Je ne sais pas vraiment comment introduire mon sujet, ce n'est pas réellement une question que j'ai, mais plutôt un ensemble de réflections. Vu que je n'écris jamais pour moi-même et que j'ai souvent besoin d'un retour (c'est encore mieux si ce sont des inconnus qui me répondent parce que sinon je fais chier mes proches) je le fais donc ici, en espérant que ça ne pollue pas le forum.
Me voilà donc, j'ai la trentaine, je consomme régulièrement de la
beuh depuis maintenant à peu près 16 ans. Conso qui dès les débuts est vite devenue quotidienne: j'ai galéré à mort niveau psy quand j'étais ado, j'ai été sous traitement (antidépresseurs, benzos depuis mes 13-14 ans, puis deux ans de
neuroleptique -tercian- dont l'année où j'ai passé le bac). C'était tellement le bordel dans ma tête à l'époque que les traitements ne m'ont pas paru me faire un grand effet concernant mon humeur, même si je ne saurais jamais si je serais encore ici sans eux ou non. En tout cas, même avec les benzos, et j'ai eu de bonnes grosses doses, je ne me souviens pas de
craving particulier, pas de "souci" avec tous ces produits légaux, mis à part bien sûr les effets secondaires, mais je ne savais vraiment pas faire le tri entre ce qui venait de moi, de mes troubles (dépression mais surtout TCAs), ou des médocs. Un grand bordel donc.
Le plaisir ressenti dès les premières conso de
beuh a été une révolution pour moi, j'avais l'impression que quelque chose de beau m'arrivait enfin, et surtout un quelque chose que j'arrivais à contrôler, contrairement à la nourriture (TCAs toujours) ou aux ordonnances que je ne faisais que suivre. Flash forward un an plus tard (18-19 ans), je fume déjà régulièrement, mes troubles ne me mettent plus en danger, je tombe amoureux, je découvre la vie nocturne et les cuites entre copains, et j'ai l'impression que les médocs me tirent vers le passé, je décide de tout arrêter. Le
cannabis a joué en quelque sorte un rôle de "substitut" dont les effets secondaires me paraissaient bien moindres que ceux du régime (ahah) que j'avais vécu jusqu'à présent. Je consomme donc de manière quotidienne, seul ou entre amis, mais surtout seul, et me prends régulièrement de jolies cuites d'étudiant. Mes amis qui ont connu mes galères précédentes me disent "tu vas mieux, mais t'aurais pas remplacé une addiction par une autre ?" propos devant lesquels je ne peux que m'incliner.
Bref je me traîne une petite réputation de fêtard auprès de mes potes un peu plus mais pas si sages, pendant des années je sors Xfois par semaine, parfois la
beuh me rend un peu parano (ou étais-ce dû à trop de picole ?) mais je considère que ça fait partie du jeu. Beaucoup d'
alcool, trop, je dirais avec le recul, mais je ne bois jamais seul par principe. Je me limite à un
joint, maxi deux par jour, quotidiennement toujours.
Flash-forward vers mes 25 ans, il s'avère que mon mode de vie ne tient pas la route sur le long terme, une journée de gueule de bois, en plein repas de famille chez mon ex, je me tape une terrible crise d'angoisse avec
déréalisation. Aie. Le lendemain, pareil. Faut dire que c'était à l'intersection de plusieurs trucs: relation bof bof qui s'éternisait, pas d'entretien de mon corps via le sport ou le sommeil, beaucoup de
beuh (je suis grimpé à 2-3-4
bédos par jour pendant 3 ans, en gros quand je ne bossais pas j'étais stone à peu près tout le temps) et peut être également un peu trop forcé sur des
RCs (je ne connaissais pas le terme à l'époque, j'ai toujours appelé ça des "party pills") que j'ai conso à peu près 15 fois dans la même année et qui je le pense - mais je ne suis pas sûr- tiraient pas mal sur la
sérotonine. Pendant deux semaines ça ne va vraiment pas: crise d'angoisse sur crise d'angoisse, je me dis que je me suis crâmé le cerveau, j'essaie de stopper la
weed mais c'est trop brutal et je
douille. Je me re-stabilise en quelques mois, mets un peu d'ordre dans ma vie (rupture, stage, départ à l'étranger) et je finis par me fixer comme limite de ne plus fumer seul.
J'avais un peu misé sur mon départ à l'étranger pour arrêter la fume mais il s'avère que : 1. ce produit est aussi facilement trouvable dans mon nouveau lieu de vie qu'il ne l'était avant 2. par affinité, je finis toujours par tomber sur des gens qui me ressemblent 3. vu que je fume moins de
beuh et que les clopes coûtent 3 fois moins cher qu'en France, je reprends le
tabac. Je maintient le cap: pas de fume en solo. Mais au final j'ai presque toujours des gens à la maison, et ma conso d'
alcool reste festive mais très régulière (toujours trop, avec le recul). L'ombre des crises d'angoisses traîne toujours, avec un petit côté agoraphobe (voir la définition correcte du mot) et parfois la fume les déclenche, mais elles m'arrivent aussi à jeun. Ah oui, et chose dont je ne me suis rendu compte que par la suite: ces crises sont pas mal amplifiées par le feeling du lendemain de cuite.
Flash-forward année pré-covid: L'automne arrive, je vis une période un peu dark, je me fous la pression pour arrêter la
beuh mais au plus j'essaie, au plus ça m'obsède. En parallèle, je découvre tout doucement des techniques pour passer au travers des crises d'angoisses plutôt que de les combattre, je me mets au sport régulièrement, je passe définitevement à la vapoteuse et je laisse tomber la clope. Puis Covid: je n'ai pas mal vécu le confinement, beaucoup de soirées sympas avec ma copine, et c'est un retour à la conso presque-quotidienne, mais avec elle. Je (re)découvre aussi, et avec beaucoup de plaisir, les
space cakes que je prends toujours de temps en temps. Fin du confinement. Ayant toujours du mal à laisser tomber des habitude après les avoir pris, je re-fume en solo après près 4 ans de banissement de cette pratique. Et je kiffe, je dois l'avouer.
Ce qui m'amène à cette année: ma copine ne fume presque plus, mais moi je m'en roule un petit une fois tous les deux soirs (c'est plus proche du 4 fois par semaine à vrai dire) j'arrive à me mesurer niveau quantités (enfin, je pense) et à rester en dessous de 1 ou 2g par semaine (en plus la qualité ici est pas ouf ici, quand je repasse en France je me prends d'énormes baffes). Par contre j'ai toujours un
craving de
nicotine et la vapoteuse ne suffit pas. Ca me dérange: je ne sais plus si ce sont les effets de la
beuh que je cherche, ou la
nicotine du
tabac des
joints. Je commande un vapo après avoir demandé conseil ici, ça me plait pas mal cette montée progressive, sans presque de parano, et qui me laisse la tête légère et le cerveau moins embrumé. Quand je veux une montée plus rapide et radicale, ou que je veux fumer un peu de
tabac, je me roule un bédal. Depuis, j'en suis donc à peu près à 2
bédos et 2-3 vapos par semaine. Toujours le même nombre de grammes qu'au dessus. Depuis cet été, après avoir vu un proche galérer, ce qui m'a fait peur, j'ai ralenti l'
alcool, je dois être à environ 15 unités par semaine, alors qu'avant c'était plutôt 25.
"Problème": je me rends compte que j'apprécie plus quand je fume seul, ce qui a toujours été le cas en fait, mais ce qui va à l'encontre de la règle de
base que je m'étais fixé pour ne pas revenir à une conso quotidienne de chez quotidienne à
base de plusieurs pilons par jour (voir "période de mes 25 ans"). Autre élément: la plupart de mes potes a maintenant arrêté, et des consommateurs quotidiens, je n'en connais plus! Je vis toujours à l'étranger, il y a beaucoup de machins en circulation ici mais une grosse hypocrisie autour de tout ça et une grosse stimatisation comme diraient les militants. Pas de la part des gens que je connais, mais de la part de la société.
Donc voilà, pour de multiples raisons, j'ai tendance à culpabiliser: comme vous avez pu le constater, je n'ai jamais réellement vécu ma vie d'adulte sans apporter des éléments psychoctifs extérieurs à mon moulin. Et les chiffres me font peur: une décénnie et demi de conso ! Mais: outre l'aspect récréatif, j'ai l'impression que le canna est un plus au niveau de ma qualité de vie et de mon humeur. Quand je vais bien, du moins, et ça fait une paire d'année que je dirais que je vais bien. Les crises d'angoisses restent une possibilité mais m'arrivent maintenant -et je croise les doigts car je suis un peu superstitieux- beaucoup moins souvent, et sont moins traumatiques. Avec le recul je me dis que j'ai survécu à des trucs de fous avant mes 20 ans (j'ai été hospitalisé plusieurs fois, j'ai rééelment failli crever, quand j'angoisse ce sont ces choses là que je revis) et que "si ça marche, alors pourquoi changer la recette?". Mais je me demande si toute cette histoire ce ne serait pas un peu une excuse pour me défoncer tout de même.
Car, autre "problème" j'ai une grosse tendance obsessionnelle-compulsive, et quand un truc me prend la tête il me prend grave la tête, à
base de pensées invasives. Du coup ce genre de dilemme -est-ce que l'expérience de la sobriété intégrale est l'étape ultime d'une vie d'adulte épanoui ? - est-ce que je consomme trop ? - est-ce que c'est un réel équilibre ou un montage bancal qui va finir par se casser la gueule ? - putain j'ai envie d'être stone, mais je suis stone souvent quand même, c'est normal ça ou quoi ? - est-ce que je vais pas déclencher des troubles psys comme le cousin de machin qui fait des bouffées délirante et entend des voix ? - et si j'ai un gosse un jour, je fais quoi ? - et si je dois arrêter pour cause de santé ?-
Enfin bref, je suis assez familier des psys et autres forums pour comprendre que si le doute se pose, c'est que forme de dépendance il y a. Et moi qui était fier d'avoir lâché la fumette seul, je dois admettre que souvent, ce plaisir et cette relaxation ressentis s'imposent comme une évidence, et que la sobriété 100% santé n'est peut être pas un mode de vie qui me conviendrait.
C'était mon 36-15 ma life qui fait déjà du bien, si mes mots vous inspirent une réponse, qu'ils soient compatissants, complaisants, ou même s'ils sont durs ou critiques, n'hésitez pas, j'en ai vu d'autres :)