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Bouchara pousse à poly-conso: comment la metha ne me pique plus le nez 



Pendant que les feuilles d'automne croustillent sous les roues de mon vélo, je regarde ma montre qui défile bien trop vite.

Je suis clairement en retard au taf. Tic tac taf.
Tant pis, j'ai des heures de récup. Le dévouement au travail ne me manque pas.
Tic tac, manque.

À la pharmacie, un monsieur bien désagréable, qui ne m'avait pas vue tuer le temps de l'attente derrière un étale, m'a piqué ma place.

L'heure de la commande en journée s'est écoulée. Tant pis, ça sera pour demain.

Dépendante aux opis, oui, mais les voies du pavot sont presque infinies (enfin tant que les grammes ne terminent).

J'ai donc gagné à la loterie de la dépanne deux gélules de metha 20mg contre une plaquette de traitement. À la base, ça devait être du skenan 200. Mais c'est bien plus facile à dire qu'à faire de transformer la codéine en morphine. Alors la gélule transparente a pris l'allure d'une capsule bi-gout à la poudre caustique.

Au petit déj, j'ai fait une découverte notoire.

J'ai longuement hésité sur comment profiter au max de ces deux petits médicaments oblongs. J'ai exclu directe l'option homéopathique, eau et sucre ne semblent pas marcher pour les choses sérieuses qui sont les drogues. Dommage, une petite dilution pour prolonger le plaisir n'aurait pas été de refus. Mais non.
J'ai lancé une pièce. Le côté face, où un roi d'un nez pointu a pointé le bout de son pif ne me rappelle qu'un lointain voyage. ça m'évoque également l'évidence du choix.

Bon bah voilà, on nous l'a bien inculqué qu'il faut suffrir pour être tox. Heu enfait non. Comme pour la beauté, aucune envie de douleur pour profiter. Du coup ?

J'en viens à ma découverte de Prix Nobel Psychoactif -- sans aucune prétention hein. Les recettes pour rendre ça injectable sont même publiées par l'OFDT maintenant -- si, si.
Mais pour en faire une trace agréable ?

J'ai d'abord tenté la dilution ("pas d'homéopathie" on avait dit, pourtant) avec un vieux cachet de paracétamol caféine qui tranait dans mon tiroir. (même la composition d'une came moyenne me fait de l'œil maintenant, c'est tout dire ; en plus ça craquelle agréablement sous la carte).
Mais non. Ça rajoute juste plein d'excipients dans les sinus pour rien. La trace de métha grossit, mais ça n'arrache pas moins pour autant.
Eh merde.

Je pense à ma routine des jours fatigués. Un petit speedball du pauvre. Ritaline et morphine (juste pour la rime celui-ci), speed, 3 et héro. Bref, je m'égare. Mais dans les pochons laissés trainer dans ma caisse aux merveilles, il y a un petit képa mis à côté pour l'analyse. "C bonne" il y a marqué. Ah tiens...et on dirait qu'il y a plus que les 20mg qui demande l'hplc.

20 et 20, ça fait une trace digne de ce nom. Hop j'étale, faut que je trace justement.
Bon, pour l'instant, je ne suis pas encore passée à la pharmacie, je ne peux pas encore deviner que ce vieux désagréable monsieur ne se gênera pas à me devancer sans droit. Et que le retard s'accumulera. Pour l'instant, je veux juste un antidote aux quelques éternuements.

Je regarde perplexe le rail blanc, mi brillant-mi granuleux. Je pensais aux rails l'autre jour dans un moment de désespoir. C'était ceux du métro. Et le gouffre noir sans fin.

Je pensais aux rails l'autre jour. C'était ceux du train qui filait vers la pleine lune ; étincelles de réflexes métalliques sans pouvoir jamais atteindre cet astre argenté.

Mais revenons à mon miroir. Je chèque les paupières gonflées au passage, avant d'attraper les RTP qui flottent aussi dans le marasme de ma boite de matos Rdr.

Ça va le faire je me dis.
L'important est juste de ne pas éternuer avant la fin de la ligne.
Poursuivre jusqu'au but sans me laisser emporter par les picotements.
Je peux y arriver, Comme j'ai réussi, tant bien que mal, à me lever du lit après une nuit abominable.
De colère et désespoir. Réveillée une première fois par un cauchemar aux contours de paralysie, je l'ai tu à coup de valium et zopiclone.
Réveillée une deuxième fois je ne comprends plus rien et je m'éxecute tel un automate à sortir le gramme que je viens de commande de ma cachette sûre de tout craving.
Troisième fois, c'est les bromissement d'un sèche-cheveux qui m'extirpe du sommeil. Vu que j'avais rajouté un valium et/ou un zopiclone (?) pour me rendormir, je ne percute pas que c'est moi que je lui avais filé l'astuce.
Vasoconstriction très marquée par la C ? -- ah, ca y est je vais comprendre à retardement le lendemain, mais dans l'amalgame du réel onirique je ne capte pas que mon gramme n'est plus --  élargir les veines à l'air chaud ça peut parfois marcher pour cibler le "pock" de quand l'aiguille les perce.

Bref, bon, fini le nocturne cauchemardesque fourmillement d'autre que moi sur ma table.
Il n'y a que mes cernes et cette trace que j'ose pas taper.

Comme avant hier, à la lumière de l'aube qui éclaircit le matin après une nuit blanche en réunion, je n'arrive pas à décoller.
C'est ouf, comment ils y arrivent à m'instiller l'hésitation la peur de la souffrance inutile.
N'exagérons rien, faut juste renifler vite et décidée.

Et là, voilà ma découverte du siècle ! Mais...mais, ça ne fait pas mal du tout !
Ça ne serait pas ce fameux effet anesthésiant de la coke (non, non il n'y a pas de lidocaine dans ma blanche) qui est la solution rêvée pour tracer la métha comme si c'était du sub ?
Il me reste dix mg, je reitére l'expérience. Reproductibilité  de l'expérimentation oblige, ma démarche abouti dans la confirmation de mon hypothèse. Eh Eh !
Bouchara, je t'ai eu !

Bon, pour couroner la découverte je vais passer par le temple sacré des laboratoires pharmaceutiques, haut lieux de stigmatisation pour chaque dépendant.e. Je vous l'ai déja dit qu'un monsieur desagréable se glisse entre moi et le comptoir en me parlant mal ?

Á ma réaction bien surdimensionnée, je me rends compte d'une part qu'une fausse trace d'un léger speedball n'est malheuresue;ent pas assez pour faire face aux malheurs du monde...et que de l'autre, la nuit que je viens de passer n'arrange rien dans la perception angoissée soulignée par la coke. Je ne récupère même pas mes médocs (j'ai intérêt a y aller demain) que je me rend compte que mon mince filet de métha peut-être ne faisait pas mal au nez car il nétait pas assez charnu. Et en ayant marre des battements cardiaques de la C (le sèche cheveux peut aussi servir juste pour rechauffer le coeur, reconfortante brise souvenir d'une chaleur lointiane). Mais c'est à peine plus écologique que l'avion (je veux dire, entre chauffer mon âme avec un souffle électrique et me faire bercer dans le kilomètres...).

Ah si, je disais que j'ai pris trop de C pour être concentré au taf. Tic tac taf.

Mais alors, ma supérbe découverte pour tracer la métha m'est inutile ? Comment vai-je faire ?

Je me souviens de ma technique d'antant. Tic tac taf. Retard pour retard,

Catégorie : Tranche de vie - 28 août 2024 à  11:56

#sniff #méthadone



Commentaires
#1 Posté par : cependant 28 août 2024 à  12:11
Vieux billet pas terminé, je le publie quand même avec la date de l'époque (octobre 2023)...

suite :
et retard pour retard, je m'assoie au bar. Plaisir coupable de trainer aux tables pendant les heures de travail. Je commande une gnôle corsée, ils n'ont qu'un whiskie ou rhum. J'avoue peu m'importe la variété des degrés alcoolisés.
Au détour de la table, je me regarde autour pour sortir ce qui reste de ma gélule.
Je le glisse dans le verre, je sécoue et j'avale d'une traite.

Je traine encore, retard pour retard, tic tac taf. Tant pis, je lis le journal. Je sens les muscles se chauffer. Je m'allume une clope.
J'aspire une bouffée, de cette fumée envoutante.

Et là, je sens la salive qui arrose bien plus de la normale ma bouche. L'arrivé massive de liquide sur la langue s'accompagne d'un trou creusé dans l'estomac, qui semble se faire avaler par un trou noir biliaire.
Ma tête tourne, la peau devient diaphane et le visage ressemble à un drap.
J'ai juste le temps de trouver un sac plastique, vestige de courses chez le primeur, que les sucs gastriques remontent l'oesophage de toute vitesse.

Cascades du Niagara acides qui remplissent la poche plastique de fortune, en me cachant des regards des tables desertées avec une étonnante facilité.

Je vomis, ergo je suis defoncée.

Course contre la montre pour que la métha monte vite. Gagnée.

Il ne me reste qu'aller bosser. Tic tac taf.

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