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mikykeupon a écrit
Bonjour, je m’appelle Catherine, j’ai 47 ans. Je suis militante, ancienne toxicomane, co-infectée VIH VHC avec un cancer soigné.
On pourrait dire que j’ai eu plusieurs vie en une. Les produits et la maladie l’ont marquée. Les combats aussi. Combat contre l’injustice, combat contre la mort, combat contre la dépendance,combat contre les maladies, combat pour la vie. C’est pourquoi je me trouve aujourd’hui ici. Ma vie aurait pu être bien différente si la loi du 31 décembre 1970 avait été réformée, et l’usage de drogue dépénalisé.
Je suis tombé dans l’héroïne à 17 ans et demi, après le décès de ma mère. C’était en 1983. Je la fumais et on me l’injectait, car j’avais peur de me m'abimer les bras. Car en effet à l’époque, on n’avait pas accès à du matériel stérile. On achetait des vaccins anti tétanique quand les pharmaciens le voulaient bien, on volait des seringues dans les pharmacies hospitalières, services hospitaliers, cabinets d’infirmiers, on volait des ordonnances chez les médecins, des carnets à souche pour les produits stupéfiants, on utilisait du matériel usé et infecté, des stylos Bic, il fallait retrouver les anciennes aiguilles en argent, etc. Quelques médecins à l'époque prenaient des risques en nous prescrivant divers produits du tableau B . Certains ont étés rayés temporairement de l'ordre des médecins.
Pour pouvoir me payer ma consommation, et avoir de l’héroïne de qualité, je faisais du commerce international : j’allais chercher le produit en Hollande. On se faisait passer pour des taxidermistes (avec des seringues stériles que nous ramenions également ). Je suis également partie en Thaïlande en rentrant par Amsterdam pour ne pas me faire arrêter par la Police et les douanes. C’est l’usage d’héroïne qui m’a conduit à faire du trafic : moins cher, meilleure qualité. Car même quand on se drogue, on peut avoir envie de prendre soin de soi et avoir des produits de qualité. Et la marge qu’on se fait sert à payer notre propre consommation.
En rentrant en France en Décembre 1983, j’étais « jaune ». Impossible pour moi de dire au médecin que je prenais de l’héroïne. J’ai fait des examens sanguins ... On m’a appris que j’avais une hépatite « non A non B » (le VHC n’a été nommé qu’en 1985). J’ai continué mon commerce international avec la Hollande.
J’ai fait mon premier sevrage en 1985, suite à un serrage par les douanes à la frontière (n’ont rien trouvé, mais ça m’a fait flippé). J’ai tout refilé à un mec sans me garder un gramme. J’étais à Paris. Je n’avais jamais connu le manque. En pleine nuit, j’appelle SOS médecins : le médecin a été top. Il a été cherché de la morphine et m’a fait un shoot avant que je prenne le train pour Bordeaux. C’était ça ou Sainte-Anne, HP. A Bordeaux, j’ai fait une cure de désintox en psychiatrie à l’époque avec interdiction de sortir du service, puis une Post-cure. Je suis retombée dedans quelques mois après. Si j’avais eu des traitements de substitution à l’époque, cela aurait changé les choses. En tout cas jusqu’à ce que j’apprenne mon VIH en 1989.
Jusqu’alors j’étais bien insérée , Je travaillais :j'étais garde malades à domicile, avec le VIH, j’ai commencé à me marginaliser. J’ai tout quitté : ma maison à Libourne, mon mari, coupé tout lien avec ma famille. Je n’avais plus aucune perspective. Je voyais bien les conditions dans lesquelles mes potes mourraient les uns après les autres. Je n’avais pas envie de faire vivre ça à mes proches.
C’était impossible pour moi de me projeter dans la vie avec le manque en plus. L’héroïne m’aidait à avancer et tenir le coup. En plus, je ne tombais pas malade avec… Mon compagnon faisait des braquages, et avec les sous que ça ramenait je faisais des allers-retours en Hollande. Il a préféré se suicider de manière ultra violente, plutôt que de mourir du sida en prison, après 3 et demi de préventive. Trois semaines avant, mon ex-mari était mort du sida. J’étais affaiblie, psychologiquement et physiquement : je développais un SIDA mais heureusement ne le savait pas encore. Pour moi c’était clair : ou je les rejoins ou j’arrête. J’ai décidé d’arrêter. C’était en Mars 1995.
Je suis partie à Bayonne, en hébergement thérapeutique post-cure mais ils m’ont dégagé sous prétexte que je ne changeais pas mon comportement et ne me levais pas pour 10h. Parce que j’allais de temps en temps à un bar rock ! Pourtant j’avais décroché. Mais on ne croit jamais un toxicomane !... Je me suis retrouvé à la rue en sortant de l’hôpital car comme j’étais en sida déclaré le centre de Post cure ne pouvait pas me reprendre !!, j’ai dormi sur le canapé dans le local de AIDES à Bayonne. En stade sida déclaré et à la rue... Comment pas replonger ? Aucune structure ne pouvait m' héberger. J’ai dormi dans un hôtel avec des cafards et mangé avec les tickets service. J’ai été la première à entrer dans le Protocole expérimental du Subutex, que je n’ai jamais injecté. J’ai décroché du subutex en 1996, grâce à la rachacha, dans le Sahara en me rendant au sénégal. Comme quoi, un produit illicite peut aider à faire décrocher d’une dépendance à un traitement de substitution…
A partir de là , j’ai tout arrêté. J’injectais de la coke occasionnellement, et fumais des joints. Mais c’en était fini de la toxicomanie, de la dépendance. Je voulais m’installer à Dakar. Mais j’avais moins de 400 CD4 et une charge virale importante : j’ai été mise sous traitement avec l’interdiction de partir en Afrique. C’était ma première bi-thérapie (j’avais refusé l’AZT jusqu’alors), en janvier 1997.
A partir de cette date, pour moi c’est l’errance. Plus de défonce pourtant, mais à la rue, l’AAH, le vol pour me payer un toit… Un peu de prison aussi… Je recherchais à me réinsérer. Et il n’y a rien d’adapté pour les toxs séropos qui voulaient décrocher dans la durée. Ce n’est pas parce qu’on décroche qu’on n’est pas fragile. Et ce n’est pas parce qu’on est tox ou ancien tox qu’on est irresponsable. J’ai l’expérience de post-cure comme une prison, ultra infantilisant. Et on m’a refusé un hébergement alors que j’étais à la rue, sous interféron (traitement VHC), parce que j’étais sorti de ma dépendance. Mais il faut tenir compte du passé, de la fatigue psychologique, de la fatigue physique ! Ou alors, je me fais prescrire de la métha que je revends au coin de la rue pour arrondir mon AAH et avoir un toit !
C’est aussi pour moi la période où je me suis engagée dans la RDR. Je me suis engagée avec Jimmy Kempfer à la clinique Liberté, et j’étais volontaire à Aides à Paris. Je prenais de la méthadone le WE pour tenir sur les actions en milieu festif. Et j’ai bien vu l’impact désastreux de la loi de 1970 en termes de santé, avec tous ces produits de coupe qui ont des effets irréversibles sur le cerveau et empêchent définitivement de s’insérer. Ce à quoi s’est ajoutée l’interdiction du testing…
Aujourd’hui, je consomme peu, à des fins thérapeutiques. Car contrairement à ce que pensent la plupart des gens, on peut être sorti de la toxicomanie, de la dépendance, et consommer occasionnellement. J’ai eu un cancer il y a 3 ans, les médecins préfèrent que je fume mon cannabis et mon opium pour lutter contre la douleur et accompagner les traitements que de me donner des médicaments !! Si aujourd’hui je vais en prison parce que je consomme pour vivre mieux mon VIH et mon cancer, j’arrêterai volontairement le traitement et je ferai appel à une grève générale des personnes séropo incarcérées pour usage de stupéfiants par le biais des associations et de mon avocat.
La toxicomanie, c’est un problème de santé. Cela nécessite un réel accompagnement, dans la durée et vraiment adapté. Et la prison n’arrange rien, au contraire. Elle marginalise, c’est l’apprentissage des drogues et de la survie…Et comme il n’y a aucune perspective à la sortie, on deale forcément pour s’en sortir, pour vivre !
On peut consommer pour raison médicale, ou parce qu’on est toxicomane, mais on peut aussi consommer de manière festive sans entrer dans l’addiction. Pour moi, c’est la loi de 1970 qui m’a maintenue dans la marginalité et la consommation.
Si la loi avait été modifiée, j’aurais eu de l’héroïne de qualité en France et pas besoin de faire des allers-retours en Hollande, avec tous les risques pour ma vie que cela présentait, j’aurais pu avoir accès à de l’héroïne médicalisée au lieu de prendre des traitements de substitution dont j’ai du aussi décroché. En fin de vie, je vais être obligée d’aller en Asie, où il y a de l’héroïne, car la morphine ne m’est pas du tout adaptée, ni les médicaments opiacés coupés à la caféine ou autre avec lesquels je peux faire une hépatite médicamenteuse !! Les trithérapies fatiguent les fois
Je sais ce que c’est que de se droguer avec des médicaments médocs, et les Français en consomment beaucoup. Fort effet psycho-actif. Mais c’est légal. Tout comme l’alcool, qui entraîne pourtant une forte addiction et des dégâts bien plus graves sur le corps, les organes et le cerveau !!! . Et moi, qui utilise des produits illégaux qui me font plus de bien sur ma santé que certains médicaments, tout ça pour vivre mieux, je risque la prison parce que je me soigne de manière adaptée et avec des produits naturels non transformés comme l'opium et le cannabis ?? Vous trouvez cela normal ?
Ce témoignage est pour moi aujourd'hui très important pour aider tous ces jeunes mineurs à la rue ! Car souvent ils n'ont pas d'autres choix que de dealer et consommer pour survivre dans nos rues et nos campagnes ! C'est aussi un devoir de mémoire pour tous mes amis et compagnons décédés …
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ron thal a écrit
tu remercieras Catherine pour ce témoignage Miky...
Ron.
Mais les phoenix renaissent tojours de leur cendre !!!!!!
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