Au monastère de Thamkrabok, il faut vomir et méditer pour se désintoxiquer
SARABURI (Thaïlande) - Wanchai Nunatasiri, 15 ans, est agenouillé avec une douzaine de personnes et vomit violemment après avoir absorbé une potion: comme d'autres toxicomanes et alcooliques, l'adolescent est arrivé au monastère thaïlandais de Thamkrabok pour en finir avec sa dépendance.
Debout derrière eux, des moines leur tendent un verre contenant la potion couleur marron et les encouragent à avaler le liquide à
base de plantes, visiblement écoeurant. L'effet est immédiat : les pensionnaires boivent beaucoup d'eau et vomissent un jet marron en direction d'un égout situé à leurs pieds.
Situé à une centaine de kilomètres au nord-est de Bangkok, le monastère héberge une centaine de moines, dont la moitié sont d'ex-toxicomanes et alcooliques. Depuis le périmètre d'un temple autour duquel sont installés des pagodes en or et des bouddhas géants, la vue sur les montagnes environnantes est magnifique.
Le monastère a ouvert son centre de désintoxication en 1959 et, depuis cette date, de nombreux Thaïlandais, et des patients du monde entier y ont séjourné.
Parmi les étrangers a figuré Pete Doherty, rocker britannique et ex-petit ami du mannequin Kate Moss, qui est venu au monastère en 2004 mais s'est enfui au bout de trois jours.
Wanchai, lui, est arrivé de Bangkok pour essayer de se défaire de sa dépendance à la
marijuana et aux
amphétamines.
"Je veux arrêter toutes les drogues pour toujours", assure-t-il, à la fin de sa première journée de traitement. "Ce n'est pas facile de vomir ainsi et je me sentais vraiment très mal", explique l'adolescent.
Les séances de vomissement, qui durent une dizaine de minutes, sont obligatoires durant les cinq premiers jours. La potion médicinale, dont la recette est tenue secrète, est composée de 108 extraits de plantes qui poussent dans les jardins du temple.
Le vomissement, qui n'est qu'une partie du traitement, est censé extraire la drogue de l'organisme.
"Nous demandons à chaque personne qui vient ici si elle veut vraiment arrêter (de se droguer, ndlr). Si elle le veut, elle prononcera un voeu sacré, que nous appelons +satja+ et qui l'engage à vie", explique le moine Ajahn Boonsong Tanajaro.
"Le satja les accompagnera au-delà des 15 jours qu'ils passent avec nous", ajoute le bonze.
Pour Nicky Anderson, Irlandais venu de County Tiperrary et dépendant aux médicaments, "on vous redonne ici une grande confiance en vous-même, ainsi que la force de repartir sans prendre de drogue".
Les patients se lèvent à 04h30 et commencent par nettoyer le périmètre du temple pendant une heure. Le reste de la matinée est consacré à la lecture, la musique, un bain aromatique relaxant et la
méditation, sous la responsabilité d'un moine, ancien homme d'affaires français, ex-alcoolique, qui se fait appeler Phra (moine) Erik.
Venir à Thamkrabok était "ma dernière chance", explique celui qui peu après son traitement a été ordonné moine et n'a depuis lors plus bu une goutte d'
alcool.
"J'essaie de garder le contact avec les patients après leur départ et, oui, je vois de bons résultats", assure-t-il.
"Bien sûr, on ne peut pas avoir 100% de réussite mais je pense que nos résultats sont meilleurs que dans beaucoup de centres spécialisés européens", ajoute-t-il.
Le monastère voit le nombre de ses patients fortement augmenter. Ils étaient 427 en 2006, et sont passés à 580 et 653 les deux années suivantes. Pour la plupart, le monastère est l'ultime chance.
"C'est une question de vie ou de mort. Le monastère est ma dernière chance", confie Gerard Slevin, Irlandais de 41 ans, héroïnomane. "Je ne veux pas mourir, donc cette fois, je vais faire le maximum".
http://www.romandie.com/infos/news2/090 … f4lrc5.asp