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L'Iboga est une Apocynacee de l'Afrique équatoriale, dont les indigènes mâchent les racines comme tonique et hypnofuge. Son usage est particulièrement répandu au Gabon parmi les pagayeurs, les porteurs, etc.
Signalée pour la première fois en 1864 par Griffon du Bellay, cette drogue a été étudiée par Dybowski et e. Landrin [2] et par Haller et Heckel [3], qui en isolèrent à peu près en même temps (1901), un alcaloïde cristallise, appelé ibogaïne par les premiers, ibogine par les seconds. Successivement, Phisalix [6], Lambert [4], Pouchet et Chevalier [7], A. Landrin [5], soutenue en 1905, nous avons repris cette étude [1].
Au point de vue botanique, il nous a paru nécessaire de poser avec précision le problème de l'origine de la drogue. Si celle-ci provient en principe du Tabernanthe Iboga H. Bn (espèce de genre crées en 1889 par H. Baillon), il ne'est pas exclu que les racines des espèces créées en 1898 et 1902 par Stapf (Tabernanthe tenuiflora, T. Bocca, T. subsessilis, T. Mannii), n'aient pas une composition chimique et une activité pharmacologique comparables. A défaut du matériel qui aurait permis de donner une solution définitive a cette question, nous pouvons dire, après consultation des collections du Muséum de Paris et du Jardin botanique de Bruxelles, que le Tabernanthe Iboga H. Bn comporte des variétés, parmi lesquelles certaines des espèces de Stapf nous semblent pouvoir être rangées (en particulier le Tabernanthe tenuiflora Stapf).
D'autre part, des Tabernanthe différents du type de Baillon, mais qui n'ont pu être rapportes d'une manière définitive à l'une des espèces de Stapf, renferment de l'ibogaïne. Enfin, il a été signale, en particulier par Le Testu et le P. Gillet, un Tabernanthe, de part sensiblement plus élevé, qui semble bien différent du Tabernanthe Iboga, et dont les caractères se rapprochent de ceux du Tabernanteh subsessilis de Stapf.
Au point de vue histologique, nous avons également étudie de nombreux échantillons de Tabernanteh. Leurs caractères anatomiques ne permettent pas de les différencier tandis que deux falsifications de l'Iboga, le Rauwolfia monbasiana Stapf et le Pterotaberna inconspicua Stapf, se sont montrées à cet égard, bien distinctes de l'Iboga.
Au point de vue chimique, seul le Tabernanthe Iboga a été étudie. Nous avons essaye de nombreux procèdes d'extractions des alcaloïdes des racines d'Iboga. Deux d'entre eux ont été retenus, comme donnant les meilleurs rendements et permettant d'obtenir les alcaloïdes avec le minimum d'altération.
Dans le premier procède, les alcaloïdes, déplaces par l'ammoniaque, sont enlevés par l'éther. Les solutions éthérées concentrées sont épuises par l'acide sulfurique à 5%. Les solutions sulfuriques, neutralisées, puis alcalinisées par les ammoniaques, sont épuisées par l'éther. Les liqueurs éthérées, déshydratées, sont redistillées sous pression réduite. Le résidu d'alcaloïdes totaux est sec dans le vide.
Le deuxième procède d'extraction met à profit la solubilité des chlorhydrates d'alcaloïdes dans le chloroforme. La drogue pulvérisée est épuisée par lixiviation au moyen de l'acide chlorhydrique dilue (3gr., 50 p. 1.000 en CIH). La liqueur obtenue est puisée par le chloroforme dans une ampoule à décantation. Les solutions chloroforme, déshydrates, sont concentrées sous pression réduite. Le résidu sec de chlorhydrates bruts d'alcaloïdes est redissous dans l'eau au bain-marie. Dans la solutions filtrée et refroidie, les alcaloïdes sont précipites par addition d'ammoniaque. Les bases sont recueillies sur un entonnoir du Büchner, lavées à l'eau et séchées à 40°.
Le taux des alcaloides, assez variable selon les origines, est de l'ordre de 1,0 à 2,6% dans les racines totales; il atteint 5 à 6 % dans les écorces seules, séparées par grattage.
A partir des alcaloïdes totaux, nous avons séparé, par cristallisation dans l'alcool, l'ibogaïne dont nous avons précise les constantes : P.F.=152°, [alpha]D = -53° (alcool). Les résultats de l'analyse élémentaire nous conduisent à admettre, pour cet alcaloïde, la formule C20 H26 N2O, légèrement différente de celle précédemment donnée par Raymond-Hamet [10]. Un certain nombre de sels ont été obtenus bien cristallises : chlorhydrate, brombydrate, iodhydrate, sulfate et picrate.
Un deuxième alcaloïde cristallise a pu être sépare, à partir des alcaloïdes des racines, en utilisant la plus grande solubilité de son chlorhydrate dans le chloroforme. La base cristallise dans l'alcool en très fines aiguilles ou en petites lamelles brillantes appartenant au système orthorhombique. Elle est d'un beau blanc, de saveur amère, et produit une sensation d'anesthésie de la langue ; sa forme en lamelles, correspondant au produit le plus pur, fond à 209°. Son pouvoir rotatoire dans l'acétone est de [alpha]10 = -40°. N'ayant pas trouve dans la bibliographie d'alcaloïde répondant à ces constantes, nous l'avons nomme tabernanthine. On doit vraisemblablement rattacher à celui-ci la " substance cristallisée . de P.F. = 206-207°, signalée en 1901 pas plus avant et qu'ils ne nommèrent pas.
La tabernanthine est presque insoluble dans l'eau, peu soluble dans l'alcool froid, plus soluble à chaud, facilement soluble dans l'éther, le benzène, le chloroforme, l'acétone. Ses solutions sont incolores et non fluorescentes. Sa formule moléculaire, déterminée comme pour l'ibogaine, par semi-micromethode ( l'azote par micro-Kjeldahl) correspond à C21H29N20.
Son spectre d'absorption ultra-violet présente deux maxime à 2.700 et 3.000 à… et deux minima à 2.575 à… et 2.800 à… (ibogaïne, un maximum à 2.950 à… et un minimum à 2.575 à…).
Enfin la tabernanthine donne, avec les réactifs de Wasicky et de Brissemoret, des réactions colorées différentes de celles obtenues avec l'ibogaïne. Son chlorhydrate a pu être obtenu à l'état cristallise. Les réactions de coloration données par cet alcaloïde avec les réactifs glyoxylique et phospho-vanillique font présumer qu'il renferme , comme l'ibogaïne, un noyau indole. C'est également un compose non sature. Enfin, nous avons pu mettre en évidence la présence d'un groupement methoxyle dans sa molécule.
A cote de ces alcaloïdes cristallises, il existe dans les racines d'Iboga une forte proportion d'alcaloïdes amorphes, parmi lesquels se trouve une4 substance4 dont les solutions dans l'alcool, le chloroforme, l'éther, etc. sont fluorescentes. Cette substance semble un produit de décomposition des alcaloïdes, en particulier de l'ibogaïne.
D'autre part, des alcaloïdes ont pu être extraits des tiges, des feuilles, des péricarpes et des graines. Ceux extraits de ce dernier organe présentent des réactions colorées très nettes et différentes de celles des alcaloïdes des racines. Le manque de matériel n'a pas permis de préciser s'il s'agissait d'un alcaloïde particulier.
Enfin, des dosages d'alcaloïdes ont été effectues, dans des poudres d'écorces d'Iboga, par différentes méthodes : dosage pondéral direct, dosage volumétrique, précipitation à l'état de silicotungstate. Les conditions optima de précipitation de l'ibogaïne à état de silicotungstate ont été déterminées, ainsi que le coefficient expérimental à utiliser pour les dosages.
Pour les poudres d'Iboga, les dosages par la méthode pondérale directe et ceux obtenus après précipitation à l'état de silicotungstate donnent des chiffres très voisins, constamment plus faibles avec la deuxième méthode.
Au contraire, le titrage volumétrique des alcaloïdes totaux (exprimes en ibogaïne), donne des chiffres très inférieurs à ceux que l'on obtient par pesée directe. Dans la méthode proposée pour les poudres d'Iboga, les alcaloïdes, déplaces par l'ammoniaque, sont extraits par l'éther.
Ils sont finalement précipités à l'état de silicotungstate en milieu acide chlorhydrique à 2%. La méthode a été appliquée aux préparations galéniques de la drogue : teinture et extraits.
Au point de vue pharmacodynamique, nous avons retrouvé certaines propriétés déjà signalées par différents auteurs, en particulier l'hypotension produite chez le chien après injection d'ibogaïne. A cet égard, nous avons pu montrer, en utilisant la méthode de Schilf, que cette hypotension est due à une vasodilatation périphérique.
En outre, quelques actions de la tabernanthine chez le chien ont été étudiées.
Comme l'ibogaïne, cet alcaloïde : diminue l'amplitude et la fréquence des mouvements respiratoires ; est hypotenseur ; diminue l'hypertension réflexe provoquée par l'occlusion des carotides ; augmente beaucoup l'hypertension produite par injection d'adrénaline. La tabernanthine semble, en outre, prolonger l'action hypotensive de l'acétylcholine.
Elle agit donc dans le même sens que l'ibogaïne. Il en est de même des chlorhydrates totaux et de l'extrait aqueux de racines.
L'extrait aqueux des péricarpes s'est montre sans action nette, tandis que celui des graines qui, comme l'ibogaïne, renforce notablement l'action hypertensive de l'adrénaline, augmente par contre l'hypertension produite par l'occlusion des carotides.
En résume, les racines du Tabernanthe Iboga renferment, a cote de l'ibogaïne cristallisée, P.F.= 152°, un deuxième alcaloïde cristallise, P.F.= 209°,que nous avons nomme tabernanthine, sans doute de constitution très voisine, mais cependant bien différencier par plusieurs de ses propriétés physico-chimiques.
Au point de vue physiologique, ces deux alcaloïdes paraissent réaliser une synergie et contribuer l'un et l'autre à l'activité totale de la drogue. Les autres parties de la plante renferment également des alcaloïdes doues d'activité physiologique.
Quant aux effets toniques de l'Iboga, leur explication est encore incomplète, l'étude revalant chez l'animal des phénomènes très complexes.
Deux théories ont été proposées : l'une , due à Raymond-Hamet [9], fait intervenir l'action "sympathicosthenique" de l'Iboga, sensiblement l'organisme à ses excitants et en particulier à l'adrénaline.
L'autre, due à D.Vincent et Mlle I.Sero [12], met en cause les propriétés anticholinesterasiques de la drogue, prolongeant l'action de l'acétylcholine et améliorante le fonctionnement du système neuromusculaire.
Il faut espérer que d'autres recherches permettront d'élucider complètement le mécanisme d'action de cette drogue, dont es propriétés toniques, déjà reconnues par l'empirisme des indigènes, sont indiscutables.
(Laboratoire de Matière médicale de la Faculté de Pharmacie de Paris.)
Bibliographie :
[1] :Delourme-Houde.-Contribution à l'étude de l'Iboga (Tabernanthe Iboga H.Bn (Apocynacées).Thèse Doct. Unfu. (Pharm.), Paris, 1944.
[2] Dybowski (J.) et Landrin (Ed.).- Sur l'Iboga, sur ses propriétés excitantes, sa composition et sur l'alcaloïde nouveau qu'il renferme. C.R. Ac.Sc, 1901, 133, p 748-750.
[3] Haller (A.) et Hecker. (E.). - sur l'ibogaïne, principe actif d'une plante du genre Tabernaemontana, originaire du Congo, C.r.Ac.Sc., 1901, 133, p. 850-853.
[4] Lambert (M.). -Sur les propriétés physiologiques de l'ibogaïne. Arch. Internat.Pharmacod. et Thérapie, 1902, 10, p.101-120.
[5] Landin (A). - De l'Iboga et de l'ibogaïne. These Doct. Med., Paris, 1905.
[6] Phisalix (C.). -Action physiologique de l'ibogaïne. C.R.Soc.Biol., 1901, 53, p.1077-1081.
[7] Pouchet (G.) et Chevalier (J.). -Les nouveaux remèdes : Sur l'action pharmacodynamique de l'ibogaïne. Bull. gen. Therap., 1905, 149, p. 211-215.
[8] Raymond-Hamet. - Le probleme du vrai et des faux Iboga. Rev. Bot., appl., 1940, 20, p. 251-262.
[9] Raymond-Hamet.- L'Iboga, drogue defatigante mal connue. Bull. Acad. Med., 1941, (3e s.), 124, p.243-255.
[10] Raymond-Hamet.- Sur l'ibogaine. Bull. Soc. Chim. Fr. 1942, (5e s.), 9, p. 620-622.
[11] Sero (Mlle I.). - Une Apocynacee d'Afrique equatoriale, Tabernanthe Boga. These Doct. Univ (Pharm.) Toulouse, 1944.
[12] Vincent (D.) et Sero (Mlle I.). - Recherches biochimiques et pharmacodynamiques sur Tabernanthe Iboga H. Bn. 1° Sur l'extraction des principes actifs. Remarques au sujet de l'ibogaïne amorphe. 2° Action des préparations d'Iboga et de l'ibogaïne sur la cholinestérase. Trav. Memb. Soc. Chim. Boil., 1942, 24, p. 1352-1357.
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