De Villiers assure avoir guéri du
Covid-19 en buvant du pastis, un vieux mythe
Sur recommandation du Professeur Raoult, l'ancien ministre a assuré sur le plateau de CNews avoir avalé un cocktail de pastis et d'hydroxychloroquine pour guérir du Covid.
Par Antoine Beau
Guérir du
Covid-19 au pastis. Si l'ancien ministre Philippe de Villiers l'affirme sur le plateau de CNews, aucune science là-dedans, même quand la prescription vient du
héros local Didier Raoult.
COVID-19 - Rires jaunes sur le plateau de CNews, ce mardi 18 mai à “l’Heure des pros”. Philippe de Villiers- ancien ministre de Jacques Chirac et plusieurs fois candidat à la présidentielle- a dévoilé le secret de sa remise sur pied après avoir contracté le
Covid-19. “Le premier soir, j’ai pris un verre ballon. Le deuxième, un verre à Ricard. Au bout de trois jours, j’étais guéri”.
Pourtant habitué aux déclarations chocs, Pascal Praud, le présentateur du talk-show, se penche, fait répéter: “Vous êtes sérieux?”. “C’est peut-être l’anis”, sourit Philippe de Villiers. Didier Raoult lui-même serait à l’origine de cette prescription farfelue, suggère-t-il.
Le précédent de la grippe aviaire
Même accompagnée de quelques gélules d’hydroxychloroquine et diluée “dans de l’eau”, la cure au pastis est difficile à digérer. Et si la science n’a rien démontré en la matière, ce n’est pas la première fois que l’on prête des propriétés curatives au “petit jaune”. Retour sur un vieux mythe, qui repose sur les ingrédients de cette boisson culte.
En 2005, l’épidémie de grippe aviaire sévit, et la rumeur se propage. Le breuvage pourrait être un remède, affirme-t-on dans les rues de Marseille, en témoigne un numéro du JT de France3, déterré par l’INA face aux rumeurs persistantes sur l’alcool et le
Covid-19.
Le pastis est notamment fabriqué à partir d’anis étoilé, une plante également utilisée pour produire de l’oseltamivir, une molécule prescrite contre la pandémie de l’époque.
Des rumeurs persistantes démenties par l’OMS
La proximité entre les deux substances s’arrête là, explique néanmoins la docteure Maryvonne Hayek, dans le JT de France 3 Marseille du 31 mai 2005. “Ce n’est pas une question médicale ni digne d’un chimiste”.
Car Pernot-Ricard, à l’origine du pastis, et les laboratoires Roche, créateurs du médicament en question - nommé alors Tamiflu - n’obtiennent pas les mêmes molécules à partir de cet ingrédient.
Et ce que raconte Philippe de Villiers n’est pas sans rapport avec cet incident. Une partie de la recherche de traitement contre le
Covid-19 se concentre sur le repositionnement de médicaments prescrits contre d’autres maladies. L’oseltamivir a été testé, sans succès, à l’instar de l’hydroxychloroquine.
“Les données actuelles n’ont pas montré d’efficacité de l’oseltamivir (TAMIFLU®) dans la prévention ou le traitement d’une infection par le
COVID-19”, déclarait ainsi la Société française de Pharmacologie et de thérapeutique, dans un communiqué le 16 juillet 2020. Depuis, la piste n’a pas donné lieu à de nouvelles découvertes.
Il arrive par ailleurs que certaines plantes entrent dans la composition de médicaments comme de boissons alcoolisées. Mais les concentrations en principe actif et les méthodes de fabrication n’ont rien de comparable. Boire pour guérir est un mythe, rappelle l’OMS, en avril 2020 : “L’alcool inhibe notamment le système immunitaire de l’organisme, et augmente le risque d’effets néfastes sur la santé”.
Sur le plateau de CNews, Philippe de Villiers a en tout cas refusé de détailler les recommandations exactes de Didier Raoult. “Le colloque entre le patient et le grand professeur reste secret”, maintient-il. Cette prescription farfelue, une plaisanterie de mauvais goût? Le doute persiste, tant l’assertion ne repose sur rien.
Alcool ou déclaration médiatique, les deux sont à consommer avec modération.