Salut à tous !
Avant d'expliquer mon parcours je tiens à remercier les membres de ce site, notamment les modérateurs qui font un travail honorable. J'ai passé de longues heures à lire divers forums à propos de divers produits et j'en ai tiré des informations qui ne m'auraient pas atteint autrement. De plus j'apprécie avoir les témoignages de ceux qui ont de l'expérience car vous ne vous laissez pas envahir par les idées reçues. Je remercie d'avance les psychonautes qui liront en entier, j'écris ça parce qu'il faut que ça sorte et parce que j'aimerais connaître vos avis.
Je suis un étudiant âgé de vingt ans. Jusqu'à mes quatorze ans j'étais un élève modèle qui faisait la fierté de ses parents et de ses professeurs. J'avais des bonnes notes sans beaucoup travailler, pourtant déjà à cette époque je me disais "et si ça continue pas comme ça ? si je me mets à galérer ?". Je me rendais compte que j'étais satisfait et je supposais que la satisfaction ne pouvait pas durer éternellement. J'avais par ailleurs comme l'impression d'être "différent" dans le sens "pas en phase avec les autres", même si j'avais des amis. J'ai toujours été sujet à l'anxiété. Quand je suis arrivé dans mon collège en sixième je vomissais tout ce que je mangeais le matin jusqu'aux vacances de Toussaint à cause du trac. Sachant qu'on attendait de bons résultats de moi, je faisais le nécessaire pour qu'on me félicite à chaque fin de trimestre entre la sixième et la quatrième. Pendant mon année de troisième j'ai commencé à fumer des
cigarettes, puis du
cannabis dont j'étais pas franchement fan, et vinrent les premières bonnes grosses soirées où je ne comptais pas les verres (avec entre autres mon groupe d'amis de l'époque que je vois encore de temps en temps) cette même année. J'adorais les effets de l'
alcool, je buvais même seul à partir des révisions du brevet. Les vacances d'été s'étaient bien passées. Cependant, une dizaine de jours avant la rentrée, il y a eu un instant charnière. J'ai réalisé d'un coup qu'en entrant en seconde j'allais faire ce que je faisais depuis toujours : mémoriser des notions sur lesquelles je serais noté entre 0 et 20, c'est-à-dire ce que je faisais depuis tout petit. Pendant trois ans je ferais ça, puis je ferais des études durant cinq ans pour avoir le diplôme d'ingénieur, ensuite j'aurais un poste qualifié, une femme, des enfants, une maison, une grosse télé, un lave-linge, un faible taux de cholestérol, etc
(j'avais pas encore vu Trainspotting à cette époque et pourtant j'avais fait le même constat que Renton, sans toutefois savoir qu'il existe une alternative à choisir). Je voulais pas faire ce que des millions des personnes avaient fait avant moi, ça me volait mon identité. Je préfèrais garder mes quinze ans toute ma vie. J'avais pas le courage de trimer toute ma vie pour ce schéma, pour finir par décéder, c'était surtout ça qui me traumatisait : je travaille dur, entre deux journées de travail je m'occupe de ma famille, je fais mes loisirs, je dors, et au bout d'un moment je meurs. Cela m'a semblé énormément d'efforts pour pas grand chose. Je me suis rendu compte en même temps que j'avais accepté de rentrer dans ce moule sans m'en apercevoir jusque là. Le monde s'effondrait, il me paraissait ennuyeux. Je me sentais comme un poisson rouge dans un bocal. Je sais que ce genre de pensées est ingrat, ma vie est plus enviable que celles de milliards de gens, mais l'évidence m'est tombée dessus si violemment que j'avais le sentiment d'être plus lucide que jamais. Le monde avait été un décor en papier mâché qui m'avait plu jusqu'à ce que je découvre le pot aux roses.
A partir de ce jour et pendant huit mois j'ai été obnubilé par la mort parce que c'était la solution la plus efficace pour échapper à mes journées aussi mornes les unes que les autres et à mon désarroi. J'arrivais plus à ressentir de joie, c'était pire qu'un cauchemar. Je me souviens de la fin de la première semaine, j'écrivais pas les cours de maths parce que je pensais que je serais mort après le week-end.
Tous les soirs je laissais les volets ouverts après que mes parents se soient couchés, je me penchais par dessus la fenêtre en me demandant si j'allais le faire (je suis perché dans un immeuble à trente mètres du sol). La seule chose qui me retenait ces fois-là était la crainte de miner ma famille. J'avais écrit une lettre remplissant une copie double pour expliquer mon acte à mes parents et leur démontrer qu'ils n'y étaient pour rien. Étonnament je suis tombé amoureux d'une fille de ma classe qui me détournait de mes idées noires. Au début ça se passait bien, on communiquait très souvent, j'étais au taquet le lundi matin pour la voir le plus vite possible =>dépendance affective. Mais rapidement elle m'a fait comprendre que ça irait pas loin, alors je me suis vautré encore plus brutalement que pendant les vacances. La nuit qui a suivi a été atroce. Une désillusion amoureuse fait mal, d'autant plus quand ça arrive à un adolescent déprimé au bord du suicide. Suite à cet événement, je consacrais mes journées à réfléchir à la façon la plus propre de mourir. C'était avant que je commence à courir régulièrement (3 fois par semaine). Je sentais que je fuyais ma vie à chaque fois que je courais, c'est pour ça que je me suis mis à courir entre quinze et vingt kilomètres absolument tous les jours =>addiction au sport. J'endurais les journées en pensant à ma session de fin de journée. Quand je savais que je pourrais pas courir l'après midi, je me levais à 5:30 pour un footing avant le lycée. Je me sentais encore à plat mais au moins j'avais trouvé un exutoire. Je me fichais de ce qu'on faisait en classe, je voulais plus me remplir la tête avec des choses que j'allais oublier une semaine plus tard. Je maudissais les gens qui me prenaient pour un sportif accompli, au lieu de comprendre que j'étais à bout. J'aurais couru quinze heure par jour si je pouvais. Aussi il m'était arrivé un matin d'avaler un cachet de bromazépam contre mon anxiété qui me tordait le ventre. J'avais adoré cette prise de recul, cette quiétude qui, en chassant les tensions de ma tête, me permettait de penser bien plus rapidement. En revanche j'avais pas recommencé, je sentais le pouvoir d'attraction de ce médicament et je voyais déjà le mur...en plus je connaissais un raccourci pour y arriver.
Un soir j'en avais marre de me voiler la face alors j'ai avalé quelque chose comme 100mg de bromazépam. Je ne me souviens presque pas de ce qui s'est passé pendant les 48 heures suivantes. En me réveillant au service psychiatrique je me suis promis de ne plus jamais accorder d'importance aux filles et de vivre ma vie sans chercher à plaire ni à faire ce qu'on attendait de moi, parce que j'étais convaincu qu'il me restait au grand maximum dix ans avant la prochaine tentative, je voulais laisser du temps à mes parents parce qu'ils avaient pris un coup. A partir de là j'ai beaucoup moins pensé au suicide parce que je savais avec un étrange soulagement que je le ferais au moment adéquat. En attendant j'avais qu'à me laisser porter.
Arrive la première S, je me retrouve avec un de mes excellents amis, on avait les mêmes délires, à la fin de l'année on avait plus besoin de discuter pour savoir ce que l'autre pensait. En parallèle j'ai découvert une substance qui allait changer ma vision des choses : alors que j'arrive pas à m'endormir à cause d'une irritation de la gorge, je fouille dans l'armoire à pharmacie de la salle de bain et avale deux atarax accompagnés d'une gélule de dafalgan
codéine. Une dose de 30mg semble ridicule, pourtant avant de sombrer dans le sommeil, j'ai retenu le cocon en coton qui me servait de bulle, la chaleur réconfortante dans le thorax, et l'absence de trouble. Je cherchais pas à voir plus loin que le bout de mon nez, trop peur de voir la corde à mon cou, tout ce que j'ai fait c'est de me réjouir de ma trouvaille. Je me contentais de 30mg le matin avant de partir en classe, une fois par semaine, pas plus. Je savais que je regretterais la dépendance si j'en abusais, ça m'a permis de me fixer une limite.
Rendu en terminale, je ne retrouve plus mon grand pote qui ne semble pas aussi sensible à notre amitié que moi. Je continue ma consommation sporadique de
codéine en passant à 60mg. Mon morale redevient mauvais et je me souviens de mon pronostic émis à l'aube du lycée, qui va bientôt s'achever. Dans mes voeux APB (Admission Post-Bac) je place en premier des classes préparatoires aux écoles d'ingénieurs. Ce n'était pas un choix raisonnable, je savais que j'étais trop fragile pour assumer autant de travail. J'ai agi comme un joueur au casino à qui il reste un euro.
Pendant deux mois je m'en tirais incroyablement bien, mais rapidement mes soucis sont revenus de plus belle : difficultés de concentration, maux de tête de plus en plus insoutenables (manifestations handicapantes de l'anxiété), crises d'angoisses, nausées qui dissuadent de manger le plat de la cantine, réveils nocturnes à chaque heure, j'en passe. J'habitais seul loin de mes parents qui ne pouvaient pas me surveiller, alors je me suis mis à acheter du whisky. Une bouteille me tenait deux soirs. J'ai décroché des cours mais je voulais rester inscrit pour garder mon appartement, car manifestement, malgré ma faible qualité de vie, les grosses bitures nébuleuses me convenaient.
Après les vacances de Noël une petite ampoule s'est allumée : je me rappelais d'un truc qui allait faire passer ce dur moment avec plus de clémence. C'est ainsi que je dédiais mon énergie à faire le tour des pharmacies en quête de tussipax. J'ai connu les moments les plus heureux de ma vie perché à 150km et 150mg (oui ça grimpe) seul dans mon studio =>coup de foudre immédiat. J'ai toujours réussi à reguler mes prises, une fois par semaine maximum.
J'ai fini par quitter la prépa. Signe du destin, je me retrouve avec un impressionnant stock de moscontin, trois mois avant l'arrêté du 12 juillet. La
morphine c'est sympa, mais il manque le buzz cérebral, le coup de fouet qui donne la pêche, le feu susurrant dans la poitrine. Trop assomant pour remplacer la
codéine. J'étais tellement en colère contre les professionnels de santé que j'ai arrêté les 100mg de
zoloft quotidiens du jour au lendemain. A la rentrée je rentrai dans une école d'ingénieur post-bac et j'ai continué tant bien que mal avec la
morphine, qui présente quelques désagréments. D'abord la tolérance qui explose 100 fois plus vite qu'avec la
codéine, je suis passé de 30mg per os à 210mg en
plug. Puis la constipation, d'autant plus que
plug et
morphine sont les meilleurs alliés. J'aurais ajouté les vomissements avant, mais je m'y suis vite habitué, et la gerbe opiacée fait partie du trip. Justement quand j'en prends et que je vomis pas je suis un peu frustré. Le problème c'est que la
codéine me manque. Je me suis intéressé aux autres
opiacés depuis un an je fais une fixette sur l'
héroïne. Après avoir vite fait un tour dans une ville réputée pour le commerce où je n'ai pas trouvé, je me suis documenté sur le deepweb. J'ai consacré une semaine à installer Tails, fouillé sur internet, sélectionné les meilleures références, et à mettre de l'ordre dans ce fouillis de nouvelles informations. J'ai pour habitude de beaucoup réfléchir avant d'agir, c'est pourquoi je n'ai pas acheté, à force de peser le pour et le contre (vous disiez que les
cames des markets sont pas forcément meilleures que dans la rue).
Afin de tromper mon envie d'
héroïne, je me suis tourné vers le
cannabis que j'avais stoppé à 17 ans parce que j'y trouvais plus du tout mon compte, la paranoïa et l'incrédulité non merci. J'ai recommencé à fumer du
shit, et je sais pas comment c'est possible mais les effets étaient largement plus attrayants que dans mes souvenirs. Par contre je suis passé à la
weed et au mighty.
Nous voici en novembre 2018, je suis toujours vivant, mais je vois toujours la vie comme une suite de corvées avec certaines compensations. J'ai compté pendant longtemps sur les béquilles chimiques pour sauter d'une semaine à l'autre sans regarder autour, je m'en plains pas du tout puisque ce que j'ai consommé m'a permis de passer de bons moments, à tel point que je n'envisage pas la vie sans produits. Les stimulants et les psychédéliques ne m'attirent pas vraiment, mon truc c'est les downers, surtout les
opiacés. Je vais voir un psychiatre et un psychologue dans quelques jours. Ça fait plusieurs années que je repousse l'échéance.
Ça fait du bien de tout déballer, aucun de mes amis n'a de tel rapport avec les drogues.
Je tiens pas à jouer au misèreux, j'essaie d'être pragmatique. J'ai passé beaucoup de temps dans la tristesse, je vis avec, mais je vais consulter des spécialistes pour poser les fondations.
Si certains ont eu une histoire ressemblante, je serais intéressé de savoir comment la situation a évolué.
Je suis ouvert à tout commentaire.