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1,4 million de personnes consomment régulièrement du cannabis en France (illustration) — Gendarmerie nationale/ DR
Retour en 2015. Alors ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve annonçait au Parisien une salve de mesures chocs destinées à éradiquer les trafics de drogue qui pullulent dans Saint-Ouen ( Seine-Saint-Denis). Pourtant, trois ans plus tard, force est de constater qu’il est toujours aussi facile de se procurer une barrette de shit en se rendant sur l’un des multiples points de deal de la ville. « Même s’il est en partie moins visible, le trafic de drogue est ici toujours aussi important qu’avant », observe Eddy Sid, porte-parole du syndicat Unité SGP Police-FO en Ile-de-France.
« Les moyens n’ont pas suivi »
Les policiers parviennent bien de temps en temps à démanteler des trafics et à saisir d’importantes quantités de drogue. Mais ils sont loin d’être assez nombreux pour mener bataille contre les trafiquants et leur armée de petites mains. A Saint-Ouen, la Bac (Brigade anticriminalité) ne compte que dix agents, et la BST (brigade spécialisée de terrain) à peine le double. Pourtant, ces deux unités sont en première ligne. « Des grandes annonces ont été faites, mais derrière, les moyens n’ont pas suivi », déplore Eddy Sid qui dénonce aussi le manque de policiers chargés de « mener les investigations pour faire tomber, ensuite, les réseaux, ou faire en sorte qu’ils ne se reconstituent pas trop vite ».
La situation à Saint-Ouen n’est pas exceptionnelle. A l’occasion de la soirée spéciale de France 2 ce mercredi intitulée : « La Drogue un échec Français », 20 Minutes se penche sur la lutte contre le cannabis. « Il y a en France une consommation de cannabis à laquelle vient répondre un trafic extrêmement organisé », explique Michel Kokoreff, professeur de sociologie à l’université Paris 8, auteur du livre La drogue est-elle un problème ? *. Selon un rapport de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies), paru en juin 2017, le nombre de consommateurs reste stable : quatre Français sur dix auraient déjà expérimenté le cannabis et 1,4 million de personnes en fument régulièrement, dont 700.000 quotidiennement. Ainsi, « la manne financière issue du trafic de stupéfiants favorise la multiplication des réseaux et points de vente », indiquent les analystes du Sirasco (Service d’information, de renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée) dans leur dernier rapport dévoilé en octobre 2017.
« Vider la mer à la petite cuillère »
Dans la majorité des cas, la résine consommée en France est importée du Maroc via l’Espagne, par voie terrestre ou maritime. L’herbe, elle, est souvent acheminée depuis les Pays-Bas. En 2016, les services répressifs français ont saisi 71 tonnes cannabis, 6 tonnes et demie de moins qu’en 2015. Et plus de 180 tonnes de ce produit ont été saisies en mer Méditerranée. Malgré ces prises belles prises, un enquêteur lillois avait confié un jour à 20 Minutes qu’il ne se faisait pas d’illusion quant aux importantes quantités qui parvenaient à rentrer sur le territoire sans être interceptées. Et ce dernier d’ajouter : « On a l’impression d’essayer de vider la mer à la petite cuillère. » Michel Kokoreff affirme que les autorités ne parviennent à mettre la main que sur 10 % de la drogue qui arrive en France.
Pour autant, il ne faut pas croire que le trafic de cannabis permet à tous les membres des réseaux de s’enrichir. Le professeur de sociologie estime que « ceux qui gagnent vraiment beaucoup d’argent sont minoritaires ». Il qualifie les vendeurs, les guetteurs et les nourrices de « smicards du business » qui se font « un peu d’argent qu’ils flambent » ou qui sert à payer un avocat en cas d’arrestation. Une main-d’œuvre qui semble inépuisable pour les têtes de réseau. Il s’agit souvent de jeunes « broyés par un système scolaire qui ne voulait pas d’eux », qui ont en commun « la pauvreté » et « l’absence de perspectives d’emploi », notent les auteurs d’une étude très fouillée réalisée en 2013 pour l’ORDCS (Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux).
« L’un des pays les plus répressifs »
La multiplication des points de vente entraîne une concurrence féroce entre les réseaux qui n’hésitent plus à s’armer de kalachnikov pour essayer d’éliminer leurs concurrents. En 2016, « sur le ressort de la DIPJ [Direction interrégionale de la police judiciaire] de Marseille, 38 faits visant 51 victimes ont été recensés », écrivent les analystes du Sirasco, soulignant que « la région parisienne est moins impactée » par les règlements de compte puisque 23 cas avaient été recensés cette même année, impliquant 25 victimes. « Les dealers ont plus peur les uns des autres que la police », poursuivent les auteurs du rapport de l’ORDCS, soulignant qu’il est « bien plus difficile de sortir du trafic que d’y entrer ». « Certains le regrettent amèrement a posteriori. »
« Nous vivons dans l’un des pays les plus répressifs, et pourtant, c’est un de ceux où la consommation de cannabis est la plus élevée. C’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas », estime Michel Kokoreff. La législation française punit lourdement le trafic, mais également la consommation de drogue. Les usagers risquent une peine maximale de 1 an d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende. Mais dans les faits, ces derniers, ne sont sanctionnés que par « de simples rappels à la loi ou des amendes de faible montant », a reconnu en juillet dernier Gérard Collomb, devant les députés de la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Contraventionnalisation
« La réponse pénale n’est pas adaptée car aujourd’hui, les tribunaux sont engorgés et il y a des affaires beaucoup plus importantes à gérer que celles impliquant des consommateurs de stupéfiants », soutient le porte-parole d’Unité-SGP Police FO. Par ailleurs, la procédure est si lourde que, lorsque les policiers trouvent une petite quantité de cannabis, ils préfèrent la détruire et laisser partir le consommateur afin de ne pas perdre de temps et de chercher des quantités de drogue plus importante, nous avaient confiés certains d’entre eux. C’est notamment pour cette raison que le gouvernement a récemment annoncé son intention de contraventionnaliser l’usage de cannabis.
Les personnes interpellées avec une petite quantité paieront une amende qui pourrait être éventuellement assortie de poursuites pénales. Michel Kokoreff, lui, estime qu’il s’agit d’une « mesurette » qui ne dissuadera pas les usagers de cannabis d’en acheter. Il considère en revanche que légaliser ce produit permettrait d’assécher le trafic dans les cités, à l’Etat de contrôler la qualité du produit vendu, de gagner de l’argent et d’investir davantage dans la prévention. Les forces de l’ordre pourraient aussi se concentrer sur les autres trafics, qui ne sont pas aussi importants.
« Un débat qui semble impossible »
Dans un rapport datant de 2014, la Fondation Terra Nova expliquait également que « la politique de répression est en échec en France » et préconisait « la légalisation de la production, de la vente et de l’usage du cannabis dans le cadre d’un monopole public ». Cette solution, ajoutait le think tank proche du PS, « permettrait de fixer le prix à un niveau plus élevé qu’aujourd’hui de manière à garantir une relative stabilité du nombre de consommateur et du volume consommé ». « Mais en France, regrette Michel Kokoreff, la légalisation du cannabis est un débat qui semble impossible. Jusqu’à maintenant. »
* « La drogue est-elle un problème ? », de Michel Kokoreff, ISBN n°978-2-228-90476-6, 304 pages.
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Source : 20minutes
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Dernière modification par Petit conton (14 mars 2018 à 20:16)
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