Bonsoir à tous amis psychonautes.
Voila le récit d'un bad d'une intensité extrême, vécu il y a un an de ça. J'étais loin d'être néophyte dans le monde de la perche, sans être non plus un "easy rider" des psyché (et encore moins des dissos). Evidemment, j'étais beurré comme un petit Lu et bien trippé/foncecar au moment de l'insufflation. La
RDR a brillé par son absence le temps d'un soir et ça s'est bien fait sentir! A 2 doigts de partir sur une civière le bonhomme. Le canna et l'acide ont certainement été la mèche ayant activé l'énorme caisse de dynamite alcoolisée et kétaminée.
Petite précision, ce
TR a été rédigé (à la
base) pour contribuer au dispositif Trend/Sintes de l'OFDT.
Je suis un homme de 23 ans, pesant 60kg pour 1m71. Au moment de la prise, j'étais déja accoutumé aux champignons et au
LSD consommés à doses "raisonnables" 4 jours de suite lors d'un
festival, une petite semaine auparavant. Je venais par ailleurs de consommer un peu de
LSD (2 gouttes et 2
buvards dans une bouteille, appelée totem, à 6), ainsi que beaucoup de
cannabis et d'
alcool. Mon expérience avec la
kétamine se résumait à 3 trips, dont un assez intense, un an auparavant.
Le set & setting en carton-pâteNous sommes donc dans un bar avec quelques amis, la plupart sous acide,
cannabis et
alcool. Rien de transcendant, mais juste assez high pour se poser devant un mur de son. L'ambiance est plutôt détendue, jusqu'au moment ou l'un de nos potes rencontré ce soir là (appelons-le B) nous propose un peu de
kétamine. B est d'origine gitane, et il ramènerait sa
ké du Pakistan, il a d'ailleurs fait sa popote dans l'après-midi précédant cette soirée. A ce moment je suis avec A, mon habituel pote de trip, qui a consommé moins d'
alcool et d'herbe que moi. Le troisième larron dépose donc un peu de poudre sur un appui de fenêtre, à l'extérieur du bar. Manque de bol, un coup de vent balaie le tout et de la substance est perdue. Complètement dégoûté, B récupère ce qu'il peut et le met dans une enveloppe en papier. Il nous propose alors de taper à même l'enveloppe.
L'ennui, avec cette pratique, c'est qu'il est parfaitement impossible d'estimer les doses insufflées. Nous prenons donc, chacun notre tour, un bon
sniff puis un deuxième selon les sollicitations de B. Curieusement, je ne tilte qu'une dizaine de secondes plus tard que nous venions de priser un amas de poudre assez conséquent. A semble s'en être aperçu aussi. Malgré nous et notre propre volonté, nous ne pouvons que nous extirper de cette situation beaucoup trop festive pour notre état à venir, laissant ici nos amis non informés de la situation.
EDIT: C'était pendant une fête municipale de grande ampleur, avec quasi-impossibilité d'avancer dans la foule. Ce détail a surement eu une importance capitale dans le décarochage de haute volée qui va suivre.
Ascenseur pour l'enferNous marchons ainsi dix mètres, puis quinze, puis dix-sept. Mes jambes sont comme encerclées d'une couche de plomb, et il m'est impossible de continuer à avancer seul. J'ai alors les idées claires, et suis complètement euphorique. L'effet me rappelle celui de l'
ether consommé en sur-ventilation dans un sachet: le corps est dissocié, le monde interprété semble former une boucle ou un immense "déja-vu", etc. Puis, assez rapidement, je me mets à divaguer hors de la réalité.
La sensation de boucle se transforme en un espèce de rembobinage en retour rapide. Le temps recule, et je me sens rajeunir. Ma vision forme un tunnel au bout duquel une faible lumière s'immisce. Je fixe le bout et perçoit une fenêtre sur le monde réel. Je me retrouve comme un enfant, seul face à mes démons, incapable d'interagir avec le monde extérieur. Je sens des forces physiques autour de moi, qui me rappellent que je dois tenir bon et suivre la lumière. Mais rien ne peut m'aider, j'ai voulu jouer au con et voila l'ultime trip. Je me dis que la fin est arrivé, que je serai réveillé par une piqûre d'adrénaline ou par un psychiatre. Car à ce moment là , pour moi, il est impossible qu'une ou plusieurs molécules psychoactives fassent cet effet. Je suis tout et rien à la fois, je perçois l'infinie grandeur et l'insondable petitesse de l'univers. Les hallucinations visuelles, auditives et tactiles fusent dans tous les sens et s'associent de manière totalement illogique à ma conscience. J'assiste à des scènes d'une absurdité incroyable, confondant des passages de mon vécu et des idées délirantes aléatoires ; cela tient autant du clip d'Aphex Twin que de l'épisode de Tex Avery. Le semblant de raison qu'il me reste me susurre que je l'ai bien cherché avant de disparaître. J'ai à la fois envie de baiser, de boire, de dormir. Plus rien n'a de sens. Je ne suis plus qu'un animal mourant.
Mon seul contact avec la réalité est la personne qui me tient debout et me parle, c'est à dire soit A, soit mon frère. J'entends leur voix, et ils me parlent comme si de rien n'était. S'il y a un espoir, je ne peux m'en remettre qu'à eux. Je voyage à travers mon passé, mon présent et mon avenir, et les 2 autres sont mes guides et m'aident à décrypter ma propre folie. Durant quelques instants, j'essaye de reprendre conscience et de me reconnecter à la réalité. Et me voilà maintenant face à ce vide, ou plutôt, être ce vide, sans aucune enluminure. Je repars dans un délire complet. Ma vision est séparée en deux, et la moitié du monde est à l'envers. Je regarde A, sa tête se déforme en largeur en haut et en bas, son visage est une espèce de caricature de lui-même. Il ressemble à un monstre des bandes-dessinées "Kid Paddle", sans le côté drôle. Je tente de parler: "ARgeuf stuplé on restla niarfff". On se pose, entre deux voitures. Je m'allonge, et entends "yadégenkonpissé", alors je me relève, et c'est reparti pour un tour. Tout ce que je peux faire, c'est me laisser traîner. Chaque geste habituel que je tente me paraît complètement impossible; les lignes droites n'existent plus, les dimensions sont un concept. Mes jambes se superposent au dessus de mon torse, et j'essaye de marcher sur le capot d'une voiture. Je suis contraint de m'abandonner là , de jeter ma fierté aux oubliettes et de regarder mon inconsistance droit dans les yeux. Je n'arrive pas à déterminer si je ris ou je pleurs, certainement les deux à la fois. Je ressens plusieurs émotions en même temps. Mes pensées sont informes, et s'enchaînent à 2000 lieues de la raison.
La réalité reprend ses droitsPuis, petit à petit, les morceaux se recollent. Je reconnais la rue, puis mon couloir, puis mon appartement. Je m'étale sur le canapé comme une loque. Maintenant, il redevient possible de marcher, de parler et de penser. En refumant un
joint, toute cette sensation de trip de
ké me revient, et me dégoute. Les déformations visuelles et les sensations de coulement continueront jusqu'au moment d'aller dormir. Aucune sensation de traumatisme n'est à noter malgré l'intensité du
bad trip.
Rétrospectivement, et même si cela peut paraître un peu cliché, je ne peux que repenser au film Enter the Void. Le film hallucinatoire de plusieurs heures, voire plusieurs jours (en réalité 30 minutes) consécutif à ma prise ressemblait fortement à l'enchainement d'images psychédéliques morbides faisant suite à la mort du personnage principal. Il est possible qu'une fois l'ego complètement anéanti par la drogue, le cerveau interprète le voyage comme une "mort symbolique". Une fois l'état de
k-hole atteint, pour un sujet non renseigné, la seule explication possible à ce phénomène est la mort tant l'état de "normalité" parait lointain.
Voila donc. Aujourd'hui, plus d'un an après, je garde un souvenir cuisant de cette expérience qui ne s'est pas déroulée aux frontières de la folie, la vraie, mais carrément en plein milieu. D'un côté, on ne vit qu'une fois, et je me dis qu'il ne doit pas y avoir énormément de moyens d'atteindre un état de conscience aussi incroyable. Mais d'un autre, je remercie mon corps d'avoir tenu le coup et mon cerveau de ne pas être resté scotché.
Merci de m'avoir lu! Et aux novices: sincèrement, faites très attention aux combos, ils peuvent s'avérer redoutables. Voici un parfait exemple de ce qu'il ne faut jamais faire en tant qu'UD!
Dernière modification par Trippe ta mine (19 octobre 2014 à 01:08)