Trip report - Éther et alcool

Contexte : 4 personnes dans un studio, soirée tranquille avec du gin, du shit et du poppers.

L'action de l'éther s'est très bien mariée avec celle de l'alcool, en prolongeant et en accentuant les effets de celui-ci. Disons que l'éther ajoute à l'ivresse de l'alcool lenteur et contemplation. Nous avons pris chacun une bonne dizaine d'inhalations à la suite, ce qui prend deux ou trois minutes. Au bout de la troisième ou quatrième inhalation, le cours des choses se ralentit et se rétrécit. Rétrécissement dans l'espace d'abord, car l'espace sous éther est comparable à ce que donne à voir un télescope que l'on tient à l'envers. ll faut préciser qu'il ne s'agit pas d'une hallucination ni d'une distorsion mais d'une impression qu'il est difficile de décrire sans métaphore. C'est en outre une impression qui n'est sensible que lorsqu'on inhale et qui disparaît quand on cesse.

Ralentissement dans le temps ensuite, car chaque instant s'inscrit dans un mouvement très régulier où le corps et l'esprit sont tout entier consacrés à l'inspiration des brûlants effluves. Il ne serait pas exact de dire que le temps s'arrête mais il semble se suspendre, comme si, en perdant la mémoire de nous-même, notre existence se réduisait au présent. Sur quoi l'espace se rétrécit-il ? Sur le corps qui inspire, par un geste qui appelle une infinité de répétitions (je change de narine à chaque inspiration). Je m'oublie à cause du geste et ce geste prend toute son importance à la faveur de l'oubli.

Autrement dit, rien ne qualifie mieux cet état que le mot "absorber" : l'éther est une drogue obnubilante et, si l'on peut dire, profonde. Elle installe en effet un jeu de miroir qui fait de l'éther le motif central des pensées qui me viennent, tout en vidant mon esprit de toute pensée. L'atmosphère se fait éthérée et à la fois lourde, lourde comme les paupières au seuil du sommeil et légère comme une ascension vers les sommets. L'éther est glacial, car son odeur est mordante comme l'air de haute-montagne. Mais l'éther est également chaud, du moins l'engourdissement des sens est-il source de confort et de douceur. Vide et plein, chaleur et froid, pesanteur et légèreté, l'éther est une drogue qui cultive le paradoxe et qui le cultive avec une grande densité : tous ces traits-là ne se manifestent véritablement que lors du temps court des inspirations en chaîne, à savoir pendant deux ou trois minutes, pour laisser rapidement place à un état de bien-être diffus.

L'alcool et le cannabis l'emportent désormais sur l'éther dont les effets se cantonnent à l'ivresse, et moi..., désorienté, l'élocution trouble. L'action de l'alcool m'a semblé décuplé pendant un bon moment. Le lendemain, la gueule de bois était plutôt forte et s'accompagnait d'un mal de tête persistant. L'odeur de l'éther, quant à elle, avait disparu.

Dernière modification par Mélatonine2 (03 mai 2021 à  14:21)