Des médecins qui affichent refuser les patients précaires

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mikykeupon homme
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Ce ne sont que douze cas. Mais ils racontent la réalité des refus de soins régulièrement rencontrés par les patients les plus précaires, bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU) ou de l’aide médicale d’Etat (AME). Dénonçant des refus « affichés et assumés », Médecins du Monde, la Fédération des acteurs de la solidarité (Fnars) et le Collectif interassociatif sur la santé (CISS), un regroupement de quarante associations de patients, ont, le 10 janvier, saisi le Défenseur des droits des cas de douze médecins ou dentistes qui avaient fait figurer « pas de CMU » ou « pas d’AME » sur leur page Doctolib.fr ou Monrdv.com, des sites de prise de rendez-vous.

Dans la foulée, l’autorité indépendante a ouvert une instruction et adressé des demandes d’explications à  ces praticiens qui refusent ouvertement de soigner ces patients au tarif « conventionnel », sans dépassement d’honoraires, comme la loi les y oblige. « Ces refus de soins envers les précaires sont massifs et répétitifs, explique Florent Gueguen, le délégué général de la Fnars. Mais avec cet affichage sur les sites, un pas de plus est franchi, la démarche de rejet est décomplexée. » « Ces pratiques ne sont pas tolérables, si elles sont avérées, des poursuites disciplinaires seront engagées », promet André Deseur, vice-président du conseil national de l’ordre des médecins.

La santé des SDF se détériore

La population concernée est nombreuse : 1,35 million de personnes sont affiliées à  la CMU, 5,5 millions bénéficient de la CMU complémentaire (CMU-C), 1,12 million de l’aide à  la complémentaire santé (ACS) tandis que 63 130 personnes sont éligibles à  l’AME. « Beaucoup de médecins n’acceptent pas les SDF dans leurs cabinets, raconte Dominique Calonne, du collectif des SDF de Lille. Quand nous annonçons “CMU”, il y a un blanc dans la conversation, puis le secrétariat refuse ou donne des rendez-vous à  cinq ou six mois. Résultat, les SDF se découragent, ne se soignent pas, abandonnent leur traitement et leur santé se détériore. »

« Il est très fréquent que des kinésithérapeutes ou des médecins refusent de prendre des réfugiés en consultation, alors on anticipe cette attitude et on pose d’emblée la question “acceptez-vous les bénéficiaires de la CMU ou de l’AME ?” et on ne perd pas notre temps à  faire un recours. De toute façon, ces patients, dont la situation administrative est fragile, ne le feront pas », ajoute Chloé Authelet, éducatrice spécialisée dans le centre d’hébergement de l’Armée du salut, à  Paris (20e arrondissement). Résultat : les travailleurs sociaux intègrent ces refus et finissent par toujours orienter vers les mêmes médecins.

Contactés, certains des professionnels visés ont répondu franchement, comme une oto-rhino-laryngologiste des Hauts-de-Seine qui confie : « J’ai eu deux ou trois cas d’AME où je n’ai pas été payée pour des actes techniques, or une consultation à  23 euros ne suffit pas. » Elle a finalement retiré de sa page Internet la mention « pas d’AME » mais oriente désormais les patients vers l’hôpital. « Je passe trente minutes par consultation. Si je demande le tarif conventionnel de 23 euros, je travaille à  perte, car 46 euros de l’heure, cela ne permet pas de faire tourner un cabinet à  Paris », témoigne un gynécologue du 7e arrondissement, récemment installé en secteur II, à  60 euros la consultation : « Je vais accepter des patients en CMU uniquement parce que la convention avec l’Assurance-maladie m’y oblige, mais je vais peut-être leur réserver des créneaux plus courts, sans fournir le service que j’apporte aux autres patients. »

Le phénomène est difficile à  quantifier, car les plaintes sont rares en raison de procédures que les personnes en situation de précarité renoncent à  activer. Le médiateur de la caisse nationale d’assurance-maladie a, en 2015, été saisi 407 fois pour refus de soins. Le défenseur des droits annonce « une quarantaine » de dossiers en cours. Mais seuls huit ont été examinés, en 2015, par les chambres disciplinaires de l’ordre des médecins, un seul blâme ayant été finalement infligé, et une dizaine de dossiers en 2016, avec une ou deux sanctions prononcées.

Chez les chirurgiens-dentistes, les chiffres sont également modestes, avec moins de cinq cas rapportés l’année dernière. « Le phénomène n’est pas de l’ampleur qu’on le dit », tempère Gilbert Bouteille, président du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes, qui regrette que « quelques praticiens jettent l’opprobre sur l’ensemble de la profession ».

Réalité des refus de soin « niée »
Les opérations de « testing » permettent de mieux mesurer la dimension de ces discriminations. La dernière enquête de ce type, réalisée par le CISS et deux autres associations, commence cependant à  dater. Réalisée en 2009, elle concluait que, sur 496 médecins libéraux spécialistes exerçant en secteur 2, dans 11 villes de France, 22 % refusaient de prendre en charge les bénéficiaires de la CMU, 5 % acceptaient sous condition, c’est-à -dire à  certains horaires ou dans des délais longs. Le taux de refus grimpait même à  50 % à  Paris.

Mais les ordres sont globalement opposés à  cette technique. « Le premier testing autour de la CMU a été mal vécu, explique André Deseur. Nous sommes réticents à  cette méthodologie, qui comporte des biais. Il faudrait que des garanties soient apportées. » Face à  cette hostilité du corps médical, la ministre de la santé, Marisol Touraine (MST), avait renoncé à  défendre le dispositif dans la loi santé, adoptée en janvier 2016. C’est finalement par le biais de commissions, mises en place au 1er janvier 2017, que les ordres et les associations doivent définir ensemble la meilleure façon de diagnostiquer les refus.

Estimant que « le conseil de l’ordre nie la réalité » des refus de soins et que « lorsque les patients se tournent vers cette instance professionnelle, il ne se passe rien », Jacques Toubon, le Défenseur des droits, regrette que la loi santé ne soit pas allée plus loin. « Elle aurait dû caractériser précisément ce qu’est un refus de soin selon des critères de discrimination et établir des sanctions, en inversant la charge de la preuve, dit-il. Ce devrait être au médecin de démontrer qu’il n’y a pas eu discrimination, qu’il n’avait vraiment pas de rendez-vous disponible avant six mois quand il a refusé un patient, et non l’inverse. Mais Marisol Touraine a cédé face aux médecins, elle avait des points plus importants à  faire passer, comme le tiers payant. »


Isabelle Rey-Lefebvre
Journaliste au Monde

François Beguin
Journaliste au Monde

Source : le monde.fr
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ElSabio homme
Antifa...narchiste
Inscrit le 02 Dec 2016
1288 messages
Bonsoir,


J'étais au courant de ce fonctionnement que je qualifie d'abject, il est chouette le pays des droits de l'homme où la médecine devient pour certains une entreprise libérale dans laquelle seul le profit compte, scandaleux au plus haut point, j'ai de plus en plus honte de mon pays.


Bien amicalement.

Dernière modification par ElSabio (28 janvier 2017 à  19:03)


« La liberté des autres, étend la mienne à l'infini ».
Mikhaïl Bakounine

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Petit conton homme
Petit coton
Inscrit le 07 Apr 2016
1632 messages
Parfois je me demande si le monde ne serait pas mieux sans l'argent qui le rend mauvais...drapeau-blanc

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mikykeupon homme
Modérateur à la retraite
Inscrit le 10 Mar 2009
9631 messages
C'est pour ça qu'il est important de militer pour un revenu de base universel, afin de réduire un peu les inégalités.
Le monde sans argent serait l'idéal pour moi, mais cela demande une véritable éducation de masse qui va se faire sur plusieurs siècle, en attendant nous avons des moyens de faire un peu changer les choses.

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Dans le cas français, l’ambition de réformer la sécurité sociale correspondrait moins à  un défi technique qu’à  un défi politique. Notre enjeu collectif consiste à  renoncer à  la gestion du risque par transfert, qui déresponsabilise les citoyens et met les individus à  l’école de la résignation. Autrement dit, la France doit aujourd’hui réintroduire de la responsabilité et du libre choix dans les mécanismes de couverture de risque social.

Cet objectif ne passe donc pas forcément par une modification fondamentale des prestations servies, mais plutôt par une révolution dans leur technique de gestion. Il ne s’agit pas de supprimer l’assurance maladie, mais bien d’en aborder la gestion autrement pour que chacun devienne acteur de son propre risque: que chacun anticipe l’âge où il deviendra dépendant en prenant ses dispositions à  l’avance pour bénéficier d’une couverture satisfaisante, que chacun prenne plus de précautions à  la fois pour prévenir la maladie et pour rationaliser sa consommation médicale, que chacun assume pleinement ses choix de vie ou d’installation géographique. Il ne s’agit pas de supprimer les retraites par répartition, mais simplement d’introduire plus de liberté pour ceux qui contribuent aujourd’hui au système de façon maximale en retirant du dispositif un faible revenu de remplacement.

Autrement dit, l’essentiel du projet politique auquel il s’agit de s’atteler ne vise pas à  supprimer la protection sociale, mais au contraire à  la conserver en l’enrichissant par des choix libres. Cet exercice en soi n’est toutefois pas de première simplicité car il remet évidemment en cause de habitudes et même des facilités prises depuis plusieurs décennies
(1).

Source :
1- http://www.economiematin.fr/news-revenu … -verhaeghe

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Petit conton homme
Petit coton
Inscrit le 07 Apr 2016
1632 messages
Je suis daccord avec toi miky le revenue universel pourrait aussi  motive certaine personne dans la precarite a trouver plus facilement un emploi

Mais ou vas ton trouver l'argent dans le cannabis ?

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HeavenB homme
Psycho junior
Inscrit le 13 Sep 2015
211 messages
"Trouver plus facilement un emploi", encore faut t-il en avoir l'envie.

Fin, je dis ça parce que je connais beaucoup de personnes qui après avoir connu la CAF, le RSA, et toutes les autres aides proposées ont carrément arrêter de travailler parce que tout cumuler ils arrivaient à  vivre " bien " sans travailler (bien c'est entre 2000 et 4000€/mois) et j'en connais plusieurs, en plus c'est même pas imposable alors tout bénef et certains vont même jusqu'à  aller au resto du coeur en plus de leurs 2-4k d'aides par mois

Fin, c'est pas tout à  fait dans le sujet mais je rejoints le paragraphe en italique un peu plus haut dans le sens où la France est un des pays où les gens sont le plus assistés, et c'est pas forcément bon.

Fin bon je dis ça comme sa, après c'est pas le cas pour tout le monde hein !!!
J'arrête le hors sujet ici c'est pas toujours bien vue ce genre de message.

Dernière modification par HeavenB (07 février 2017 à  19:23)


Ma passion ? Le LSDetente.
*fier de moi* J'ai trouvé un jeu de mot !

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linec13 femme
Adhérent PsychoACTIF
Inscrit le 14 Oct 2015
566 messages
Je comprendrai jamais ce genre de discours, même si tu y apportes des nuances ...
Si c'était si rentable d'être sans emploi, je le ferais volontiers; mais vraiment, seule avec ma fille, avec pourtant l'envie de l'élever au lieu de vendre mon âme, m'asseoir sur mes convictions pour garder mon boulot, avec les aides je m'en sortais pas.
Pourtant pas de voiture, on vit dans 30m2, pas d'abonnement de téléphone portable, pas trop de loisirs, bref j'ai réduit les dépenses au maximum...

A kiss makes my whole day, anal makes my hole weak

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