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Le Code de la santé publique tel que modifié par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 consacre le principe de la réduction des risques (RDR) afin de « prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose par injection de drogue intraveineuse et les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie par des substances classées comme stupéfiants ».
Oui mais...
Le dispositif de RDR devrait bénéficier à l´ensemble de la population, y compris aux personnes détenues. A cet égard, le projet de loi pénitentiaire adopté par le Sénat le 6 mars 2009 rappelle que « la qualité, la permanence et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l´ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés (…) L´administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l´éducation sanitaires ».
...les établissements pénitentiaires français, qui accueillent de nombreux UDI et qui proposent, lors de l´exécution de la peine, un dispositif de RDR, soit un accès aux traitements de substitution aux opiacés (TSO), soit des outils de prévention et de décontamination (eau de Javel) du matériel destiné à l´injection par voie intraveineuse, refusent l´accès à du matériel d´injection stérile dans le cadre de PES.
Ce qui est inadmissible.
Aussi l´accès à du matériel stérile d´injection devrait être garanti aux UDI quelle que soit leur situation pénale. Les standards nationaux de la RDR définis par le décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 et notamment le chapitre III sur la distribution de matériel de prévention s´appliquent à l´ensemble de la population y compris à la population incarcérée. La loi condamne l´usage de produits stupéfiants en milieu libre et la réglementation interdit les produits stupéfiants au sein des établissements pénitentiaires. En revanche, les textes n´interdisent pas la distribution de matériel de prévention et la réglementation garantit la mise en oeuvre la plus complète de la RDR.
Depuis plus de quinze ans, le Conseil national du sida appelle de ses voeux une réforme du dispositif de RDR au sein des établissements pénitentiaires et recommande l´instauration des PES au sein des lieux de détention au regard des expériences étrangères.
Deux principaux outils de RDR sont mis en oeuvre au sein des établissements pénitentiaires. La circulaire du 5 décembre 1996 prévoit tout d´abord l´initialisation de TSO dans le cadre de la lutte contre l´infection par le VIH et plus particulièrement la buprénorphine haut dosage (BHD) qui, en France, est le principal traitement prescrit.
En dehors de la substitution, les pouvoirs publics préconisent, en suivant les conclusions du rapport Gentilini, la généralisation de la distribution périodique d´eau de Javel, en quantité et en concentration déterminées, afin de nettoyer le matériel d´injection des UD. L´administration procède à la distribution d´eau de Javel titré à 12° chlorométrique et recommande depuis 2001 une large diffusion par les personnels sanitaires des modalités d´utilisation de l´eau de Javel comme produit de désinfection des matériels d´injection.
Ce dispositif de RDR, qui n´a jamais été remis en cause, présente néanmoins de nombreuses difficultés. Il pâtit tout d´abord des insuffisances de coordination au sein du système de soins. Les différentes évaluations menées dans les lieux de détention depuis 2001 pointent des lacunes dans la prise en charge des usagers de drogues : la réalité de la toxicomanie est mal perçue par l´administration, la coordination des intervenants est limitée et le partage des rôles entre les UCSA et les SMPR demeure floue. Conséquence en partie de l´inégale prise en charge, le traitement de la dépendance reste très disparate et continue de se heurter à l´opposition de certains acteurs, notamment dans les établissements où aucun centre de soins spécialisés en toxicomanie (CSST) n´intervient.
A l´occasion du vote de la loi pénitentiaire, le Conseil souhaite que des PES soient mis en oeuvre de façon progressive et dans les plus brefs délais, sans attendre la publication de l´enquête relative à la prévalence de l´infection par le VIH et le VHC chez les personnes détenues (PREVACAR). Les résultats de l´enquête ne seront pas connus avant 2011 et les données resteront partielles, l´enquête ne permettant pas d´appréhender la proportion des UDI en prison ni les cas avérés de transmission par l´échange de seringues. A cet égard, le Conseil est favorable au lancement d´une phase pilote de PES, préalable à leur généralisation.
Au quotidien ; un accès aux dispositifs de réduction des risques partiel, disparate, peu efficace et peu évalué.
L´usage de l´eau de Javel présente également des difficultés. Les évaluations témoignent d´une distribution relativement satisfaisante de l´eau de Javel et d´une diffusion large des informations sur les motifs de RDR. En revanche, les informations relatives à la RDR ne semblent pas toujours correctement intégrées par les personnes détenues ni par le personnel pénitentiaire. De plus, de l´eau de Javel domestique titrée à 9° peut être distribuée en lieu et place de la Javel à 12°. En outre, la probabilité d´une désinfection efficace n´est pas garantie. La consommation de drogue étant interdite, l´injection et donc la désinfection du matériel est réalisée rapidement alors que le temps consacré doit être conséquent. Enfin, même correctement utilisée, l´eau de Javel ne permet pas d´éliminer avec certitude le VHC. Les organisations internationales recommandent pour les établissements pénitentiaires la distribution de matériel d´injection à usage unique, les programmes de distribution d´eau de Javel ne pouvant être considérés que comme une stratégie de second plan.
Les pouvoirs publics n´envisagent pourtant pas d´alternative à la distribution de Javel. Le dernier plan national de lutte contre les hépatites 2009-2012 définit un cadre d´intervention pour le milieu carcéral qui se limite au renfort de l´incitation au dépistage des hépatites des entrants et à l´évaluation de la note Santé/Justice de 2001. Le Plan de prise en charge et prévention des addictions 2007-2011 n´a pas prévu d´action spécifique en direction du milieu carcéral. Le refus de l´installation de PES dans les centres de détention est constant depuis 1997.
Et pourtant les bénéfices des programmes d´échange de seringues largement reconnus :
Les PES sont mis en place dans des pays pourvus de systèmes carcéraux variés tel qu´en Suisse, en Allemagne, en Espagne, en Moldavie, au Kirghizstan, en Biélorussie, en Arménie, au Luxembourg ou en Iran. Les premiers programmes débutent en 1992 et en 1994 dans deux établissements pénitentiaires suisses à l´initiative du corps médical et en concertation étroite avec les autorités des cantons. Après la Suisse, les PES se développeront en Allemagne (1996) et en Espagne (1997). La distribution des seringues se fait soit par le biais de distributeurs automatiques, soit par le personnel soignant épaulé par une ONG. Au vu de son succès, l´expérience a été étendue à de nouvelles prisons dans chaque pays, surtout en Espagne où les PES ont été généralisés à l´ensemble du territoire en 2001.
Les études confirment que les programmes menés en milieu carcéral contribuent à la réduction des risques. En effet, il est observé en premier lieu que les PES participent à limiter le partage de seringues et à contenir la transmission du VIH et du VHC. Un examen des résultats d´évaluation des PES réalisé dans onze établissements pénitentiaires de la Suisse, de l´Espagne et de l´Allemagne montre que les programmes menés en parallèle avec les autres dispositifs de RDR (TSO, counselling) ont réduit fortement le partage de seringues dans sept établissements sur onze et ont contribué à la baisse de la prévalence du VIH et du VHC dans deux établissements sur les cinq ayant procédé à des tests sanguins.
Dans les trois autres établissements au sein desquels la prévalence a pu être établie, le taux d´infection est resté stable. Par exemple en Allemagne où le nombre de détenus déclarant partager des seringues est passé de 54 avant le programme à 4 durant les quatre premiers mois du programme, il n´y a pas eu de nouveaux cas d´infection au VIH et seuls quatre nouveaux cas d´infection au VHC ont été relevés.
En second lieu, les PES peuvent garantir un surcroît de sécurité dans les établissements pénitentiaires, y compris pour le personnel pénitentiaire. Dans le cadre de l´ensemble des programmes initiés au sein de la cinquantaine de prisons, aucun cas d´usage de seringue comme arme par destination n´a été rapporté. En outre, le risque de blessure lié aux seringues présentes dans les centres de détention apparait très faible.
Les organisations internationales dans leur ensemble recommandent expressément que des « aiguilles et seringues stériles et du matériel de tatouage stérile « soient accessibles aux détenus « de manière confidentielle et non discriminatoire » et indiquent que « la provision de seringues et d´aiguilles stériles « fait partie de la gamme des services nécessaires aux personnes en prison et dans des milieux semblables ».
Considérant l´ensemble de ces éléments, le Conseil national du sida recommande la mise en oeuvre de PES en milieu carcéral.
La note complète avec les références : http://www.cns.sante.fr/spip.php?articl … rtpage=1-4
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