Oui, l’alcool (et surtout le vin) est beaucoup moins taxé en France que le tabacPar Anne-Aël Durand
Le 12 octobre 2018 à 11h14
Mis à jour le 12 octobre 2018 à 11h28
Des médecins demandent à la ministre de la santé de « taxer plus fortement l’alcool pour financer la prévention et les soins » et ainsi réduire la consommation des plus jeunes.
Plusieurs médecins ont publié, jeudi 11 octobre, une lettre ouverte à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, pour « protéger davantage les Français de l’alcool » en le taxant davantage, alors que le budget 2019 de la Sécurité sociale est examiné en commission à l’Assemblée nationale.
Les auteurs de la lettre se désolent de voir que le fonds de lutte contre les addictions aux substances psychoactives soit abondé à hauteur de 100 millions d’euros par les taxes sur le
tabac, et de 10 millions d’euros par les futures amendes sur le
cannabis, mais ne comprenne aucun financement lié à l’alcool. Ils estiment pourtant que « taxer plus fortement l’alcool est indispensable pour financer la prévention et les soins et surtout pour réduire sa consommation, notamment celle des plus jeunes ».
En effet, les taxes actuelles sur l’alcool sont beaucoup moins nombreuses et beaucoup plus complexes que la taxation des produits tabagiques.
Des taxes différentes selon les types d’alcoolEn plus de la taxe sur la valeur ajoutée de 20 %, l’alcool – comme le
tabac, le pétrole ou d’autres produits de luxe ou polluants – est soumis à un impôt indirect nommé « droit d’accise ». Mais celui-ci n’a pas le même montant selon la nature du produit.
Ainsi, les droits de consommation sur le
tabac (DCT) – eux-mêmes divisés en une part proportionnelle et une part spécifique – ont des montants qui peuvent varier du simple au double, voir au triple, selon qu’il s’agisse de
tabac à rouler, à priser, de cigares ou de
cigarettes.
Pour l’alcool, le nombre de catégories et de modes de calcul est encore plus complexe, comme le précise le site douane.gouv.fr :
les vins « tranquilles » (non bullés) sont taxés à 3,78 euros par hectolitre, soit trois fois moins que les vins mousseux (9,35 euros par hectolitre) ;
les bières, elles, sont taxées en fonction de leur degré d’alcool (avec une taxe qui passe de 3,71 euros à 7,42 euros par hectolitre et par degré), mais aussi de la taille de la brasserie ;
pour les
alcools forts, la taxe, bien plus élevée, est calculée sur l’« hectolitre d’alcool pur », avec un taux réduit pour les bouilleurs de cru (privilège en voie d’extinction), mais aussi pour les rhums d’outre-mer (871 euros au lieu de 1 741 euros).
En plus du droit d’accise s’ajoutent des cotisations de Sécurité sociale spécifiques sur les boissons de plus de 18o d’alcool, ainsi que sur les « prémix », mélanges de boissons alcoolisées et très sucrées destinées aux jeunes.
En théorie, les taxes devraient être liées au degré d’alcool, mais le vin – protégé par d’influents lobbys – est proportionnellement beaucoup moins taxé que les autres produits.
Comme le notait un rapport de la Cour des comptes de 2016, la fiscalité française est davantage orientée vers une protection de la production nationale (la France étant une grande nation vinicole) que vers des objectifs de santé publique. Ainsi, les vins représentent 60 % des boissons alcoolisées consommées en France, mais seulement 3,6 % du droit d’accise.
L’alcool : 49 000 morts par an
Dans une optique de santé publique, la mortalité liée au
tabac est très préoccupante, puisque l’on considère que la
cigarette, première cause de cancer, est responsable de 73 000 morts prématurées par an.
Mais juste après le
tabac, l’alcool est la deuxième cause de mortalité évitable. En comptant les cancers, cirrhoses, accidents de la route et maladies cardio-vasculaires, la consommation d’alcool était responsable de 49 000 morts par an, selon une étude de 2009.
Dans le budget de la Sécurité sociale, la contribution des taxes sur le
tabac, qui s’élève à 14 milliards d’euros en 2018, est bien supérieure aux revenus des produits alcoolisés, qui ne s’élèvent qu’à 4 milliards d’euros.
Source : LeMonde