Nouvelle offensive en faveur de la
légalisation du
cannabisPar François Béguin, Manon Rescan
Le 20 juin 2019 à 01h40
Mis à jour le 20 juin 2019 à 07h00
Une étude du Conseil d’analyse économique publiée jeudi plaide pour une
légalisation encadrée. Plusieurs députés LRM ont signé une tribune en faveur d’une évolution de la loi de 1970.
C’est l’un des plus vieux serpents de mer de la vie politique française. La question de la
légalisation du
cannabis a de nouveau été posée, mercredi 19 juin, par plusieurs députés, dont quelques figures de la Macronie, suscitant beaucoup de commentaires dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
Le numéro deux du parti La République en marche (LRM), Pierre Person (Paris), et son collègue Aurélien Taché (Val-d’Oise), figurent ainsi parmi les signataires d’un appel à la
légalisation publié en « une » de l’Obs. Sept autres députés du parti majoritaire ont concomitamment apporté leur soutien à une proposition de loi du député du groupe Libertés et territoires, François-Michel Lambert (Bouches-du-Rhône). Le texte envisage une
légalisation régulée du
cannabis par la mise en place d’un monopole public de production et de distribution.
C’est très précisément le processus prôné dans une note rendue publique jeudi 20 juin par deux économistes mandatés par le Conseil d’analyse économique, la structure chargée de conseiller le gouvernement et qui s’est autosaisie de ce sujet.
Faisant le constat – comme beaucoup d’autres avant lui – que le « système de prohibition promis par la France depuis cinquante ans est un échec », les auteurs proposent, dans le sillage de ce qu’avait déjà avancé le think tank Terra Nova, de « reprendre le contrôle de ce marché ». Pour eux, la mise en place de magasins dédiés et contrôlés par l’Etat permettrait à la fois de lutter contre les trafics et de mieux « restreindre l’accès » du
cannabis aux plus jeunes. « C’est un sujet qui évolue très vite, avec beaucoup de retours d’expérience car tous les pays qui légalisent le font avec des modalités différentes, souligne Pierre-Yves Geoffard, l’un des co-auteurs du texte. L’avantage de ne pas partir en premier, c’est qu’on peut profiter des erreurs des autres. »
« Le tout répressif ne fonctionne plus »
Aux députés qui demandent l’organisation d’un débat parlementaire d’ici à la fin de l’année, l’exécutif oppose une claire fin de non-recevoir. « La position du gouvernement n’est pas d’aller vers une
légalisation du
cannabis », a prévenu, mercredi, sa porte-parole Sibeth Ndiaye, à la sortie du conseil des ministres. « Lors de la campagne présidentielle, Emmanuel Macron l’avait écarté, et nous avons d’autres sujets à travailler plus important pour le quotidien des Français », explique Thomas Mesnier, député (LRM) de Charente.
Au sein de la majorité, la tentation de la
légalisation existe pourtant. Outre les signataires de l’appel de L’Obs et de la proposition de loi, d’autres députés s’y disent favorables. « Le tout répressif de ces dernières décennies ne fonctionne plus », estime ainsi l’élu de Haute-Garonne Mickaël Nogal. « Si on me rassure sur la question de la sécurité routière et qu’on m’explique que cela fait baisser le trafic, je suis prêt à y aller », abonde un autre.
« Les avis sont assez partagés, observe Eric Pouillat député (LRM) de Gironde. LRM est libérale, ouverte aux sujets de société, certains se disent que ça fait trente ans qu’on en parle, alors pourquoi ne pas le faire. » Mais l’élu, auteur d’un rapport portant notamment sur les peines pour les consommateurs de
cannabis, n’y est lui pas favorable. « La
légalisation ne résoudra ni le problème des trafics illégaux, ni celui de l’exposition des mineurs à la drogue », estime-t-il.
« Préoccupations sanitaires et de sécurité »
Les initiatives de mercredi ont également pris de court ceux qui, dans la majorité, veulent mettre la priorité sur la
légalisation du
cannabis thérapeutique, qui pourrait intervenir après une phase d’expérimentation de deux ans qui débuterait début 2020, selon les préconisations du comité d’experts de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et publiées elles aussi mercredi.
« Le risque c’est que ça devienne un motif de crispation entre l’exécutif et le législatif. Il ne faudrait pas que cela conduise à freiner sur ce terrain », s’inquiète Olivier Véran (LRM, Isère), fervent défenseur de cette option.
« Peut-être faut-il aller vers la
légalisation, mais il ne faut pas avoir un débat caricatural », peste de son côté Jean-Baptiste Moreau (LRM, Creuse), fervent militant du développement d’une filière agricole pour le
cannabis thérapeutique dans son département. « Sur la
légalisation, il y a des préoccupations sanitaires, de sécurité. Il faut comparer avec d’autres pays. C’est prématuré et le débat est mal posé », assène celui qui doit être nommé prochainement rapporteur d’une mission d’information sur les différents usages du
cannabis.
François Béguin, Manon Rescan
Le 20 juin 2019 à 07h00