Salut Pierre,
Ne t'en fais pas, je ne prends pas mal du tout ta question, et pour cause, je suis bien forcée de me la poser moi-même... J'ai eu envie d'arrêter la
came, le shoot, et tout le reste, à cause de tous les problèmes que ça draine, parce que j'étais dans une situation que j'estime pas terrible et qui ne me convenait pas vraiment, et parce que ça m'apportait au final plus de négatif que de positif, à en être dégoutée par la
came elle-même (et surtout de moi-même). Mais le problème, c'est que je n'ai jamais réussi à arrêter complètement. Même lorsque j'ai suivi ma
substitution le plus régulièrement et le plus sérieusement, j'ai toujours eu des moments où l'envie me reprenait, ou était trop forte, ou me harcelait, et où je finissais par reconsommer, et reshooter, principalement quand ça va pas fort moralement. Dans ces cas là j'ai tendance à avoir besoin de fuir ce qui me fait souffrir, par overdose de mal-être (il faut dire que ça fait des années que ça dure, pour ne pas dire des décennies, et que c'est épuisant... et bien que je m'en accomode la plupart du temps car je n'ai jamais réussi à me défaire de cet état, il y a bien souvent des moments où je ne supporte plus d'aller mal et de déprimer, et où la déprime prend le dessus sur tout, et comme c'est elle qui m'a conduit à la
came au départ, c'est la même raison qui me pousse vers elle encore aujourd'hui). Ca, c'est l'explication psychologique.
Chimiquement, tes hypothèses sont tout à fait sensées. Pour la
methadone, j'espère beaucoup de ce traitement, mais pour le moment, et malgré un dosage déjà élevé, je n'ai pas trouvé celui qui me convient. Il faut dire que selon toute vraisemblance, j'ai la chance (?) d'avoir un foie qui fonctionne trop bien, et qui élimine trés, trop, vite, la
methadone, ce qui fait que je suis obligée d'en prendre des doses énormes pour obtenir les effets qu'ont la plupart des gens avec moins de 100mg. Pour te donner une idée, ce n'est qu'avec le double de mon dosage quotidien actuel (140mg) donc 280mg, que je me sens défoncée, euphorique etc, ce qui ne m'est jamais arrivé avec aucun dosage inférieur auparavant.
Il m'arrive aussi de prendre double dose de metha (ce qui suppose que j'en ai en surplus, donc en général que j'ai sauté une ou plusieurs prises car j'ai consommé de l'
héro ou du
skenan...) lorsque j'ai trop envie de me shooter. Ca me passe momentanément l'envie, ça me fait bien planer pendant quelques petites heures, ça me permet de me sentir bien pendant ce temps là ... et de repousser le moment où je vais finir par craquer pour un shoot et aller m'en acheter....
Tu me diras que le but du traitement n'est pas la défonce, certes, mais c'est juste pour expliquer que même pour un usage normal, je suis obligée de prendre des doses hallucinantes pour quelqu'un qui n'a pas connaissance de mon dosage sanguin de la metha (qui est tjrs trés inférieur à celui que j'absorbe). En gros même si je prends 140mg tous les jours, je n'ai pas 140mg dans le sang. Bref, un peu compliqué.
Le problème, c'est la réticence du CSST à augmenter encore mon dosage, ils n'ont visiblement pas encore compris que c'était encore trop peu, et j'ai beau les tanner toutes les semaines pour qu'ils acceptent de refaire des
methadonémies étalées sur 24h pour voir l'évolution du dosage sanguin de la metha, rien à faire, je n'ai toujours pas de réaction en ce sens, et je dois dire que ça commence à m'énerver sérieusement. Comment jouer le jeu et controler ma conso s'ils ne m'aident pas en adaptant le traitement selon la nécessité ? Je me le demande. Même si ce n'est pas une excuse, ça peut expliquer la pensée permanente du shoot qui me poursuit.
Pour ce qui est des sulfates de
morphine, j'y ai bien pensé, mais pour le moment ça en reste là . D'une part, c'est sensé être délivré sous forme de gelule (du moins pour le
skenan), mais je sais que je ne pourrais jamais m'en tenir à les avaler gentiment et que je me le shooterais systématiquement. Si j'entame un traitement dans cette optique, en connaissance de cause, pourquoi pas, même si c'est vrai qu'en commençant le Sub, puis en passant à la metha, un des avantages était l'abandon (même s'il n'est pas total) du shoot et des conséquences que ça entraine (en particulier l'état de mes veines et plus généralement de mes bras, ce qui est trés stigmatisant et me gêne énormément dans certains contextes). Par contre, un avantage non négligeable c'est que le shoot de
morphine, du moins pour le moment, et à un certain dosage, me procure un certain plaisir, élément déterminant quand il m'arrive de consommer de la
came malgré mon traitement ! Au delà d'un simple soulagement de l'envie et de la déprime, c'est bien le plaisir que je recherche, même si j'ai l'impression de parler pour ne rien dire car ça me semble évident
Et ultime problème en ce qui concerne la
morphine : trouver et un médecin, et une pharmacie, qui accepteraient la prescription et la délivrance régulière de ce médicament, dans le cadre, ou hors du cadre, d'un protocole ; et c'est loin d'être chose facile, tu le sais aussi bien que moi.
Bref, et si, après tout, ça ne devait pas être un problème, que de me shooter de temps en temps, quand ce n'est pas plus que de temps en temps.... ?
Ca reste malgré tout un problème, ne serait-ce que financier... ben oui, la
came, ou la
coke car il m'arrive de plus en plus souvent de consommer les 2 simultanément quand je me shoote, ça coute cher... et je n'ai pas le budget taillé pour... loin de là ... si je consomme une fois, ça me pourrit le mois entier car il ne me reste plus rien pour vivre pendant les semaines qui restent... ce qui pose un problème évident. D'autant que depuis que j'ai cessé ma conso quotidienne, j'ai arrêté mes activités parallèles qui me servaient à me procurer les thunes nécessaires à ma dose quotidienne... et que là , par contre, ça me ferait vraiment chier, quand même, de replonger là dedans, car c'est une des choses qui m'ont décidée à "arrêter" ... Je prendrais ça comme un échec, une défaite, un nouveau pas vers la déchéance, et comme un nouveau glissement vers une inévitable rechute, cette fois quotidienne, ce que je voudrais vraiment éviter... C'est en quelque sorte LA LIMITE que je ne veux pas franchir, et qui signifie pour moi un retour à la case départ et un nouveau début de la fin...
Tiens, tu vois, ça fait du bien d'écrire, je me sens soulagée d'avoir couché tout ça "sur le clavier", tu vois, tu as bien fait d'aborder le sujet, car c'est en effet quelque chose qui me pèse en ce moment... je pense que dans un sens, pour moi, le recours au shoot me fait craindre un retour à une consommation plus régulière, et le retour à ce qui va avec. Je pense d'ailleurs que c'est pour ça que j'ai tendance à considérer chaque reprise comme une rechute, et comme un échec.
Mais en même temps, j'ai du mal à envisager d'arrêter totalement et définitivement toute consommation... car quelque part elle révèle un manque, et tant que ce manque là ne sera pas comblé, je crois que j'aurais toujours besoin de la
came, ou de tout produit que je consomme en général, pour colmater la brêche... (et là je repense à ce qu'écrit Catherine à ce sujet).
Sur ces réflexions tardives, je vous embrasse affectueusement toi Pierre, et toutes et tous qui lisez, et/ou participez à ce forum,
Estelle
Dernière modification par Stelli (05 juin 2009 à 03:55)