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Amsterdam-Paris 



Deux moments, un matin et un soir, Amsterdam et Paris. Une auberge de jeunesse, un petit nid douillet dont on va me chasser dans quelques heures et un café soluble qui accompagne la barre chocolatée. Un cookie avalé à la va vite devant le Bataclan. Je disparais sous la couette, deux semaines plus tard je me cale par terre contre le mur de la fosse, attendant que le concert commence, laissant monter le trip. Le matin, l’estomac vide, c’est un geyser de sensations accompagné d’une légère angoisse. Dans deux heures, je dois abandonner mon cocon, lâchée dans les rues hollandaises. La puissance de la révolution qui me gagne m’inquiète, je sais que la montée peut-être longue, vertigineuse. Je décide de profiter du temps qu’il me reste au chaud, en sécurité. Loin de là, la salle se remplit doucement, mes épaules s’affaissent, c’est plus tranquille, ça se met à tourbillonner au ralenti. La fraicheur me gagne, la conscience des autres autour aussi, mais je suis confiante et je laisse monter sans m’inquiéter.

Quand je bouge, ne serait-ce qu’un doigt, les drapes crissent. C’est beau. Je m’apaise, la musique me berce. Cette inflexion de la voix, ce riff de guitare, ces notes dont je n’avais jamais vraiment saisi la subtilité, la beauté. Maintenant elles résonnent, assourdissantes, les enceintes sont à quelques mètres de moi. J’ai une vue parfaite sur le chanteur, Telecaster à la main, sur le pétillant guitariste, le batteur au loin, et parfois la pianiste, pieds nus. Ma bouche est désespérément sèche mais je résiste, si j’abandonne mon petit espace au milieu de la foule, quelqu’un d’autre viendra l’occuper et, ailleurs, les vibrations ne seront peut-être plus aussi merveilleuses. Ces vibrations qui roulent le long de la couette, sur mes bras, le long de ma colonne vertébrale. Je resterais ici à jamais, fondue dans ce bonheur intense, les yeux fermés, à regarder danser mon imagination, mes souvenirs. Est-il permis de vivre chaque instant ainsi, dans une béatitude parfaite ?

Sans y réfléchir, j’adresse au chanteur un sourire qui me surprend moi-même tellement il est spontané, sincère, mais lui ne le voit pas et c’est à moi que je souris, de tant de bien-être, chaque sensation est une caresse, une étreinte. Je vois les jeunes hippies dans les concerts de rock psychédélique à une époque où je n’étais pas née et je me vois moi, dans ce terrible 21ème siècle, dans ces lieux de drame, ondulante, en symbiose avec l’univers. Autour les yeux sont ouverts, je ferme les miens, sans peur.

Quand je les ouvre, il est temps de me mettre en mouvement, l’heure fatidique arrive. Je me glisse sous la douche, l’eau est chaude, je la regarde ruisseler sur mes mains, émerveillée. Chaque gouttelette est une plume colorée qui frôle ma peau. Toutes ensemble elles formes un torrent qui inonde mon visage et je comprends enfin la magie des éléments. La puissance de l’eau s’immisce en moi et je me sens prête à affronter le monde, ou plutôt à m’y fondre, à le laisser me montrer les pavés humides, les canaux tranquilles. Je flotte jusqu’au métro la tête gonflée de musique, d’émulation, de cette énergie vitale qu’elle m’a transmise. Le bus traverse trois pays, le métro trois arrondissements, mais les chemins se ressemblent, tous les deux sont rythmés par cette douce torpeur qui suit l’extase et qui malheureusement précède le retour à la lumière crue de la vie, celle qu’on essaye de tamiser avec, comme un voile coloré, le souvenir de ces moments étincelants ou les tentatives, jamais parfaitement réussies, de les faire revenir.

Catégorie : Tranche de vie - 18 juin 2019 à  17:46

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:) coool !! [[A]]



Commentaires
#1 Posté par : Bootspoppers 18 juin 2019 à  23:50
Salut c'est cool. Il y a un mélange entre le Bataclan et ton lit, je ne sais où s'est passé ton trip, où est la réalité.
C'était du LSD ?

 
#2 Posté par : Isoretemple 19 juin 2019 à  16:12
Salut ! En fait, c'est un parallèle entre deux trips, un à Amsterdam, l'autre au concert de Pete Doherty and the puta madres au Bataclan. Pas sous LSD mais avec des space cakes au cannabis! Autant celui du Bataclan était trippant mais finalement assez soft, autant celui d'Amsterdam (qui a commencé un matin au lit!) était plus puissant...

 
#3 Posté par : Bootspoppers 19 juin 2019 à  18:25

Anonyme813 a écrit

Pete Doherty and the puta madres au Bataclan.

si j"'avais su ... je l'es adore


 
#4 Posté par : Isoretemple 19 juin 2019 à  22:49
Sur scène ils déchirent... Un de mes meillleurs concerts (et pas seulement parce que j'étais en plein trip...)!

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