31 décembre d´une sombre année 80´s
Je suis en manque…La violence des douleurs, l´âpreté des odeurs me font gerber comme un porc, j´ai les tripes farcies d´acide et des coulées d´humeurs dégoulinent de tout mon corps.
Mes veines sont glacées comme une concession de cimetière, je suis malade comme une chienne qu´on emmène à la fourrière.
Recroquevillée, en position fœtale, je tente de me réchauffer dans ce grand corps trop malade qui avorte de mes excès. Sylvie a embarqué mes derniers billets il y a cinq heures maintenant, il est trois heures du matin, je sais, que je viens de me faire farcir comme une dinde en cette veille de nouvelle année qui a été aussi opiacée que les précédentes…
Dans mon cerveau enfiévré, mes circuits déprimés cherchent une solution, j´habite à Chinatown, en plein treizième arrondissement, je sais que « Trang » n´est pas là et que ses compatriotes dealers, sans thune, sont un casse tête chinois… Je n´ai pas assez de force vive pour faire face à ces asiatiques, au sempiternel sourire figé sur des masques de poupée de cire qui disent « non » si y´a pas de pognon…
Rien de céleste dans mon empire en l´état présent, je le troquerais quand même volontiers contre un petit gramme de rêve, au lieu de ça, il s´effondre sur mes dernières illusions opiacées.
Je me remets à trembler comme une feuille, alors que les rouages de mon cerveau brûlant se mettent à scander un nom, sur le tempo des frissons qui m´agitent et me parcourent en me faisant claquer des dents: Chris… tian… Chris… tian…Chris…tian…Chris…tian.
La petite lanterne rouge de l´espoir se met à scintiller sur mes circuits rouillés, le visage du dealer m´apparaît entre deux spasmes. A cet instant mes neurones se remettent à fonctionner à plein régime…
J´ai laissé tellement d´oseille à ce mec à une certaine époque, qu´il a du pouvoir s´acheter un laboratoire ultra design, pour la fabrication de sa poudre blanche, souris je en mon manque intérieur.
Une montée de bile, me submerge à nouveau avant que j´atteigne le téléphone, me laissant là ko, haletante, essoufflée, désarticulée, en kit, avec en prime, cette fontaine d´hiver qui semble se déverser à l´intérieur de moi.
J´ai mal à mes os je voudrais scier mes jambes aux impatiences démesurées, je suis couverte de sueur alors que je continue à trembler. Tandis que le manque assassin plonge dans mes reins une tige de feu, entre sanglots et hoquets, je promets au diable et à Dieu que je ne recommencerais pas, si ils m´épargnent ce soir, promis, juré, craché, ce sera la dernière fois.
Cinq minutes plus tard, au bout d´un nombre incalculable de sonneries, j´entends mon «
héro » articuler un « allo » excédé au bout du fil.
Je respire un grand coup il ne faut surtout pas qu´il sente que je suis malade, sinon il me fera galérer, du haut de son petit pouvoir de merde il me trouve trop fière m´a t´il déjà dit.
Je range mon orgueil dans le coffre fort de mon désespoir, je le ferme à double tour, tandis que je compose son numéro sur mon clavier téléphone.
« Allo ! Christian » ? Fais je d´un ton faussement enjoué.
« Peux tu passer me voir » ? Ca fait deux mois que je ne l´ai pas vu, en dehors d´une soirée organisée chez une amie, il y a une petite quinzaine de jours.
Il n´a pas l´air d´être réveillé par mon appel, je sais que c´est un noctambule…
« Dans une heure ça te va ? »
« Ouais super, à tout´ ».
Je me remets en position fœtale me demandant ce que je vais bien pouvoir lui raconter et qu´il entendra pour la millionième fois de sa vie. « Demain j´te paye » ?
Je m´endors d´un faux sommeil un moment, peuplé de seringues, de dealers, de poudre.
A force de mouvements désordonnés et incontrôlables, je finis en bas de mon lit, de peu j´ai manqué ma bassine à vomi vert fluo.
Dring…Je déplie ma carcasse agonisante et me rends à la porte après une dernière salve de gerbe à côté de mon lit. J´arrange mes cheveux devant le miroir de l´entrée, j´ai le cœur qui semble vouloir sortir de ma poitrine tellement il bat fort. Je suis la rescapée d´un tsunami
opioïde qui attend l´aide humanitaire depuis des jours…
« C´est moi Chris ».
J´ouvre la porte à l´espoir, il me paraît tellement mince quand je croise son regard dans l´ entrée, la peur qu´il s´en aille me fait serrer mes sphincters, afin que ce qu´ils retiennent, ne se répande pas sur le palier à ses pieds. Je le mets de suite à l´aise, je n´ai pas la force de polémiquer.
« Je suis malade et j´ai donné mes dernières thunes tout à l´heure à une copine qui n´est jamais revenue. Il faut que tu m´avances un gramme au minimum et au maximum ce que tu veux » lui dis je d´un trait…
En s´approchant de moi pour me dire bonsoir, j´entends le bourdonnement de ses insipides paroles dont je ne saisis que trop bien le sens : « Je ne peux pas, j´ai trop besoin de thune, bla, bla,.bla »…A cet instant, JE SAIS qu´il ne peut repartir sans me donner la précieuse poudre.
Je pense au poignard posé sur ma table de nuit, j´ai envie de lui planter dans le cou pour qu´il connaisse ma souffrance, qu´il goûte ma désespérance. Des images affreuses inondent mon cerveau malade, mais, je suis sans force et à bout.
Je refuse ses dénégations, je prends les clés sur la porte et une fois dans le salon, en hurlant, je menace de me jeter avec elles par la fenêtre, si il ne me donne pas, de sa putain de
came de merde.
Je sais qu´il déteste le scandale, si je me maudis en mon for intérieur, ma fontaine d´hiver intérieure, a déjà noyé mes remords sous son torrent glacé.
Sans un mot, Christian sort le paquet miracle qui me fera revivre quelques heures durant, et de mes mains fébriles j´ai déjà attrapé la cuiller alors qu´il me faut un temps fou pour coordonner mes mouvements. Christian m´aide à maintenir l´équilibre précaire du précieux mélange, tandis que je cherche une veine pas trop sclérosée, vite, vite, sinon je vais mourir une nouvelle fois.
Christian se lève sur un « good trip et bonne année Catherine » d´une voix glacée venue d´outre tombe, alors que je lui désigne du menton le trousseau de clés caché sous le coussin de mon canapé témoin de temps de scènes.
Il s´en va sans se retourner, les accrochant dans l´entrée après avoir ouvert la porte, comme un amant de longue date qui partirait sans se retourner, à l´issue de l´ultime dispute. Il me laisse là , liquide, vide et prostrée, sur mon îlot désert et glacial, habité du spectre de mes nuits sans
came, les intestins déchirés, devant le festin à venir pour mes veines en débâcle…
Cette année pour le réveillon je me retrouve en charmante compagnie, un tête à tête avec moi même, rien à voir avec celui que je viens de livrer un résumé d´un réveillon mal accompagné : angoisses, manque et désespoir étaient de la partie ! Je vous souhaite l´exact contraire de ce récit pour 2007, ainsi que pour toutes les années qui suivront, déversées par l´énorme sablier du temps.
Je vous souhaite ainsi qu´à vos proches ce qu´il y a de mieux en ce bas monde.
Je vous embrasse comme je vous aime…Fort… Catherine