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Philippines: un massacre de masse au nom de la «guerre à la drogue»
Plus de 9 000 morts. Ce seul chiffre donne la mesure du tragique – et provisoire – bilan de la «guerre à la drogue» que le président des Philippines, Rodrigo Duterte, mène depuis son entrée en fonction le 30 juin 2016, en mobilisant une rhétorique toxicophobe et au prétexte de rétablir «la paix et l’ordre» et de protéger l’État philippin d’organisations criminelles. Malgré les critiques qui s’élèvent, aux Philippines et à l’étranger, contre l’Oplan Double Barrel (Opération Double Canon), des atteintes aux droits humains continuent d’être commises à grande échelle.
Les Philippines
Situé en Asie du Sud-Est et peuplé d’un peu plus de 100 millions d’habitants, le pays est un immense archipel. Après avoir été successivement colonisé par l’Espagne, puis les États-Unis, le pays a proclamé son indépendance en 1946. Le régime démocratique a été rétabli en 1986, suite au renversement du dictateur Ferdinand Marcos. Environ 10% de la population travaillent à l’étranger en raison d’une politique économique qui repose, depuis plusieurs décennies, sur l’exportation de la main d’œuvre. Malgré une croissance rapide qui le fait figurer parmi les «Tigres asiatiques» et se traduit par un important exode rural vers les villes (notamment la capitale, Manille), le pays reste peu développé, avec un cinquième de sa population sous le seuil de pauvreté et un secteur agricole qui emploie près d’un tiers de la main d’œuvre.
En avril 2015, les Philippines ont vécu aux rythmes des nouvelles qui parvenaient de la prison de Nusa Kambangan, en Indonésie: rien ne semblait s’opposer à l’exécution imminente de Mary Jane Veloso, une travailleuse domestique philippine, accusée de transport illégal de produits stupéfiants. Rien, hormis l’immense émotion suscitée par son calvaire. Dans un pays où quasiment toutes les familles bénéficient de l’argent envoyé par des proches travaillant à l’étranger, le cas de Veloso résonnait dans le cœur des philippins. Elle était bien moins considérée comme une coupable que comme une victime – de la pauvreté de son pays d’origine et des réseaux mafieux. La médiatisation de son cas a d’ailleurs permis d’attirer l’attention sur un fait souvent méconnu: près de 1 300 Philippins sont incarcérés pour transport illégal de produits stupéfiants en dehors du territoire national et la plupart des 80 Philippins qui se trouvent dans des couloirs de la mort à travers le monde (en particulier en Chine et en Malaisie) ont été condamnés pour ce motif.
Un an plus tard, l’émotion a changé de camp. A la faveur de l’arrivée à la présidence, le 30 juin 2016, de Rodrigo Duterte, l’idée qu’il faille, par tous les moyens, en finir avec la drogue a triomphé. Arguant qu’elle est un important facteur de pauvreté et de la nécessité d’empêcher les Philippines de devenir un «narco-État», Duterte a désigné la drogue comme le principal ennemi des Philippines et a prôné une attitude impitoyable à l’égard des usagers, des revendeurs, des passeurs et des trafiquants. Il a même réussi à faire entendre que Veloso méritait d’être exécutée.
Avant d’avoir une ambition nationale, Duterte a été l’homme fort de Mindanao, la principale île du sud de l’archipel, où il a longtemps été maire de Davao City. Présentée comme la «vitrine» de son programme présidentiel, la ville a acquis, sous ses mandatures successives, une image singulière: elle est réputée pour ses politiques progressistes en matière d’égalité hommes/femmes et d’accès à la contraception, mais aussi pour être parmi les villes les plus sûres du pays. Mais Duterte doit son surnom de «Duterte Harry» à ses liens avec les Davao Death Squad («escadrons de la mort de Davao») et la sécurité qui règne dans sa ville a le goût du sang.
Lors de l’annonce de sa candidature en novembre 2015, Duterte ne semblait pas pouvoir remporter les élections, en raison de sa réputation sulfureuse et de son style outrancier. Malgré ses provocations (qui lui ont valu d’avoir été désigné comme le «Donald Trump d’Asie»), il a déjoué les pronostics en positionnant sa campagne contre les «élites de Manille» et en promettant une «guerre à la drogue» qui permettrait de rétablir «la paix et l’ordre».
Produits stupéfiants et usagers
Tirés d’enquêtes souvent anciennes et peu fiables, les chiffres sur les usages de produits stupéfiants aux Philippines sont à manipuler avec précaution. Ce qui fait généralement défaut à Duterte qui, par exemple, lors de son discours inaugural, a évoqué «3,7 millions de drogués», en se fondant sur les chiffres de la Philippines Drug Enforcement Agency. Une autre institution gouvernementale (le Dangerous Drugs Board) évalue plutôt leur nombre entre 1,3 et 1,7 million – selon des enquêtes menées au début des années 2010. Ces chiffres ne disent évidemment rien de la diversité des produits stupéfiants, ni de celle de leurs usages, mais ils sont quasiment les seuls disponibles avec ceux rendant compte de l’activité policière (nombre d’arrestations, quantités saisies, etc.). Ils indiquent, avec les travaux de l’United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC), une proportion d’usagers plutôt basse au regard des comparaisons internationales. Une autre estimation souvent mobilisée indique que 25% des communes seraient «affectées» par la «drogue» à l’échelle nationale et 99% dans la région-capitale de Manille. En fait, ces chiffres renseignent moins sur la consommation de produits stupéfiants et les consommateurs que sur la manière dont «la drogue» est pensée.
Aux Philippines, le terme de «drogue» désigne, en fait, essentiellement la méthamphétamine, localement appelée shabu, et, accessoirement, le cannabis. L’ecstasy, les benzodiazépines, les drogues par inhalation et les opiacés de synthèse sont également consommés, mais dans des proportions bien moindres. Le cannabis, en raison de son approvisionnement et du profil de ses consommateurs, ne suscite pas les me?mes crispations que le shabu. Celui-ci étant principalement visé par la «guerre à la drogue», il faut en dire quelques mots. Il est apparu dans les années 1980 dans le pays, mais son usage s’est répandu une décennie plus tard ; 16% de la population en aurait déjà consommé. Mais ses consommateurs réguliers sont essentiellement des hommes des milieux les plus défavorisés qui recherchent son effet stimulant (en raison de la grande résistance physique et des amplitudes horaires importantes qu’implique le travail dans l’économie informelle) et anorexigène (plus de 13% des foyers philippins rapportent souffrir de la faim au moins une fois par trimestre). Le marché national est approvisionné par des mafias d’Asie de l’Est, en particulier chinoises, et d’Afrique – la participation du cartel de Sinaloa (Mexique) est rapportée depuis quelques années. Mais l’installation de laboratoires sur le sol philippin permet aussi à ces organisations de faire du pays l’une des plaques tournantes du trafic de méthamphétamine en Asie du Sud-Est.
La législation, en place depuis une quinzaine d’années, est sévère à l’égard des usagers: la possession (jusqu’à 5 g, pour l’opium, l’héroïne, la cocaïne, la résine de cannabis ou le shabu) est punie d’une peine de 12 à 20 ans de prison. Quant aux personnes cultivant le cannabis, elles encourent une incarcération à perpétuité. Au regard du nombre de saisies de produits stupéfiants et de personnes incarcérées pour des délits/crimes liés à ces produits, les Philippines étaient loin d’être un pays laxiste en la matière, avant même l’arrivée au pouvoir de Duterte. Pour compléter ce rapide tableau, signalons des politiques de santé publique étrangères à la logique de réduction des risques et le peu de structures de prise en charge des usagers: jusqu’à l’an passé, le département de la santé en comptait 44, dont une quinzaine d’établissements publics accueillant un peu plus de 5 000 patients annuellement.
Victimes d’Oplan Double Barrel
Lors de son entrée en fonction, en juin 2016, Duterte s’engage à débarrasser le pays du «problème de la drogue» en six mois. Très vite, il dénonce publiquement des «drug personalities», dont des listes sont publiées, et sa «guerre à la drogue» prend forme sous l’appellation Oplan Double Barrel dont le nom indique qu’elle vise simultanément les usagers et les cartels (dans la réalité, plutôt les revendeurs).
Parmi les mesures prises, figure Oplan Tokhang, une opération (décrite comme une «approche communautaire») visant à l’établissement, par les autorités locales et les habitants, de listes d’usagers et de revendeurs de drogues. Puis, à partir de ces listes, d’autres sources d’information et de tests de «drogue» menés à large échelle (dans les administrations, les écoles, les entreprises, etc.), la police procède à des visites domiciliaires. Elle certifie les maisons «sans drogue» et invite les usagers et les revendeurs à promettre de cesser leurs activités. Entre début juillet 2016 et fin janvier 2017, la police a visité plus de 7 millions de maisons, mené plus de 43 000 opérations de contrôle et procédé à plus de 53 000 arrestations. A? cela s’ajoute le choix fait par près de 1,2 million de personnes (80000 revendeurs et 1,1 million d’usagers) de se rendre «volontairement» aux autorités. Mais Oplan Double Barrel a été suspendu le 30 janvier après le scandale suscité par l’ampleur des extrajudicial killings (EJK, «exécutions extrajudiciaires»), et la mort de Jee Ick-Joo en particulier (cf. infra). La «guerre à la drogue» a repris le 6 mars 2017, sous un nouveau nom (Oplan Double Barrel Alpha Reloaded), avec un rythme toujours soutenu d’arrestations (11 000 entre début mars et fin avril), de visites domiciliaires (près de 800 000) et de redditions «volontaires» (plus de 95 000 personnes).
Outre le nombre spectaculaire d’opérations policières, la «guerre à la drogue» se traduit par un nombre important de morts. Entre le 30 juin 2016 et le 30 janvier 2017, plus de 7 000 personnes ont été tuées: 2 255 d’entre elles sont mortes lors d’opérations de police et les autres ont été tuées par des vigilantes, des individus non identifiés qui, à l’instar des Davao Death Squad, laissent sur leurs victimes des messages les désignant comme des tulaks (dealers)oudesusagersdedrogue.Onestime désormais (fin avril) que la «guerre à la drogue» a fait 9 000 morts. Parmi ces victimes, figurent beaucoup de personnes qui apparaissaient sur les listes des «drug personalities», des usagers, des revendeurs, mais aussi des victimes d’accusations mensongères, des victimes collatérales (notamment des enfants) et des personnes connues pour leur engagement politique.
C’est le propre d’un massacre de masse de rendre impossible l’évocation de chacune des victimes. Il faudrait raconter l’histoire de Danica Mae Garcia, tuée en août, à l’âge de 5 ans, d’une balle destinée à son grand-père. Et puis Althea Fhem Barbon, une petite fille de 4 ans, tuée en septembre aux côtés de son père. Et aussi Luzviminda Siapo, qui a dû baiser les pieds de son employeur koweïti pour pouvoir se rendre aux funérailles de son fils de 19 ans, tué après une dénonciation calomnieuse. Il faudrait raconter une journée ordinaire, sa trentaine de morts et toutes ces vies brisées.
La mort de Jee Ick-Joo est devenue un cas emblématique des EJK. Ce Sud-Coréen a été kidnappé le 18 octobre 2016 à son domicile, à Angeles City, par des membres de l’Anti-Illegal Drugs Group agissant en dehors d’un cadre officiel. Ceux-ci auraient tué Jee Ick-Joo le jour me?me, mais auraient également réussi à obtenir le paiement par sa famille d’une rançon de 100 000 $. La polémique suscitée par la médiatisation de la mort de Jee IckJoo a contribué à l’interruption, fin janvier, d’Oplan Double Barrel. Malgré la promesse de Duterte d’une «guerre à la drogue» désormais «propre», les EJK ont repris, leur rythme ayant certes ralenti.
Mais les EJK ne constituent pas les uniques violations des droits humains commises dans le cadre de la «guerre à la drogue». Les prisonniers s’entassent dans des prisons qui connaissent un afflux sans précédent. Une véritable «économie de la mort» se développe, car les pompes funèbres rétribuent (jusqu’à 10 000 pesos/190 euros) les policiers qui leur apportent des corps. En outre, la responsabilité de la police dans ces atteintes aux droits humains est flagrante. Le chiffre des personnes tuées lors des opérations de police donne la mesure du peu de cas qu’elle fait de la population. Les personnes détenues ne sont d’ailleurs parfois pas à l’abri de ses exactions, comme l’illustre le cas de Rolando Espinosa Sr.. Des cas de détention illégale ont également été rapportés. Et surtout, selon de nombreux témoignages et enquêtes menées par des groupes de défense des droits humains, les auteurs des EJK, les vigilantes, seraient pour l’essentiel des policiers agissant masqués et motivés par des primes.
Guerre aux usagers et durcissement du régime
Outre les EJK, la «guerre à la drogue» se traduit par des discours toxicophobes et la déshumanisation des usagers – littéralement, puisque Duterte a déclaré, en août 2016, douter qu’ils soient des «êtres humains». Elle se traduit également par l’augmentation du prix d’achat du shabu. A l’instar de ce qui s’observe généralement avec ce genre de politique, la désorganisation des réseaux se répercute sur les prix de vente et la réduction de 80 à 90% de l’«offre de drogue», telle que l’annonçait (sans fondements sérieux) en septembre dernier le chef de la Police, Dela Rosa, est évidemment temporaire.
Duterte a fait part, publiquement et à plusieurs reprises, du dégoût que lui inspirait l’usage de l’argent public au bénéfice des usagers. Néanmoins, parmi ses premières mesures, figure l’édification de nouvelles structures de soins, dont l’emblématique «Mega Drug Abuse Treatment and Rehabilitation Center». L’apport en argent public étant réduit au minimum pour sa construction, celle-ci a essentiellement reposé sur des dons, notamment de l’étranger, comme ceux de la Japan International Cooperation Agency (à hauteur de 16 millions de dollars) et du milliardaire chinois Huang Rulun. L’emplacement du «Mega Drug Abuse Treatment and Rehabilitation Center» (à Fort Magsaysay, un terrain militaire, à plus de 150 km de la mégapole de Manille) et son gigantisme (2 500 lits ont été ouverts en novembre 2016 sur un total de 10 000 prévus) témoignent d’une politique relevant essentiellement du contrôle des usagers et de leur éloignement des grands centres urbains.
L’ampleur des violations des droits humains commises dans le cadre de la «guerre à la drogue» constitue une escalade dans un pays où les EJK (dont sont en particulier victimes les militants politiques et les journalistes) sont structurelles. Ainsi, plus de 300 EJK ont été commis lors des cinq années de la mandature du précédent président, Benigno Aquino. Mais le bilan de la «guerre à la drogue» de Duterte dépasse déjà ce qui constitue, aux Philippines, un étalon en matière de violations des droits humains: le régime de la loi martiale de Ferdinand Marcos (1972-1986) – qui s’est soldé, selon les chiffres généralement retenus, par 3240 personnes tuées et 70 000 autres incarcérées.
Par ailleurs, malgré la fragilité du régime démocratique depuis sa réinstauration il y a une trentaine d’années, la dictature de Marcos a toujours constitué un puissant repoussoir. Duterte a donc commis une véritable rupture en autorisant, en novembre 2016, l’enterrement de Marcos au Libingan ng mga Bayan (le cimetière des héros de la nation). Pire, il a fait planer le spectre d’un rétablissement du régime de la loi martiale en menaçant, en novembre 2016, de suspendre l’ordonnance d’habeas corpus afin d’intensifier sa «guerre à la drogue».
La «guerre à la drogue» participe d’un climat général d’impunité: les milliers de victimes des opérations policières ne font pas l’objet de véritables enquêtes et aucune poursuite n’a été engagée dans le cadre des enquêtes sur les EJK. De plus, Duterte a multiplié les déclarations encourageant les EJK: il a successivement prévu de tuer 3 millions de drogués, puis «seulement» 100 000 personnes et il a proposé de procéder quotidiennement à l’exécution d’une condamnation à mort. En décembre 2016, il a me?me reconnu avoir participé à des exactions19. Simultanément, la législation se durcit, avec le dépôt de propositions de loi abaissant l’âge de la responsabilité pénale à 9 ans et rétablissant la peine de mort, notamment pour certains crimes liés au trafic de stupéfiants.
Réactions nationales et internationales
Le sort qui a été fait à la sénatrice Leila De Lima, l’une des figures de l’opposition à Duterte, est emblématique. En septembre 2016, elle a été évincée de la présidence de la commission sénatoriale sur la justice et les droits humains qui enquêtait sur les EJK commis dans le cadre de la «guerre à la drogue». Elle a fait l’objet d’attaques personnelles de la part du Président (au sujet de supposées relations sexuelles qu’elle aurait eu avec son chauffeur, par exemple), mais le Président l’a, en outre, accusée d’avoir été mêlée à un trafic de drogue lorsqu’elle était ministre de la Justice sous le précédent Président. Cette accusation a conduit, en février dernier, à son arrestation. Incarcérée depuis lors et considérée par Amnesty internationale comme une «prisonnière d’opinion», De Lima est bien davantage une victime du régime de Duterte que coupable des accusations faites à son encontre et auxquelles personne ne croit réellement. Le plus sérieux opposant à Duterte est certainement l’église catholique, un acteur politique majeur dans l’archipel, comme l’a démontré son rôle dans le renversement du dictateur Marcos en 1986 ou dans celui du président Joseph Estrada en 2001. Duterte (en raison de sa politique progressiste en matière d’accès aux méthodes contraceptives) est un ennemi de longue date de l’église catholique, qui est de plus engagée depuis plusieurs décennies contre les violations des droits humains dans le pays. L’église catholique se retrouve donc en première ligne dans la dénonciation de la «guerre à la drogue» et dans l’opposition au projet de rétablissement de la peine de mort. Du sommet de l’institution (notamment le président de la conférence des évêques, l’archevêque Socrates Villegas) jusqu’aux églises qui affichent leur condamnation des EJK et accueillent même des usagers et des proches de personnes assassinées, en passant par des prêtres engagés dans le Network against killings aux Philippines.
A l’échelle internationale, si les insultes de Duterte à l’encontre des «grands de ce monde» (Obama et le Pape notamment) ont régulièrement fait les gros titres de la presse, la diplomatie philippine a été faiblement affectée par la «guerre à la drogue». Des reportages courageux de journalistes étrangers et philippins et plusieurs enquêtes d’organisations de défense des droits humains ont poussé la communauté internationale à exprimer ses inquiétudes, sinon condamner. Dès août 2016, les Nations unies, notamment par la voix d’Agnès Callamard, rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, ont fait part de leur préoccupation. Quelques mois plus tard, le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a appelé à une investigation après que Duterte ait publiquement reconnu sa participation aux EJK commis par les Davao Death Squad. Certains opposants philippins à la «guerre à la drogue» comptent désormais beaucoup sur les organisations internationales, comme en témoigne le dépôt, fin avril, d’une information auprès de la Cour pénale internationale par un avocat philippin.
Conclusion
Duterte a déclaré la «guerre à la drogue» alors que les pays précédemment engagés dans de telles politiques en ont déjà fait un bilan sévère. La Thaïlande, un pays voisin, a tiré peu de bénéfices, à moyen terme, de la campagne qu’elle a menée en 2003 et qui s’est soldée par 2275 morts, 55000 arrestations et près de 300000 personnes obligées de suivre un traitement. Quant aux «narco-États» latino-américains que Duterte évoque comme des repoussoirs, certains de leurs anciens présidents – Fernando Henrique Cardoso (Brésil), Ernesto Zedillo (Mexique) et Cesar Gaviria (Colombie)– ont appelé dès 2009 à la légalisation des drogues, après avoir été les premiers témoins de l’échec des stratégies répressives. Il est difficile, dans l’immédiat, de trouver des raisons d’espérer. Les EJK continuent, même si leur rythme s’est ralenti, et la culture de l’impunité marquera durablement la société philippine. Les usagers, confrontés à une criminalisation sans précédent, sont loin de pouvoir accéder à des pratiques de réduction des risques, mais aussi de pouvoir se faire entendre collectivement. Malgré les critiques qui se sont élevées, la politique de Duterte bénéficie d’un fort soutien (qu’il est néanmoins difficile d’évaluer dans un contexte de violences à l’égard des opposants): elle a réussi à imposer des analyses simplistes (notamment l’idée que les problèmes liés aux usages de drogue se règlent en visant l’offre de produits) et elle a su mettre à son service des intellectuels, à l’instar de Brillante Mendoza qui a réalisé deux spots publicitaires pour l’appuyer.
Néanmoins, le Parlement philippin discute actuellement d’une proposition de loi autorisant l’usage médical du cannabis. Les quelques parlementaires qui soutiennent la campagne menée par la Philippine Cannabis Compassion Society (PCCS) ont reçu l’an passé un soutien inattendu lorsque Duterte s’est prononcé en faveur de l’usage médical du cannabis. Le président des Philippines, qui a admis avoir fait, par le passé, un usage abusif du fentanyl, un analgésique opioïde, n’est pas à une ambiguïté près. Mais sa haine viscérale des usagers de produits stupéfiants ne l’a pas quitté. Le lundi 17 avril dernier, il s’est adressé en ces termes à des travailleurs philippins revenant d’Arabie saoudite: « Si vous perdez votre travail, je vais vous en donner un. Tuez les drogués! »
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Source : vih.org
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Dernière modification par ElSabio (28 septembre 2017 à 18:37)
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