Et voila la depeche APM :
Alcoolisme: le rapport bénéfice/risque du baclofène est négatif pour le CSST mis en place par l'ANSMPARIS, 25 avril 2018 (APMnews) - Le rapport bénéfice/risque du
baclofène est négatif dans la réduction de la consommation d'
alcool chez les patients dépendants à l'
alcool, avec une consommation à risque élevé, a estimé le Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) mis en place par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), selon un relevé d'avis diffusé mardi soir.
"L'efficacité du
baclofène dans la réduction de la consommation d'
alcool chez les patients adultes présentant une dépendance à l'
alcool et une consommation d’alcool à risque élevé, telle que présentée dans le dossier de demande d'AMM [déposé par Ethypharm], a été jugée cliniquement insuffisante", écrit le CSST en résumé de ses conclusions à l'issue de ses réunions les 2 février et 17 avril.
"Ceci, ajouté à un risque potentiellement accru de développer des événements indésirables graves (y compris des décès) en particulier à des doses élevées, conduit à considérer que le rapport bénéfice/risque est négatif."
La mission du CSST s'inscrit dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d emise sur le marché (AMM) d'Ethypharm (cf dépêche du 06/04/2017 à 12:24). Composé d'"experts européens indépendants compétents en évaluation du rapport bénéfice/risque des médicaments, en méthodologie des essais cliniques et en épidémiologie", le CSST a examiné les données disponibles.
Selon le relevé d'avis, les experts notent à partir des deux essais cliniques évaluant le
baclofène en double aveugle contre placebo que "la diminution de la consommation d'
alcool à 6 mois attribuée au
baclofène par rapport au placebo a été estimée à 11 g/jour (critère secondaire de l'étude ALPADIR, résultat non statistiquement significatif) et à 6 g/jour (critère principal de BACLOVILLE, résultat statistiquement significatif), ce qui représente environ 7% de la consommation initiale moyenne".
Mais ils considèrent que "la pertinence clinique de ces résultats est discutable" en raison de la taille modeste de l'effet et des "limites méthodologiques importantes de ces ceux études" (faible puissance statistique, forte proportion de données manquantes et nombre important d'abandons).
Ils ajoutent qu'aucune relation dose-effet ne permet de définir "une plage thérapeutique optimale" et que les résultats sur l'abstinence continue après 6 mois de traitement (critère principal d'ALPADIR) sont négatifs.
Le seul résultat significatif du
baclofène dans les deux études est la composante obsessionnelle/compulsive de l’envie de boire ("craving").
Concernant le profil de sécurité, la fréquence des événements indésirables a été plus élevée avec le
baclofène qu'avec le placebo dans ces deux études. Il s'agissait des principaux événements indésirables généralement associés à son utilisation: troubles psychiatriques et du système nerveux, asthénie, troubles gastro-intestinaux.
Les experts notent que la part des patients ayant présenté au moins un événement indésirable considéré comme grave était le double sous
baclofène par rapport aux groupes placebo dans BACLOVILLE mais pas dans ALPADIR, dans lequel cette proportion était similaire dans les deux groupes. La même tendance est observée pour les patients abandonnant prématurément le traitement à cause d'effets indésirables.
Bien qu'ils reconnaissent ne pas pouvoir conclure de façon définitive sur la survenue d'effets indésirables de manière dose-dépendante avec le
baclofène, ils notent une tendance dans ce sens. Ils soulignent en particulier que 5 décès parmi 6 survenus dans BACLOVILLE ont été considérés par le promoteur comme liés au traitement, contre 3 décès dans le groupe placebo.
Le CSST a également examiné les données -contestées par des patients et des médecins- de l'étude pharmaco-épidémiologique réalisée en "vie réelle" par la Cnamts, l'ANSM et l'Inserm (cf dépêche du 03/07/2017 à 18:43, dépêche du 12/07/2017 à 19:19 et dépêche du 03/08/2017 à 12:41). Les résultats montrent que "l'utilisation du
baclofène est fortement associée à un risque accru, augmentant avec la dose, d'hospitalisation et de décès en comparaison de l'utilisation des traitements des problèmes d'
alcool disposant d'une AMM".
"Le rapport détaillé du CSST sera publié dans les prochaines semaines", indique l'ANSM sur son site internet.
Réunion d'une commission
ad hoc et audition des parties début juillet
L'agence rappelle que l'évaluation du
baclofène se poursuit et a prévu de réunir, les mardi 3 et mercredi 4 juillet, une commission
ad hoc temporaire, composée de membres issus des trois commissions consultatives de l'ANSM (cf dépêche du 07/11/2017 à 18:08). Les sociétés savantes et associations de patients concernées seront également auditionnées de manière à disposer d'un éclairage global.
Le
baclofène est homologué sur le marché comme myorelaxant dans le traitement de la spasticité chronique sévère. Son usage dans le traitement de l'alcoolodépendance a été promu par un médecin, le Dr Olivier Ameisen, dans un livre où il relatait son expérience personnelle, rappelle-t-on. Face à l'engouement suscité alors, l'ANSM a encadré cette utilisation hors AMM dans une première recommandation temporaire d'utilisation (RTU) en mars 2014 puis l'a renouvelée le temps que la procédure d'examen de la demande d'AMM aboutisse.
Les résultats de l'étude Cnamts/ANSM/Inserm ont toutefois conduit l'ANSM à limiter la dose maximale autorisée dans le cadre de la RTU, tout en rappelant aux médecins qu'ils pouvaient prescrire hors AMM et hors RTU. La situation a poussé notamment un usager, le mari d'une femme alcoolodépendante, à déposer un recours contre la décision de l'ANSM devant le Conseil d'Etat. Celui-ci a rejeté le référé en février (cf dépêche du 28/02/2018 à 14:53) et doit rendre une décision au fond.