Salut,
Je cherchais un forum de ce type depuis un certain temps en vain (je suis tombé dessus par hasard avec le mot psychoactif). Je n'ai pas encore eu le temps de lire beaucoup de posts mais j'aimerais partager avec vous ma vie avec l'
alcool, pour témoigner de l'emprise qu'a cette drogue sur nos vies mais surtout pour dire que même au fond du trou voir encore plus bas, il est possible de s'en sortir et d'avoir une vie normale, avec ses joies et ses peines, mais une vie qui ressemble à quelque chose. Car la vie c'est finalement ce qu'on en fait, malgré toutes les merdes qui peuvent nous tomber dessus.
Voici donc un texte que j'espère pas trop indigeste, que j'ai écris pour un forum que je fréquente beaucoup mais dont ce n'est pas le sujet. Il y a des ellipses et comme je le précise, je ne rentre pas dans les détails les plus sordides, mais il y en a, plus que de souvenirs heureux. J'espère que ça pourra redonner espoir à certain.es.
J'ai commencé à fumer du
cannabis à 16 ans de temps en temps. A 17 je fumais quotidiennement au lycée, j'échangeais mes repas de cantine contre du
shit...et j'avais toujours des mecs avec qui je trainais pour me payer de quoi fumer à chaque pause. C'est à cet âge que mon histoire avec l'
alcool a débuté.
D'abord quelques alcoolisations les WE, quelques bières et j'étais malade, mais je buvais chaque fois pour être ivre. Ca me détendait, me rendait plus sûr de moi, j'étais extrêmement introverti et timide. A 18 ans j'ai commencé ce qui aurait dû être des études supérieures, loin de ma ville natale. J'idéalisais déjà la vie des rock stars mortes à 27 ans et je trouvais que Gainsbourg avait la classe. J'ai vécu une histoire de coeur qui m'a ravagé en terminale et plus rien ne m'importait. Mon univers n'était que musique rock et défonce. J'habitais loin de chez mes parents qui avaient été très étouffants durant toute mon adolescence et j'ai donc fait tout ce qu'on n'attendait pas de moi: du rock (un peu), la fête (beaucoup). Tout sauf des études. C'était alors 3 ou 4 cuites par semaine,
cannabis toute la journée et quelques fois des alcoolisations en journée (pour me donner du courage lorsque je devais aller malgré tout à la fac...) Ca a duré 4 ans à ce rythme. Mes relations avec mes parents, qui n'étaient déjà pas très bonnes, étaient carrément arrivées à un point où toute discussion était devenue impossible.
A 22 ans j'ai quitté le domicile parental et je suis parti bosser et vivre avec des amis. J'ai stoppé le
cannabis (plus les moyens mais surtout ça me rendait complètement parano, peureux et feignant, ce que je ne voulais pas être.) Mais j'ai bu de plus belle. Pour me donner du courage, toujours, car ça m'aidait aussi à croire que je prenais les bonnes décisions. Je travaillais en usine et en restauration avec comme objectif la musique. A 28 ans j'ai pu réaliser ce rêve en travaillant d'abord dans un studio d'enregistrement que j'avais cofondé pendant 3 ans ,puis comme musicien dans une compagnie de danse pendant 6 ans. Toutes ces années je m'alcoolisais toujours plus, cela me posait toujours plus de problèmes mais je continuais. Je prenais aussi différentes drogues:
cocaïne,
héroïne, extasy, champignons. C'était plus de l'ordre de l'extra, sauf l'
héroïne que j'ai prise durant 3 ans mais que j'ai stoppée suite à un ultimatum de mon meilleur ami: j'arrêtais ou il ne m'adressait plus la parole.
De l'âge de 23 ans à 38 ans j'ai eu deux relations de couple longues. Une de 9 ans et une de 6. Ma première petite copine me canalisait pas mal, mais nous ne vivions pas ensemble durant toutes les premières années. Elle faisait des études dans une autre ville. Sur la fin nous habitions ensemble depuis deux ans pour la première fois depuis le début de notre histoire mais très souvent je ne rentrais pas, prétextant du boulot au studio (souvent vrai) mais surtout parce que j'étais ivre et pas en état de rentrer le soir. Nous avons mis un terme à notre relation d'un presque commun accord (...). De là, plus rien ne pouvait m'arrêter. Les 6 mois qui suivirent je fus livré à moi-même, sans copine, sans patron, je ne faisais que boire et un peu de musique, pas suffisamment. J'ai, je ne sais pas comment, rencontré une nouvelle personne. (bon que je connaissais déjà mais on s'en fout) C'était peut-être pas la bonne pioche car l'adage qui se ressemble s'assemble n'est pas complètement galvaudé. Parce que même si elle consommait moins que moi, elle en profitait bien de son côté et ne me mettait aucune barrière. Je bossais alors comme musicien pour la compagnie de danse, ce qui me permettait de tenir, donnait un peu de sens à tout ce merdier. En 2015 ma petite amie m'a quitté. J'étais alors sous traitement ambulatoire depuis plusieurs mois suite à une première hospitalisation due à une alcoolisation sur le travail. Car oui j'avais un nouveau travail à partir de 2014 date à laquelle l'activité de la compagnie a diminué puis s'est arrêtée. Je travaillais comme cuisinier dans un centre d'arts du spectacle. J'ai mis fin à mon contrat en 2017, je n'étais plus apte à travailler.. J 'ai fait 5 cures en 3 ans (2015-2017) . Naturellement je buvais toujours malgré la médication que je prenais en abondance, rebuvais les jours même où je sortais de cure. A partir de 2017 ,je vivais reclu chez moi, ne faisais qu'être bourré du matin au soir et je prenais des médocs. Mon quotidien n'était rythmé que par les courses que j'allais faire à la supérette à côté de chez moi pour acheter de l'
alcool. J'avais depuis 2016 perdu tous contacts avec mes amis qui avaient abandonné l'idée de me venir en aide (ça n'avait pas été faute d'essayer pourtant mais je ne voulais rien entendre.) De 2017 à 2018 je buvais une douzaine de 8,6/jour ou deux bouteilles de sky ou de vodka les débuts de mois et je prenais jusqu'à 3 antidépresseurs, 10
valium et plusieurs autres trucs en automédication (antipsychotiques...) Pas merci aux médecins qui m'ont prescrit tout ça durant des années sans plus de forme de contrôle. En même temps ils étaient un peu désarmés J'avais pris 30 kilos, j'étais arrivé à plus de 100.
Il y a un peu moins de deux ans j'ai appelé à l'aide ma mère et je suis retourné vivre chez elle. Ca a été un combat de tous les jours, je lui mentais, cachais les bouteilles, je suis même allé jusqu'à à la voler et à la bousculer, doucement certes mais je l'ai écartée de mon chemin vers les bouteilles, pour avoir une dose d'
alcool dans le gosier et dans le sang.
J'ai eu je ne sais pas trop pourquoi un déclic au mois de janvier. Enfin, une alcoolisation de plus sur mon boulot, je bossais comme cuistot en EHPAD et j'ai bu 3 litres de vin à 7h du mat'. Je me suis fait virer et j'ai beaucoup réfléchi même si ce n'était pas la première fois que je merdais au boulot, un vrai ras le bol était là. Je n'ai pas bu pendant 3 mois, une première depuis 25 ans, puis j'ai décidé d'arrêter les médicaments que je prenais en masse depuis 2014. Petit à petit j'ai commencé à y voir clair pour la première fois de ma vie. J'ai fait un gros bilan et un gros travail sur moi et je voyais enfin des choses positives dans ce merdier, cette bouillie, ce gâchis qu'était ma vie: J'avais malgré tout réalisé de belles choses artistiquement avec mes amis tout en étant indépendant financièrement, j'avais pu faire globalement ce que je voulais même si j'avais fait beaucoup de jobs alimentaires.. Je pouvais en être fier et reprendre ma vie en main en profitant de mon expérience. J'avais aussi quelques amis qui même si ils avaient jeté l'éponge sur les dernières années et fait leurs vies, étaient des supers mecs et des super meufs avec qui j'avais réalisé plein de choses (des assos, grosse part de ma vie également en dehors du boulot) Je les ai recontacté en prenant mon courage à deux mains et plusieurs m'ont dit qu'ils en pleuraient de joie, m'ont témoigné un profond respect, alors que tout ce temps je pensais qu'ils me haïssaient ou qu'ils me prenaient pour un con. J'ai repris la musique depuis juin( à l'heure actuelle j'ai 3 formations!) alors que je n'avais pas touché un instrument depuis 6 ans. J'ai plein de projets et d'envies artistiques et professionnels. J'ai perdu 30 kilos, je ne m'aime pas mais je m'accepte. J'ai envie de me marrer à nouveau. Mon projet professionnel qui est de mettre à profit mes expériences dans la musique , le culturel et l'informatique prennent forme dans l'animation et la médiation culturelle, je partirai bientôt en formation. . Je dois rester vigilant je le sais, pas qu'au niveau de l'
alcool car je suis confiant, je n'ai plus envie de revivre ça, mais plutôt au niveau de mon humeur et mon moral. Pour l'instant je croise les doigts et j'ai envie d'en parler et d'aider ceux qui ont perdu espoir.
J'ai survolé plein de trucs, j'allais pas rentrer dans les détails sordides, tout le monde sait ce que c'est qu'une cuite ou un coma éthylique. J'en ai vécu de nombreux. Quand j'y pense moi-même je me demande comment j'ai fait pour tenir tout ce temps, réussir à bosser, avoir une vie sociale, des amis...Pour le dernier point je crois que c'est parce que je n'ai jamais été un connard, j'ai toujours été un gentil, généreux, jamais violent, juste trop souvent abruti. J'étais un mélancolique mal dans ses pompes, éternel ado rêveur en rébellion. Le boulot, je gérais en en bavant, en tout cas jusqu'en 2015 où j'ai commencé à boire sur mon temps de travail en cuisine, puis de plus en plus tôt tout en travaillant, jusqu'à m'évanouir plusieurs fois et ne plus être apte.
Voilà, c'était les grandes lignes de ma vie avec les prods, y a pas vraiment de conclusions autre à en tirer que c'est bien de la merde tout ça quand on est pas bien dans sa peau. Ca prend vite le dessus, insidieusement. Et à ceux qui se le demandent, oui l'abstinence lorsqu'on en est arrivé à ne plus pouvoir gérer est la seule issue. Et enfin qu'il n'y a pas vraiment de stade défini pour savoir si vous êtes addict ou non, la question à se poser est de savoir si ça a des conséquences sur sa vie. Lorsque ça commence, il est temps d'en parler, et d'écouter les autres pour mon cas, si seulement je l'avais fait plus tôt et avais été moins borné.
Ce que je sais aujourd'hui, c'est que je n'ai d'abord pas voulu croire quand on me parlait dangerosité, que j'ai nié, puis je me suis fait à l'idée que j'avais un problème mais me disais que je pouvais vivre avec. Et j'ai tout perdu: mes nanas, mes boulots, mes potes. Seule ma mère a été là et je lui serai à jamais reconnaissant.
Mais oui, on peut s'en sortir, il n'y a pas de fatalité. Il faut oser demander de l'aide et être lucide quant à notre état. Il y a toujours de l'espoir, quoi qu'on en dise, je suis vivant, en bonne santé, j'ai le moral, et c'était inespéré, à ce rythme les médecins me donnaient un ou deux ans à vivre.
J'ai essayé de résumer au max, Merci de m'avoir lu, n'hésitez pas à poser des questions ou à me parler en mp si vous en avez envie