[ Arrêt & Sevrage ]

Comment j'ai arrêté

Je consulte ce forum depuis 2 ans, je lis les témoignages concernant le tramadol, et comme tout le monde, je suis tombé dedans. Première fois de ma vie, à 40 ans, que je me retrouve accro physiquement à une substance. J’ai tenté d’en sortir, à maintes reprises, mais à chaque fois, j’ai replongé. Jusqu’au jour où…
Mais commençons par le commencement.
J’ai carburé pendant 5 ans à la cocaïne. Entre 5 et 10 grammes par mois, jamais quotidiennement. En parallèle, l’alcool, quotidiennement, lui. Arrive un moment où je me dis que je devrais calmer le jeu, arrêter les conneries. Mes prières ont été exaucées : un accident brutal, violent, qui me pulvérise un bras, des côtes, une épaule, un genou. La tête s’en est sortie. Hospitalisation d’une semaine, j’arrive à la maison, une épave, je prends sagement tous les anti-douleurs prescrits, dont 50mg de tramadol le soir, avant le coucher.
Oui, sauf qu’un soir, je ne sais plus, en ai-je pris ou pas ? Allez, je prends ma capsule. Et là… oui, à 100 mg, je me retrouve à flotter dans la chambre, dans l’espace, ailleurs, dans un autre monde merveilleux. Je passe la meilleure nuit depuis mon enfance.  Je consulte la montre toutes les 30 minutes, avec le sentiment d’avoir dormi du meilleur sommeil possible entre temps, je ne me sens pas seul, je me sens fusionné à… l’univers ? Mon univers intérieur ? Le lendemain, hop, 100 mg. Puis, au fil du temps, 200, puis 300mg. Je n’ai jamais été au-delà de 350mg, mélangeant 100 LP avec 250 LI, parfois des gouttes… Toujours le soir.
Le corps se répare, j’essaie de renouer avec les vieilles habitudes du passé, cocaïne et alcool, mais… je ne vois plus l’intérêt. Pas de plaisir. Pas le même plaisir. Le tramadol, c’est tellement plus ‘spirituel’, comme produit, plus profond, plus réconfortant, plus merveilleux. Après 18 mois de consommation à 350 mg chaque jour, je me couche de plus en plus tôt. 19h00… puis 18h00.
Je travaillais mais je n’attendais qu’une chose : rentrer chez moi et prendre ma dose. Plus rien n’avait d’intérêt en dehors du tramadol.
Je fais une rencontre. Une belle rencontre. Difficile de démarrer une relation quand on est à 18 heures au lit chaque soir. Je réduis les doses. Progressivement, sur les conseils de ce forum. De 350mg, je passe à 250. Puis 200, 150. Et allez, je repars à 250, 300, 350. Le yoyo. Je note bien l’épuisement dans lequel me plonge ce médicament, mais ne pas en prendre pendant une semaine ? Pendant un jour ? Allez, je tente. 
Une semaine sans. L’enfer. Les jambes qui s’agitent, je me tourne et me retourne dans mon lit, j’ai des diarrhées, mon corps hurle, mon esprit devient dingue. PUTAIN ! Après 7 jours dans cet état… je replonge. Je n’y arriverais pas.
Les mois défilent. J’ai lu sur ce forum que faire du sport peut aider quand on veut arrêter. Du sport, moi ? Qu’est-ce que j’aime ? Etre dans l’eau. Nager. Allez, je nage, 3-4 fois par semaine dans la piscine communale quand elle est ouverte. Et je baisse mes doses, au fil du temps. Tiens, je ne prends plus que 150mg. Parfois 100. Et je tiens à ce stade. Mais j’en prends quand même quotidiennement et bordel, ce que je veux, c’est ARRETER.
Le covid s’aggrave, les piscines ferment. Merde.
J’ai une piscine géante à quelques kilomètres de moi : un lac. Oui mais… l’eau est à 15 degrés, moi, en-dessous de 25, j’y mets pas les pieds. Enfin, jusque-là.
Première expérience dans l’eau froide : bonnet en néoprène, chaussons, on se concentre, on y va progressivement. Après 2 minutes, le pied ! Je vois le ciel comme je ne l’ai jamais vu, je vois la surface du lac, majestueuse, magique. J’y reste 20 minutes. Je suis au paradis. Je sors de l’eau, fier. Conquérant. Remonté à bloc. Je rentre chez moi. Douche tiède, tisane. Je regarde un film, je vais au lit. Wow, je suis bien.
Lendemain, rebelote. Et ainsi de suite. Chaque jour, chaque deux jours, j’y vais.
Une semaine passe sans tramadol, puis une seconde. Alors bien sûr que j'ai parfois du mal, insomnies, diarrhées, les jambes qui s'agitent, mais ça va. Mon corps hurle moins et mon esprit semble... apaisé.
Les températures baissent, à l’extérieur, l’eau du lac moins rapidement. Mais elle descend, 13 degrés, puis 12, 10. Je maîtrise mon corps. Il ne veut pas aller à l’eau, et bien si, c’est l’esprit qui décide. Il veut sa dose de tramadol. NON. C’est l’esprit qui décide. Je lui offre une bonne dose d’endorphine, par cette immersion dans l’eau froide, ça devrait suffire en terme de sensations fortes.
La dernière fois que j’ai pris du tramadol remonte à il y a 3 mois. J’en ai toujours en bonne quantité dans le tiroir, mais je regarde les boîtes et cela m’indiffère.
J’ai lu plusieurs articles sur les bienfaits des baignades dans l’eau froide, des témoignages. D’anciens drogués, comme moi, ont troqué leurs défonces pour cet art de vivre. Des personnes qui n’ont pas ce passé le font pour décompresser. On est fier de soi. On soigne son mental. Sa volonté. On déclenche les endorphines. Le système immunitaire est renforcé. La peau se raffermit. On est dans un effort, et on est récompensé de cet effort.
Voilà mon témoignage. Tentez l’expérience, si vous avez un lac, un étang, un fleuve dans lequel vous pouvez vous plonger. Ou une piscine naturelle, ou d’eau glacé à proximité. Consultez votre médecin avant pour voir si le corps est OK. A l'heure actuelle l'eau est à 8, c'est peut-être un poil froid pour une première tentative, quoique...
A toutes les personnes qui souhaitent arrêter, je vous souhaite du courage, trouvez un moyen pour soutenir votre volonté.
Prenez soin de vous. Et je vous souhaite une belle fin d’année.