AFP :Les drogues de synthèse défient les politiques répressives via internet
PARIS - Les drogues de synthèse, dont la
méphédrone, bientôt interdite en Grande-Bretagne, lancent un défi aux politiques répressives des Etats puisqu'elles offrent des alternatives légales aux substances prohibées et s'adaptent facilement aux nouvelles interdictions.
Stimulant de la famille des
cathinones (l'un des ingrédients psychoactifs présent dans le
khat), la
méphédrone (4-methylmethcathinone) est considérée comme un substitut "récréatif" à l'
ecstasy, aux
amphétamines ou à la
cocaïne.
En Europe, elle est interdite au Danemark, en Suède, en Allemagne, en Norvège, en Croatie, en Estonie et en Roumanie mais se trouve en vente libre en gélules ou en poudre dans les autres pays.
La diffusion de ce type de drogues de synthèse "profite de la montée du trafic de substances sur le réseau internet depuis 2007", relèvent Emmanuel Lahaie et Agnès Cadet-Taïrou de l'Observatoire français des drogues et toxicomanie (OFDT), soulignant que les chimistes peuvent déjouer les interdictions en créant un produit similaire dont la formule n'est pas prohibée.
L'Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT), qui devrait publier en mai un rapport conjoint sur cette substance avec Europol, a établi que fin 2009 au moins 31 sites internet, en grande majorité basés en Grande-Bretagne et au Pays-Bas, vendaient entre 9 et 17 euros le gramme et souvent sans aucune information ce produit également baptisé "Miaou-miaou" ou "engrais végétal".
Des usagers français ont rapporté à l'AFP que cette substance à l'odeur tenace "déchirait les narines" sous forme de
sniff et pouvait provoquer "une
descente effroyable" accompagnée de tachycardies et de crises d'anxiété voire de panique.
"A ce jour, il y a un seul décès confirmé (par une autopsie) comme étant lié à la prise de
méphédrone en 2008 en Suède et plusieurs autres décès (25) suspects au Royaume-Uni", rappelle l'OEDT.
En France, où cette substance est apparue en 2008 dans la région de Metz et où la consommation reste faible, les autorités craignent néanmoins que le problème ne franchisse rapidement la Manche. Ainsi la Commission des stupéfiants et des
psychotropes devrait se prononcer "avant l'été" sur un éventuel classement de la
méphédrone comme substance illicite, a expliqué à l'AFP Fabienne Bartoli, adjointe au Directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps).
En Grande-Bretagne, le 29 mars, le gouvernement a annoncé, sur fond de querelle avec des experts scientifiques, que la
méphédrone, serait d'ici un mois, classée parmi les drogues illégales de catégorie B telles que le
cannabis et les
amphétamines.
Certains experts européens estiment qu'il serait plus judicieux de permettre l'usage de produits comme la
méphédrone pour les adultes tout en l'encadrant et soulignent qu'une interdiction pourrait en stimuler la consommation en les plongeant dans la clandestinité.
"Les nouvelles drogues de synthèse en vente sur internet reposent la question de la pertinence de la pénalisation des stupéfiants", souligne Pierre Chappard de l'association Asud. "Une interdiction de ce produit, souvent consommé par des usagers bien insérés, n'empêchera pas les chimistes d'en créer un voisin et légal très vite commercialisé sur internet sans aucune information sur sa qualité et ses effets".
Asud milite au contraire pour la création d'une "nouvelle classe de drogue vendue aux adultes en quantité limitée avec des avertissements appropriés et une fabrication contrôlée".
(©AFP / 11 avril 2010 09h45)