[ Etude ]

À Toulouse, l'explosion du cannabis

Un échantillon de haschich FADEL SENNA  /  AFP

Le dernier rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies dresse le panorama des stupéfiants dans la Ville rose. En un an, l'usage du cannabis progresse de 40 %.

«La production et la vente de l'herbe de cannabis» sont en pleine «structuration» à Toulouse. C'est le constat (inquiétant) de la dernière étude datée de décembre de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et de son pendant régional (ORS Midi-Pyrénées). Le document se nomme Trend (tendances récentes et nouvelles drogues). Il brosse un tableau documenté du marché nébuleux des stupéfiants dans la Ville rose et, analyses à l'appui, pointe l'acuité des trafiquants à livrer des produits de qualité supérieure. En deux ans, c'est net et en quantité. En témoigne, la récente prise de la brigade des stupéfiants de la sûreté départementale de Haute-Garonne : 5 kg d'héroïne, 1,5 kg de cocaïne et 250 000 € en liquide. Dans son rapport annuel (le 17e cette année), fait à partir d'informations des centres d'accueil et de soins pour usagers de drogues et du laboratoire de police scientifique, «Trend» observe un retour en force des drogues dures. D'une part, l'héroïne, la cocaïne, mais aussi un développement net des cristaux de MDMA/Ecstasy chez des populations jeunes et la permanence du cannabis qui se structure à Toulouse.

Ainsi depuis 2015, dévoile l'étude, même si «les réseaux de distribution évoluent peu», l'héroïne refait son apparition dans un «nouveau point de vente situé dans un quartier d'habitat social qui permet une nouvelle accessibilité pour les publics précaires». Le gramme d'héroïne se négocie à 50 euros, selon le tableau réalisé par l'OFDT. Il est pur entre 41 % et 61 %, selon les analyses d'échantillons du laboratoire de police, après plusieurs saisies d'importance. La cocaïne, également dans un «marché» qui évolue, demeure la «drogue people» la plus convoitée (80 euros le gramme) par des populations aisées. Mais ce qu'a identifié «Trend», c'est un changement notable dans le transit de la marchandise. C'est «le phénomène le plus marquant de ces cinq dernières années avec l'émergence de l'importation directe de cocaïne d'Amérique du Sud et plus particulièrement de la Guyane», par l'intermédiaire de passeurs et colis postaux. Auparavant, assurent les enquêteurs, «la source dominante d'importation de cocaïne à Toulouse était l'Espagne, principal débouché de la route du centre (Cap-Vert, Madère et Canaries) et du sud via l'Afrique de l'Ouest. Le transport a changé, mais pas la consommation.

Côté cannabis», le marché toulousain «continue d'évoluer». Son usage a progressé de 38 % chez les 16-64 ans et l'usage régulier a crû de 41 %. En toile de fond, des comportements qui ont changé dans les rues de Toulouse «où il n'est plus anodin de marcher en respirant des effluves de marijuana», glisse un commerçant. Banalisation ?

Les nouveaux produits de synthèse

Au chapitre des drogues dites NPS (nouveaux produits de synthèse), le pôle Trend de Toulouse relève un phénomène qui «préoccupe» les observateurs, notamment «leur usage par des populations jeunes, assez pu familières des drogues autres que l'alcool et le cannabis». «Le pôle toulousain ne collecte que peu de données concernant les RC (substances psychoactives genre «smart drugs») ou NPS. En 2016, seule une professionnelle d'un centre d'addictologie sanitaire en a fait état», précise l'étude. Il demeure que «la consommation des NPS reste un phénomène circonscrit à des contextes spécifiques et des populations particulières», explique-t-on. Du coup, les observateurs s'interrogent : Si le phénomène est différent sur la forme de celui des drogues traditionnelles, il pose la même question structurelle : comment informer les usagers sur les risques et les dommages pour qu'ils puissent faire des choix libres et éclairés ? Si via les forums, sur ce point, la communauté des pairs permet d'établir un niveau de connaissance intéressant et accessible pour les usagers, il n'en reste pas moins que cela interroge l'action publique et sa capacité à agir auprès de ces publics».
Gérald Camier

Source  ladepeche.fr