© LeTemps.ch | Anne Fournier | 17.06.10
Le parlement de la Ville devait se prononcer mercredi soir sur un projet pilote de distribution de cannabis sous contrôle scientifique.«Légaliser au lieu de diaboliser. Le
cannabis se situe entre le chocolat et l´alcool, selon les sensibilités et le dosage.» En juin 2006, c´est avec ces mots que le conseiller national vert Bastien Girod encourageait un projet pilote de distribution du
cannabis. Alors membre du parlement de la Ville de Zurich il venait de déposer un postulat avec son collègue de parti Matthias Probst demandant l´ouverture de lieux de vente de
cannabis sous contrôle scientifique.
Quatre ans plus tard la question refait son apparition dans l´actualité, soumise au vote du parlement de la Ville. Or la montée en grade politique de Bastien Girod n´est pas le seul changement survenu durant ce laps de temps. En automne 2008, le peuple suisse rejetait (63,2%) l´initiative pour la
dépénalisation du
cannabis.
Pour Matthias Probst cela ne change rien à sa motivation. «Cette proposition a d´autant plus de raison d´être. La votation nationale a montré que la population manquait d´informations autour du
cannabis.» Mercredi soir, la question figurait au programme des débats du législatif en fin de liste et avec un risque d´être reportée. Mais ses chances de passer cette rampe semblent réelles dans une ville encore marquée par les images de désolation des victimes de la drogue du Platzspitz au début des années 90. Et où la politique pionnière de prescription médicale d´héroïne est applaudie.
Le jeune Vert demande la création d´un guichet-pilote vendant du
cannabis et placé sous la houlette de scientifiques. Ils observeraient le profil des clients, la régularité de leur consommation. «Cela faciliterait le travail de prévention, aussi dans les écoles, et cela garantirait la qualité du produit. On éviterait le danger de dealers vendant d´autres drogues», continue Matthias Probst. Bastien Girod n´était hier pas joignable par téléphone.
A Zurich, le principal adversaire est l´UDC. «Au moment où l´on met des barrières aux fumeurs, il est contradictoire d´offrir du
cannabis», soutient le chef de groupe Mauro Tuena, cité par le Tages-Anzeiger. Selon les chiffres de l´Office fédéral des statistiques quelque 500”Š000 personnes consommeraient régulièrement des
joints en Suisse, soit 30”Š000 à Zurich.
Interrogé sur cette proposition, Jean-Félix Savary, secrétaire du Groupement romand d´étude des addictions (GREA), insiste sur les dangers d´un marché laissé sans contrôle. «Et c´est là le risque que peut faire encourir une prohibition aveugle. Mieux vaut connaître l´âge des consommateurs, la qualité du produit dont il dispose. Dans ce sens, la proposition faite à Zurich pourrait être encourageante. Elle montre qu´en matière de politique de la drogue les avancées se font sur le terrain.»
A Zurich, en cas de feu vert du parlement, la municipalité devra tester la validité de ce projet, notamment par rapport à la loi sur les stupéfiants. Un projet similaire avait été accepté par le législatif de la Ville de Berne en 2006 avant d´être jugé irrecevable. L´exécutif avait notamment estimé malvenu de se lancer «seuls» dans l´aventure. «Nous aurons deux ans pour estimer la concrétisation de ce projet», explique Katharina Rüegg, porte-parole du Service de la santé de Zurich. «Il faudra aussi considérer ce qui se joue au niveau national.» En janvier, la Commission de la santé publique du Conseil des Etats a décidé que les fumeurs de
joints saisis seraient soumis à des amendes d´ordre et non plus à des procédures pénales pour infraction à la loi sur les stupéfiants.
A Berne, la démarche zurichoise ne séduit pas tout le monde. «C´est un alibi, une manière de détourner la volonté populaire de 2008. C´est naïf», estime le conseiller national libéral-radical Claude Ruey, favorable à une interdiction stricte. «Au lieu d´offrir du
cannabis, il est préférable de s´intéresser aux difficultés des jeunes dépendants», poursuit le Vaudois. Le ton est différent du côté de son collègue de parti, le conseiller aux Etats Felix Gutzwiller. L´idée zurichoise est bonne à prendre mais il faut avant tout, estime-t-il, «une dynamique au niveau fédéral».
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