Ce que l'internet m'a apporté en temps qu'usager de drogue... vaste sujet. Je vais tenter de répondre le mieux possible.
J'ai découvert ce forum en 2009. Avant ça je faisais un peu beaucoup n'importe quoi et ne m'assumais pas du tout. Je me sentais inutile et incapable de quoi que ce soit de constructif. Je n'ai jamais réussi à garder un boulot longtemps, et dès que j'avais l'occasion de poursuivre une carrière j'avais la fâcheuse tendance à me faire virer.
A la longue, j'étais devenu un réservoir à haine.
Quant à la
réduction des risques j'ai eu droit aux conseils que m'ont distillé mes premiers contacts dans le milieu ; qu'il fallait faire attention lorsque je changeait de vendeur, quand le produit était différent, comment préparer sa trace, faire une paille, éviter de s'échanger les pailles -sauf pour les billets, ça faisait classe à l'époque- des comportements à éviter. Par la suite j'ai connu les missions rave qui distribuaient du matériel stérile et à usage unique. C'est à ce moment que les message de
RDR me parlait un peu plus, mais la diffusion des messages était dur à trouver, à part sur les flyers et les magasines d'ASUD qui traînaient sur les stands en teuf. A l'époque j'enviais les personnes qui tenaient ces stands tant leurs discours changeait de ce que j'avais l'habitude d'entendre, mais je ne m'imaginais pas pouvoir faire comme eux.
J'ai découvert un
CAARUD où j'ai enfin pu commencer mon activisme en leur prenant des seringues propre pour aller les distribuer dans la rue aux personnes en demande. Par contre je n'avais pas accès à des formations qui m'aurait permis d'avoir un discours en donnant le matériel, et pourquoi pas me professionnaliser dans le domaine.
C'est en 2009 qu'une professionnelle de ce
CAARUD m'a dit d'aller faire un tour sur le forum.
J'ai littéralement halluciné. Je n'étais pas seul. Beaucoup d'usagers et d'usagères étaient en train de s'entraider sans l'aide des professionnels. Et la parole était vraiment libre, enfin les personnes qui me donnaient des conseils consommaient elles-aussi, ce qui apportait une connaissance du sujet qui n'était plus théorique, donc plus crédible en fonction de mon vécu. Et l'anonymat offert par ce mode de communication permet à la parole d'être plus facile. On se cache moins derrière des prétextes, et pas besoin de mentir car on n'attend rien d'autres que des réponses sincères à nos questionnements.
A ce moment je me suis rendu à l'évidence que les messages des usagers sont plus entendable que celui des professionnels, car cette personne n'a pas connu ma vie uniquement à travers des bouquins ou des témoignages.
Je suis de suite tombé addict, environ 40 messages par jour.
J'étais devenu une personne qui apportait des réponses à certaines questions, et je me suis mis à rêver être utile comme les professionnels que j'ai pu croisé durant mon parcours.
J'ai appris le non-jugement, car jusqu'à présent sans m'en rendre compte je jugeais pas mal les consommations des autres. Je viens de le voir en relisant certains de mes premiers messages déposer içi. Pourtant je ne me voulais pas jugeant, mais j'ai appris que les mots sont bien plus violents que les coups, et internet m'a appris à mieux communiquer.
L'équipe m'a demandé si je voulais la rejoindre, et voilà que depuis je me suis énormément formé à la
réduction des risques en autodidacte, mais j'ai aussi pu devenir professionnel en intégrant un temps l'équipe de
SAFE afin d'aider à la mise en place de la
RDR à distance. C'est ainsi que j'ai pu passer un diplôme universitaire de niveau bac +4 en prévention des conduites à risques, diplôme que j'ai fièrement en ma possession aujourd'hui. J'ai pu intégrer cette formation en partie grâce à mon investissement sur la plate-forme ainsi que mon vécu, car je n'avais pas le niveau requis pour intégrer la formation (bac +3 et j'avais juste un bac pro en comptabilité). J'ai aussi pu obtenir un CDI dans un
CAARUD, c'est là -bas que je me suis aperçut que mon combat est surtout politique et que je n'avais pas ma place dans ce type de structure.
Je participe à des rencontres entre professionnels du soins pour échanger avec eux d'égal à égal, alors qu'avant je n'étais qu'un tox. Je dois intervenir lors d'un DU en addictologie pour parler aux étudiants de l'expertise des usagers, des personnes que je ne connais pas me remercie. J'ai appris à me regarder dans un miroir, à ne plus avoir honte de ma façon de vivre et de mes revendication, à transformer mes stigmates en force, à communiquer.
J'ai aussi admis que j'ai besoin des drogues pour avancer et construire dans la vie, je vie mieux depuis que je l'ai accepté.
Le fait de voir tant de personnes consommer depuis temps d'années m'a permis de me mettre en place un cadre afin que mes consommations n’empiètes plus sur ma vie sociale.
Je me suis aussi aperçut que lorsque l'on crois fort en ses rêves et que l'ont se bat contre vents et marrée pour que ça aboutissent, il y a de forte chance pour que l'impossible devienne réalité. Je m'en veux la preuve.
De
punk-à -chien qui se défonçait à tout ce qui traînait et me battait jusqu'à ce que la mort m’accepte enfin, je suis aujourd'hui reconnu et demander pour mon "expertise". Je ne souhaite plus mourir, mais construire. Je commence même à parler de carrière professionnelle, moi qui vomissait le milieu professionnel car je le pensait responsable de tous nos maux. Je me suis découvert une addiction à l'apprentissage, j'envisage donc de continuer mon mémoire que j'ai dédié à l'auto-support et tout spécialement Psychoactif.
En conclusion internet m'a permis de revaloriser mon ego, me former à la
réduction des risques, de rencontrer des personnes, de m'insérer et trouver un emploi, et enfin de songer à peut-être laisser une progéniture... Je pense qu'internet m'a littéralement sauvé la vie.