Je ne pensais pas un jour poster un message ici, mais je sais pas, je me dis que ça peut valoir le coup de partager ce "trip report" (première fois aussi que je me prête à ce jeu) avec vous.
Infos personnelles : homme, 70kg, beaucoup d'expérience avec un très (trop ?) grand nombre de molécules, fort penchant pour les psychédéliques qui restent mon "pêcher mignon".
Molécule en question et dosage :
5-Meo-DMT, 11mg, vaporisé.
Compte rendu :
Je vaporise avec le briquet tempête la petite plaque cristalline sandwichée entre les deux grilles en paille de fer en tirant lentement puis graduellement plus fort. L'opération fonctionne à merveille, j'arrive à prendre l'intégralité du filet de fumée blanche qui se propage dans la pipe, le garde autant que je peux dans mes poumons (merci le tuto trouvé ici). J'ai à peine le temps de recracher la fumée que je sens une vague de chaleur monter dans mes tempes, un engourdissement envahir l'arrière de ma tête, au-dessus de la nuque. Ma bouche et ma gorge sont comme immédiatement insensibilisées, un goût chimique peu agréable reste dans les dents.
De manière quasi instantanée ça monte très fort, me mettant vraiment une grosse claque, je suis surpris et un peu effrayé, me demandant si je viens pas de faire une connerie. Tout mon environnement direct commence à fondre, à couler, les contours deviennent flous, huileux, tout en s'irisant. Une lourdeur, ou plutôt une attraction, envahie bientôt l'intégralité de mon corps, j'ai à peine le temps de m'allonger dans le canapé tout proche. La pièce devient extrêmement lumineuse, un halo blanc, une aura enveloppe le visage de ma petite amie qui me tient la main, sa présence absolument indispensable me rassure énormément. Le temps s'immobilise presque, la musique m'accompagne mais elle semble très lointaine ("One perfect sunrise" de Orbital se révèle être un excellent choix). Mon corps semble fusionner avec le canapé, avec les murs, avec la lumière, chaque nerf est à vif, parcouru de frissons/crispations orgasmiques. Quand je ferme les yeux, ne pouvant plus soutenir l'extrême luminosité, j'ai la perception d'une boule de foudre, d'une structure circulaire électrique et chaotique/désorganisée exerçant toujours cette attraction sur l'intégralité de mon être (me faisant penser à posteriori aux "kugelblitz" théorisés par John Wheeler). J'arrive cependant à garder une forme de "contrôle", même si "contrôle" est un bien grand mot, parce que je subis clairement la substance et me débat comme je peux avec elle. Il est vraiment très difficile de mettre des mots sur cette expérience tant tout semble se mélanger, se précipiter en même temps. C'est d'ailleurs ça qui est absolument unique : cette expérience d'une forme de "décohérence ontologique", comme si d'un seul coup l'être identifié se fondait brutalement dans son environnement, avec l'Autre ; son visage qui n'est plus transcendantalement lointain mais maintenant également mien. Toutes les sensations décrites plus haut ne sont finalement que des conséquences de ce processus. Le caractère mystique tient aussi à ce mouvement ; la dissolution de l'identité dans un tout plus grand, dans un vaste schéma. Encore que cette distinction entre le tout et la partie semble artificielle: une meilleure métaphore serait celle d'une plaque holographique, où chaque fragment contient la totalité, et où finalement la molécule ne fait que révéler la figure d'interférences. Je suis surpris par la persistance des effets psychédéliques qui se stabilisent progressivement, on peut alors jouer avec la gravité modifiée, avec l'amplification tactile et les textures toujours entrelacées. Les visuels deviennent plus structurés et classiques, avec des fractales et des mandalas les yeux fermés. Les caresses sont divines, on fait même l'amour avec ma petite amie ; l'orgasme est quasi absolu, tenant du feu sacré, rejouant à notre manière le péché originel d'Adam et Eve. Les sentiments sont d'une pureté azuréenne.
La narration de ce voyage tient du challenge, tant celle-ci est avant tout purement intuitive, sensorielle, onirique et "magique". Aucun scénario ou aucune cohérence géométrique ne se dégage réellement. La molécule ne provoque pas forcément une "révélation" à proprement parler, mais mets en perspective notre propre conception de la réalité. Ici une forme de déisme, de religion ou complot cosmique contenu à la fois en moi et dans l'intégralité de l'univers. Intégrer cette expérience psychédélique est certainement l'une des phases les plus importantes, et je pourrais écrire des centaines de pages pour la recontextualiser, dire à quel point elle corrobore des écrits lus ici et là (je pense notamment, via son caractère onirique, à "La Clef des Songes" d'A. Grothendieck), ou au contraire les remets en question.
Bref, c'est un voyage à caractère initiatique des plus marquants, nécessitant une certaine préparation mentale, un set et setting très soigné. Je pourrais encore parler de son potentiel thérapeutique qui me semble absolument extraordinaire, mais c'est une autre histoire, à propos de laquelle une littérature scientifique sérieuse commence déjà à exister. Cette molécule en terme d'effets me semble plus proche du
DPT (bodyload très fort, effets cognitifs prépondérants) que de la
DMT qui est beaucoup plus "légère et visuelle" (mais magique aussi). Je crois que ces trois molécules sont définitivement mes préférées ?.