. En tout cas, une manière d’euphémisation et comme une prémisse de circonstance atténuante. Dans la félicité de son ivresse synthétique, le narrateur fait sécession et laisse la société à elle-même. Là encore, son «I really don’t care any more» semble annoncer l’indépassable négation punk de «I Don’t Care» des Ramones (1979).

Cancre du devoir de mémoire, le moi qui parle ici n’a que faire des charniers d’hier et de demain, du Vietnam et d’ailleurs : «Je n’ai vraiment plus rien à battre de ces montagnes de corps morts entassés.» On nous dira que, dans la France de François Hollande, nul besoin de se piquer pour parler comme l’héroïnomane de Lou Reed : «Je n’ai vraiment plus rien à battre de ces politiciens qui profèrent des sons sans signification.» Nous le faisons au thé vert.

Mais, cette chanson où résonnent un peu de charlatanisme et une volonté adolescente de rudoyer le bourgeois et le comptable (le métier du père de Lou Reed) n’est pas le mugissement d’un punk; c’est l’oeuvre cathartique d’un moraliste. Presque un sermon. En 1979, l’artiste en concert au Bottom Line, à New York, le confessait à son public:
Que croyez-vous que je ressente quand je vous entends réclamer une chanson pop intitulée “Heroin”? La malignité de cette drogue, vous ne la connaissez pas. Quand je chante : “Heroin, c’est ma femme, c’est ma vie’’, vous croyez que je plaisante?»

Source:http://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20150721.OBS2963/cantique-de-la-defonce-2-heroin-chanson-piquante.html

Dernière modification par Mascarpone (22 septembre 2017 à  06:52)


Qui pète plus haut que son cul, fini par se chier dessus!
Le pire con, c'est le vieux con, car on ne peut rien contre l'expérience!
Ce qui est bien chez les félés, c'est que de temps en temps ils laissent passer la lumière!

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Cusco homme
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Inscrit le 15 Sep 2015
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Salut !
Content de te relire. Surtout avec ce genre de piqûre de rappel du rock !

Dernière modification par no punish (22 septembre 2017 à  06:40)

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