Bonjour,
Après 3 ans de services en Programme d'échange de Seringue en tant que volontaire à AIDES, en province. Je me suis risqué à être employé par une association qui oeuvre dans la toxicomanie. Je n'étais pas un professionnel du social, mais malgré tout, j'ai été profondément ébranlé par la distance entre les travailleurs des structures et les personnes qui y étaient accueillies. J'ai pris la porte tant mes idéaux ont été violenté. La décision fut prise lorsque l'on me somma de ne pas parler de séxualité, et de la mienne surtout, sous le pretexte que "ce n'était pas professionnel".
J'ai donc écrit cette lettre qui n'est évidemment que mon avis, je peux très bien me tromper et sui absolument ouvert aux discussions.
A bon entendeur,
Voici la lettre :
Mesdames, messieurs,
Certains hauts responsables qui gravitent dans le champs de la toxicomanie parisienne se sont montrés inquiets, voire fébriles, du simple fait que j'assumais mon orientation sexuelle face aux usagers de structures de
réduction des risques. Il en allait, selon eux, de ma sécurité et les confortait dans la certitude d'un défaut de « distance éducative »qui remettait foncièrement en cause mon professionnalisme.
J'aurais dû rappeler mon implication militante à la cause LGBT au sein de l'association AIDES dont la formation initiale a depuis longtemps intégré le concept de
réduction des risques et d'écoute active et que sa philosophie s'axe sur des actions consistant à « porter la parole des usagers ».
L'une des plus grande leçon a étéd'apprendre à écouter et reformuler le discours des personnes accueillies et, parfois, de faire état de mon expérience personnelle afin de libérer la parole, et ainsi, identifier de nouveaux besoins. Car, enfin, se dévoiler à l'autre dans toute son humanité incite à l'échange, à la réflexion, au débat ;soit donner à l'autre la place nécessaire pour s'épanouir, s'interroger et prendre part à la chose publique.
Certes, je vous l'accorde, cela peut-être obscur pour le travailleur social qui se bâtit en tout premier lieu dans la théorie feutrée des instituts de travail social. Le professionnel du social s'y définit, s'y conforme pour finalement adopter des certitudes bien loin de l’expérience de terrain. Car, théoriquement, qu'est-ce que la
réduction des risques pour un diplômé d'état de fraîche date sinon une inconnue qui, le plaçant le plus souvent en échec, l'incite à se réfugier derrière la valeur sûr de l'éducatif dans son sens le plus basique ?
Il y a un état de fait,au sein des différentes structures de
réduction des risques, qui contraint également le travailleur social à l'assertion précédente : le turn-over régulier et étonnamment rapide des employés. J'avais déjà signaler le fait que les personnes accueillies au sein des structures étaient mis à mal, que ces départs constants était vécu intensément par ceux-ci jusqu'à mettre en évidence la violence vécue en violence verbale et parfois physique. De bonne foi, ou cyniquement, il m'a été rétorqué qu'ils'agissait de « la vie des institutions » et que les personnes accueillies en structures devaient s'y soumettre.Leitmotiv pratique pour lequel je tiens à mettre en avant mon profond désaccord.
A ma décharge, je souhaite porter à votre attention qu'il a été récemment mis en place un groupe de travail sur la « bien-traitance »,et vous demande de vous plonger dans la lecture des différents documents tel que le « Guide de repérage des risques de maltraitance en établissement » édité par certains établissement dès 2010, reprenant la forme du guide édité par« le comité national de vigilance contre la maltraitance des personnes âgées et adultes handicapés » en décembre 2008,où « l'absence de considération », « l'abus d'autorité » et les « comportements d'infantilisation » sont des signes d'alerte de maltraitance. « C'est la vie des institutions »,me dit-on ; cela me semble très péremptoire et rejette invariablement la personne accueillie dans son rôle : il n'a pas le droit de donner son avis, il se doit de subir cette « vie des institutions » sans poser de question.
Car, en fait, vous ne porter votre attention que sur l'ouverture « coûte que coûte » de vos structures. Hors, les maintenir ouvertes est une chose mais c'est au détriment de vos équipes (qui s'y réduisent comme peau de chagrin) et du travail qui y est associé : la quantité prévaut sur la qualité, réduisant les personnes accueillies à un chiffre sur un rapport pour justifier les subventions. Voilà donc éclairée « l'absence de considération ».
D'autre part, et pour en venir à l'étonnement premier qui fut le mien et qui a permis d'introduire cette missive, je me dois de vous exposer ce qu'implique de nier, pour un agent de terrain, les questions de la sexualité,nonobstant les desiderata d'ordre sécuritaire : Les règles des structures d'accueil des personnes en situation de toxicomanie ne peuvent se substituer au débat républicain. La toxicomanie étant un tabou que chaque structure se doit d'éclairer pour améliorer les conditions sanitaires des personnes, pourquoi en ajouter un autre ?Car, définissant les ressorts de l'efficacité de la politique de
réduction des risques, n'a-t-on pas mis en lumière l'importance du regard social envers « la grande marginalité »dans « l'historique de la
RDR » en date du 11 janvier 20131.
De fait, en remettant en cause le fait d'assumer mon orientation sexuelle, nous nions les questionnements et les évolutions de la République sur cette question et rétrogradons de fait les politiques sur la toxicomanie,dont le chantier reste vaste et difficile. Si l'on impose ce qui peut être dit ou doit être tu, tant pour les travailleurs sociaux que pour les personnes accueillies au sein des structures, on réfute alors une vision globale de la personne en dépit de l'une des
bases essentielles d'une vraie politique de
réduction des risques. Voilà donc qu'apparaît un « abus d'autorité », car,enfin, nous nous devons d'ancrer chacun dans les débats que chaque citoyen, quelque soit sa situation, est en droit de commenter.
Ainsi, une telle position dans la politique de
réduction des risques rend impossible le moindre mouvement d'amélioration dans la situation de la population ciblée ni la moindre innovation permettant de réduire les tabous autour de la question de la toxicomanie en générale etde ses usagers en particulier. Car les champs d'interrogation sont nombreux encore, d'abord sur l'harmonisation des différentes structures de
réduction des risques et des partenaires sur les champs contigus à celui de la toxicomanie, toujours dans l'optique d'une vision globale des sphères sanitaire, sociale et psychologique dans lesquelles évolue l'usager de drogue. Sans même parler, pour en finir avec tout « comportement d'infantilisation »,de permettre aux usagers de pouvoir apporter leur expertise en intégrant les équipes des structures pour une efficacité accrue.
Le silence, autour de la réalité d'une vision globale de l'être humain en situation de toxicomanie, ne doit pas créer une forme de fantasme qui réduirait la personne à la seule problématique de l'usage de drogue. Hors, à vouloir absolument maintenir des structures sans réfléchir à un travail de qualité plus que de quantité, à vouloir absolument privilégier la question financière à l’efficacité des structures, à vouloir imposer le leitmotiv de « la vie des institutions » au détriment de la vie des personnes qui y sont accueillies, je pense sincèrement que les objectifs premiers de la réductions des risques en pâtissent et ne peuvent évoluer dans le bon sens.
Il est fort possible quel'accès des programmes d'échange de seringues à une reconnaissance juridique ait été un combat qui s'est émoussé pour les anciens« soldats du social » qui n'y ont plus vu qu'un aboutissement plutôt qu'une simple marche. Car, en effet, il y
ad'autres combats qui se profilent, d'autres marches à monter qui requiert une énergie que, peut-être, en tant que dirigeants éloignés de la réalité des enjeux de terrain, vous n'êtes plus en mesure d'apporter. L'innovation pour un mieux être des populations que vous vous devez de défendre est au prix d'accepter de prendre en compte l'évolution du terrain et des nouveaux champs de compétences des travailleurs sociaux, des bénévoles en structures de
réduction des risques, souvent très impliqués, et des usagers de drogues eux-mêmes. Par cette lettre, j'espère vivement qu'un débat s'instaure afin de réfléchir à une position politique nouvelle et claire de la
réduction des risques en cette délicate période.
Cordialement,
Monsieur Lalith PERERA
1 « Historique de la
RDR » en date du 11 janvier 2013 (
http://www.federationaddiction.fr/wp-co … ricot.pdf)
Dernière modification par nitnit01 (14 novembre 2013 à 18:57)