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Une audace qui se répand
10.11.2008
La prescription d´héroïne, inscrite dans la panoplie thérapeutique suisse depuis 1998 après quatre ans d´essais, repose sur une ambiguïté. En remplaçant l´héroïne de la rue par une substance plus pure prescrite médicalement, c´est avant tout la rue - c´est-à -dire l´illégalité, la marginalité, la déchéance sanitaire et sociale - qu´on soigne. La dépendance, elle reste intacte.
Dans un premier temps du moins. Le traitement peut déboucher sur l´abstinence. C´est rare: les quelque 1300 patients ont en moyenne dix ans de toxicomanie et une série d´échecs thérapeutiques derrière eux et s´ils sont là , c´est parce que les séparer de leur drogue s´est avéré très difficile. Six ans après le début de la prescription, un patient sur deux était toujours ou de nouveau en traitement a montré une étude publiée en 2003 sur huit centres suisses.
Mais pas impossible: 16% de ceux qui avaient quitté le traitement étaient abstinents, non seulement de l´héroïne, mais aussi de la méthadone, de la cocaïne et du cannabis. Un nombre équivalent avait repris une consommation quotidienne d´héroïne illégale.
C´est peu? Si l´on fait de l´abstinence le seul critère de la santé retrouvée, certainement. Mais pas si l´on en prend d´autres en compte: les patients prennent du poids, soignent leurs infections, ont moins d´épisodes dépressifs et épileptiques et se sentent mieux psychiquement. L´étude de 2003 n´a pas porté sur ces points. Elle relève en revanche des améliorations sociales qui persistent après l´arrêt du traitement: baisse nette de la délinquance, des dettes et du nombre des sans-abri. La réinsertion au travail, en revanche, traîne la patte: les sans-emploi sont même un peu plus nombreux après six ans (+3% environ), beaucoup de patients ayant obtenu une aide des services sociaux.
Résultats à améliorer, donc. Mais aussi, à mesurer à l´aune des craintes soulevées par l´expérience: les programmes de prescription d´héroïne n´ont pas généré de trafic secondaire ni sombré dans le chaos. Les usagers ont rapidement stabilisé leur consommation quotidienne, contrairement à une théorie qui les voyait l´augmenter sans fin. Souvent polytoxicomanes au début, ils ont diminué considérablement leur consommation, particulièrement problématique, de cocaïne.
Et la Suisse n´est plus isolée: l´Espagne, l´Allemagne et les Pays-Bas ont mené des études aux résultats concluants. La prescription d´héroïne est devenue un traitement admis dans ce dernier pays et de nouveaux essais sont en cours en Belgique et au Canada. L´OMS n´exclut plus qu´elle soit indiquée pour un groupe spécifique de patients particulièrement atteints.
Source : Le Temps.ch
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