Franche-Comté - Cannabidiol CBD : lettre ouverte à Matignon
Avocat du gérant d’une boutique de cannabidiol, mis en examen à Vesoul pour trafic de stupéfiants et tromperie sur la marchandise, Me Schwerdorffer porte le débat sur le terrain politique. Et écrit au Premier ministre.Dans le combat qu’il mène en faveur d’un de ses clients, mis en examen pour avoir vendu du
cannabidiol (CBD, dérivé du
cannabis) dans ses boutiques de Vesoul et Besançon, l’avocat Randall Schwerdorffer en appelle désormais au Premier ministre. Dans une « lettre ouverte » au locataire de Matignon, le pénaliste bisontin dénonce la « dérive » que constituent, selon lui, les poursuites engagées sur ce front par le procureur de Vesoul. Il porte le débat au-delà de l’arène judiciaire et sort l’artillerie lourde en convoquant, dans sa missive, un principe constitutionnel énoncé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : la légalité des délits et des peines.
La loi pénale ne saurait frapper sans prévenir et « tout ce qui n’est pas spécialement interdit par la loi est autorisé », écrit Me Schwerdorffer. Les textes répressifs relèvent du législateur et de lui seul ; ils doivent être « clairs et précis » et « d’interprétation stricte », rappelle-t-il. «
En l’absence d’un texte l’interdisant, la commercialisation de CBD ne peut donc faire l’objet de poursuites », soutient l’avocat, qui dénonce «
un vide juridique » et «
une insécurité judiciaire inadmissible » pour les citoyens, dans un État de droit.
«
Vide et insécurité juridiques »
Un débat judiciaire très vif l’oppose au procureur de Vesoul, Emmanuel Dupic, bien décidé de son côté à faire abattre ses foudres sur les vendeurs de produit réagissant positivement au test du
cannabis, quels qu’ils soient. « À l’exception des tiges et des graines, et encore, pour des usages très précis (cosmétique, industrie pharmaceutique), tout produit contenant du
cannabis est interdit, quelle qu’en soit la quantité », a-t-il fait valoir à plusieurs reprises (ER du 15 septembre). Pour le procureur Dupic, pas de doute : la vente du
CBD est illicite s’il contient du
THC (tétrahydrocannabinol). Elle relève, à la fois, du trafic de stupéfiants et de la tromperie sur la marchandise. L’information judiciaire dont il a réclamé l’ouverture vise, précisément, ces deux délits. Une lecture contre laquelle Me Schwerdorffer n’a de cesse de ferrailler. «
Non seulement aucun texte n’interdit la vente de CBD contenant un taux de delta 9-tétrahydrocannabinol à 0,2 % mais, de surcroît, l’Union européenne en autorise et finance la production jusqu’à 0,3 % », plaide-t-il dans sa lettre ouverte au Premier ministre. «
Comment peut-on, d’un côté, autoriser la production du chanvre et du CBD et, de l’autre, en interdire l’exploitation commerciale ? C’est un non-sens juridique et économique ! », tonne l’avocat bisontin. «
Le parquet de Châlon-sur-Saône a dû interroger la chancellerie pour savoir si la vente de CBD était légale ou pas. Si les magistrats eux-mêmes ne sont pas sûrs de sa licéité, comment les citoyens, exploitants ou consommateurs, peuvent-ils le savoir ? », insiste-t-il.
À l’appui de ses poursuites, le procureur de Vesoul a pointé un rapport de la mission de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) et interrogé la Direction des affaires criminelles et des grâces, au ministère de la Justice. Ces deux instances ont conclu à l’interdiction des produits à
base de
CBD.
« Un débat à l’Assemblée »
«
Ce n’est ni la chancellerie, ni la Mildeca qui fait la loi mais les députés », riposte Randall Schwerdorffer. «
Laisser à la discrétion de chaque parquet une application aléatoire de l’action publique ne saurait être admis », écrit-il au chef du gouvernement. Et de réclamer «
un débat à l’Assemblée Nationale » pour combler ce «
vide juridique » et «
définir une législation claire sur l’exploitation et la production du chanvre ; la commercialisation des produits qui en sont issus et du CBD ; le taux légal de THC des produits dérivés ».
Juridique, le débat glisse sur le terrain politique.
Nicolas BASTUCK
Dernière modification par Mister No (01 octobre 2018 à 08:49)