Je ne suis pas médecin, et je n’ai qu’une très faible expérience des neuroleptiques en tant que patiente (j’en ai pris une fois par erreur). Je connais par contre plusieurs personnes qui en prennent, parfois depuis des années, et j’ai quelques connaissances en pharmacologie de par mon métier. Si vous avez des remarques, que vous souhaitez compléter les informations ou apporter des corrections, ou simplement témoigner, n’hésitez pas à le faire. Je modifierai ce post en fonction. C’est par l’intelligence collective et le cumul d’expériences qu’un forum a une utilité !
Ce guide s’adresse aux personnes qui commencent un traitement de
neuroleptiques en ambulatoire (hors hospitalisation). Il m’a semblé nécessaire car j’ai remarqué que de nombreuses personnes viennent ici demander des conseils car elles sont surprises par les effets du médicament. Les prescripteurs donnent souvent peu d’informations, peut-être par peur d’affoler le patient. Cela me semble être une mauvaise démarche : mieux vaut savoir à quoi s’attendre pour gérer ce traitement au mieux.
De quels médicaments parle-t-on ?Neuroleptiques typiques (« de première génération ») :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antipsychotique_typiqueNeuroleptiques atypiques (« de deuxième génération) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antipsychotique_atypiqueComment fonctionnent-ils ?Les
neuroleptiques sont des substances
psychotropes qui modifient la chimie du cerveau. L’effet recherché (antipsychotique-tymorégulateur, voir plus bas) vient du fait qu’ils bloquent partiellement l’échange de
dopamine entre les neurones. Ils ont cependant des effets plus ou moins importants sur quasiment tous les neurotransmetteurs, ce qui explique que chaque personne réagit différemment à ces traitements (nous n’avons pas tous le même cerveau), et qu’ils possèdent de très nombreux effets secondaires, très diversifiés.
À quoi servent-ils ?Deux effets sont recherchés :
- Antipsychotique : ils permettent de calmer les symptômes des psychoses (hallucinations, idées délirantes, dépersonalisation /déréalisation, perte de contact avec la réalité…). Il s’agit de la seule classe de médicaments commercialisés à ce jour capable de faire ce job.
- Thymorégulateur : ils permettent de lisser l’humeur (moins de bas, moins de hauts) ; étant donné les nombreux effets secondaires de ces médicaments, il s’agit en général d’un deuxième, voire d’un troisième essai (après les antidépresseurs et d’autres tymorégulateurs pris seuls). Maladies souvent concernées : dépressions, bipolarité, borderline
À noter que les
neuroleptiques n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché comme somnifères, bien qu’ils soient souvent utilisés pour cela, à faibles doses. Cela signifie qu’aucune étude n’a été faite dans le cadre de cet emploi, et notamment qu’on n’a pas évalué leur sécurité d’utilisation dans ce cas précis. Normalement si on vous propose un
neuroleptique comme somnifère c’est que vous avez déjà testé de nombreuses molécules qui n’ont pas fonctionné.
À quoi dois-je m’attendre en commençant le traitement ?On sait en général que les antidépresseurs n’agissent pas de suite. On sait en revanche moins que c’est aussi le cas des
neuroleptiques en ambulatoire (si on vous shoote au
Tercian ou au
Loxapac à l’hôpital, les effets antipsychotiques/tymorégulateurs seront là de suite mais ce sera le cadet de vos soucis : vous serez dans le cirage). Il faut compter entre 3 et 8 jours pour ressentir les effets bénéfiques, s’il doit y en avoir. Cela signifie que si vous prenez le traitement sur moins de 8 jours, vous ne saurez pas s’il vous aide réellement. Bien sûr, si les effets secondaires sont trop gênants ou dangereux, il ne faut pas pousser jusque là, mais si c’est une question de confort, ça vaut le coup de s’accrocher jusque là pour être certain que le médicament fonctionne ou pas.
Les effets secondaires, eux, apparaissent en général tout de suite. Ils sont hautement variables d‘une personne à l’autre ainsi qu’en intensité. Les plus courants sont les suivants :
- Fatigue (entre un peu crevé et 20 h de sommeil d’affiler). Pas grand-chose à faire mis à part se reposer. Normalement ça se tasse un peu au bout de quelques prises, une fois que la substance s’est « installée ».
- Ralentissement cognitif : (entre « la tête dans le cul » et « camisole chimique »). Là aussi pas grand-chose à faire, cela fait partie des effets secondaires les plus courants. Au bout de quelques jours, une fois le médicament bien installé, il faut voir avec le prescripteur si cet effet secondaire vous semble disproportionné par rapport à ce qu’il est sensé vous apporter.
- Faim / prise de poids : (entre le « bide des
neuroleptiques » et 50 kilos) très courant aussi. Il faut essayer d’avoir la meilleur hygiène de vie possible pour limiter la prise de poids sous
neuroleptiques : un peu de sport, attaquer les repas par une salade / une soupe, essayez le fromage blanc à 0 % en cas de fringale. Chez certaines personnes ça se tasse au bout d’un moment, chez d’autres pas.
- Tremblements : (de « les mains pas très sûres » à « incapable de tenir sa cuillère »). À cause des effets sur la
dopamine, il est assez régulier d’avoir des tremblements sous
neuroleptiques. S’ils vous handicapent, il faut savoir qu’il existe des traitements correcteurs assez efficaces. Parlez-en à votre prescripteur.
Quand est-ce que je dois m’alarmer ?Certains effets secondaires doivent vous faire consulter rapidement :
- Sentiment de vide, idées noires, pulsions suicidaires. Bon je pense qu’il n’y a pas besoin de détailler pourquoi. Les
neuroleptiques peuvent être assez imprévisibles et amplifier le phénomène au lieu de le faire baisser.
- Fièvre inexpliquée, début de sensation de rigidité musculaire. C’est une urgence ! Les
neuroleptiques peuvent causer le syndrome malin des
neuroleptiques. C’est heureusement assez rare, mais c’est potentiellement mortel, et le début de traitement est une phase à risques. Plus d’infos ici :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_ … oleptiquesQuelques conseils en vrac- Ne pas changer de dosage sans voir avec le prescripteur, et ne surtout pas couper ou écraser les cachets sans son avis. Parfois on se dit que si on en prend moins on aura moins d’effets secondaires. C’est vrai pour certains médicaments, c’est faux pour d’autres (le
Xeroquel à faibles doses est beaucoup plus sédatif qu’à hautes doses, par exemple). Certains médicaments sont sous forme retard, les couper ou les écraser risque de casser l’effet retard, et le principe actif n’est pas forcément dans chaque morceau pour moitié. Si vous ne supportez pas les effets secondaires, coup de fil au prescripteur.
- Évitez l’alcool, au moins au début. Les
neuroleptiques peuvent potentialiser les effets de l’alcool, selon les personnes. Une fois le traitement bien installé, y aller doucement au début pour voir comment vous « tenez » si vous comptez boire quelques verres.
- Il y a très peu de données d’interactions possibles avec le
cannabis. Une étude suggère que le
cannabis inhibe l’effet antipsychotique des
neuroleptiques, mais rien n’est sûr à cause des nombreux biais lorsque les chercheurs s’attaquent à cette question.
- Pour les autres drogues, ben, inch’Allah, aucunes études à l’horizon. Tout témoignage est bienvenu !