Une dent contre les opis

Merci pour tes bécots.
J'avais prévenu mon retour et me voilà.
Fils de dentiste, frères de dentiste, ex gendre de dentiste, ex étudiant en dentaire à Paris dans les années 70, je ne suis pas dentiste, ayant déserté les études d'un métier qui ne m'attirait plus du tout après deux ans d'études en plus du concours d'entrée (CPEM). De toutes façons, le doyen de l'université rue Garancière avait l'œil braqué sur moi, défoncé un peu beaucoup. Il voulait protéger la profession d'un sale môme comme moi.

J'ai toujours eu une hygiène dentaire impeccable, pas une carie avant 50 ans, Ayant consommé d'abord du cannabis quotidien de 1972 à 1977, donc sècheresse buccale permanente et ai ensuite embrayé sur l'héroïne jusqu'en 1984 et décroche en 1989.

Les opiacés aussi provoquent une diminution sévère de la production de salive, ce qui ne plaît pas du tout au parodonte (les gencives). Pendant 10 ans, régime abstinent, et reprise vers 2000 du cannabis et dès 2002 méthadone à 100-120 mg/jour en maintenance. Je savais à l'avance que je signais l'arrêt de mort de ma belle denture.

Les addictologues que j'ai pu rencontrer durant ces deux décennie et demi m'ont tous félicité pour la stabilité obtenue grâce à la méthadone mais aucun ne m'a parlé de cet effet imparable qui est le déchaussement des dents par rétractation de la gencive. Quand ta gencive se rétracte elle met à nu la dentine qui constitue les racines et la chair de la dent, laissant la voie libre aux bactéries responsables des caries et abcès à la racine.

Pendant les 4 première années, j'ai observé la rétractation toujours plus profonde de mes gencives et mi années 2000 les premiers abcès aux racines sont apparus, suivis d'extractions de molaires en premier.

En 2012, j'ai mis un coup de boutoir à ma denture en suivant les 12 mois de la trithérapie anti VHC alors redoutablement dure à vivre. La thérapie finie avec moins 8 kilogrammes, on a pu, au bout de 15 jours, m'annoncer que le virus était toujours présent. Bing, prends ça dans les dents !

On continue le parcours. J'ai perdu par extraction toutes mes molaires supérieure et puis ensuite les canines et enfin en 2020 je me suis fait opérer sous anesthésie générale pour extraire toutes les dents restantes de mon maxillaire et passer les étapes de la mise en fonction d'un appareil complet en haut, me gardant 9 dents sur la mâchoire en priant pour qu'elles tiennent l'appareil partiel du bas.

En 5 ans, je n'ai plus eu de perte de dents et vis comme il est normal de vivre après 70 ans, avec un dentier complet. Le choc visuel est au réveil lorsque j'oublie de remettre le complet. Ma tronche sans dents et en exagérant un peu le tableau me transforme instantanément en petit vieux zozotant alors qu'avec mon appareil je ne fais pas mon âge du tout. Souriez Gibs !!!

Je ne t'ai repassé aucun astuce, la seule valable étant d'accepter que nos corps vieillissent et se débarrasser des clichés emmagasinés dans notre mémoire. Opiacés à long terme = bye bye les dents.

Une fois le traumatisme de l'opération passé (comptes six mois à un an), tu peux sans souci changer un peu ton régime alimentaire pour des aliments plus tendres et plus mous qu'une bavette bien dure et filandreuse qui sera devenue une chose impossible à manger.

Me voilà arrivé à la fin de ce que je voulais te communiquer. La vie n'est pas un long fleuve tranquille et nager dans le sens du courant avec un peu d'acceptation est plus facile et efficace que l'inverse, enfin sur moi.

Amicalement

Fil

Ps : cette mise au point à propos de l'effet du cannabis, speed et opiacés sur la rétractation du parodonte a aussi pour but de casser la stigmatisation des usagers d'opiacés qui perdraient leurs dents par absence d'hygiène (ce qui est la version la plus courante du phénomène, renforcée par la parole stupide de Hollande sur les sans-dents).