Stéphane Gatignon (Europe Ecologie-les Verts), maire de Sevran (Seine-Saint-Denis), prône l´instauration d´un marché régulé du
cannabis, pour mettre fin aux dérives délinquantes que sa ville subit (1). Il est l´un des rares élus français, avec le socialiste Daniel Vaillant, à défendre cette option.
Pourquoi la question de la légalisation reste-t-elle taboue en France ?Parce qu´on a une classe politique un peu ancrée sur des valeurs traditionnelles, qui a une vision moralisatrice de la société, et qui est dans sa grande majorité conservatrice et réactionnaire. Elle ne veut pas se poser la question. Elle a peur d´affronter la société d´aujourd´hui. Plutôt que d´être pragmatique et d´essayer de trouver des solutions, elle a peur de «la drogue», alors que l´alcool et le
tabac font plus de dégâts. Il y a aussi un contrecoup, y compris à gauche, contre la libéralisation de Mai 68. Or, il n´est aujourd´hui plus possible d´interdire certaines choses, comme l´alcool, le
tabac, le
cannabis… Il faut réguler.
Le débat peut-il avancer ?Il avance. Pas forcément dans la classe politique. Mais dans la société. Beaucoup de gens me disent qu´il faut en parler. Que ça ne peut plus durer. En plus, sur le
cannabis, quelle hypocrisie ! Même ceux qui sont contre ont dans leur entourage des gens qui en fument…
Quelles sont les conséquences de la prohibition à Sevran?C´est la guerre des gangs. Il y a une structuration du trafic, l´arrivée des armes, le recours à une main-d´œuvre peu chère et abondante, liée à la crise… Avant, les lieux du deal, les pas-de-porte se vendaient 25 000 à 50 000 euros. Aujourd´hui, les emplacements se disputent à coups de flingues, notamment deux adresses distantes de 50 mètres, les allées Jan-Palach et Jan-Masaryk. Depuis le 20 mars, ça tire, à n´importe quelle heure de la journée, dès que la police n´est pas là . On a eu un blessé grave.
Si bien qu´à l´école Montaigne, mercredi, la récréation a été annulée, les enseignants ont gardé les élèves à l´intérieur…
L´école n´est pas ciblée, ni touchée. Mais les enseignants ont peur, et les élèves sont terrorisés. C´est super tendu.
(1) Il a écrit «Pour en finir avec les dealers», avec le policier Serge Supersac (Grasset).