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Chère cocaïne 



Chère cocaïne,

Si je t’écris aujourd’hui c’est pour te dire à quel point tu me manques. Quelques traces ont suffi à me rendre accro à toi, à ton odeur, à ton aspect, à l’effet que tu me fais quand je te vois, et quand je te respire.

Ta robe blanche, matte ou brillante, pâteuse ou poudreuse m’excite et m’apaise. Dès que je t’aperçois je te dévore du regard, savourant chaque instant qui précède le moment où enfin, je vais te sentir.

Ton parfum est au début très déroutant, il change de temps en temps, mais on retrouve toujours cette senteur feutrée et noire. Fidèle à toi-même, tu commences déjà à te faufiler parmi mes narines.

Mais je prends mon temps. Alors il s’agit de te préparer. Je prends deux cartes de fidélité, n’importes lesquelles –ou plutôt, toujours les mêmes- et je commence minutieusement à te réduire en poudre de plus en plus fine. De l’état de cailloux tu te transforme petit à petit en sable pur. Rien que ce geste me procure déjà un plaisir infini. Puis arrive le moment où je prends l’agenda précieusement gardé au fond du placard, je déchire une page, la coupe en petits morceaux et me fabrique avec ce papier une paille. Correctement enroulée, pas trop épaisse, assez longue.

Enfin, voilà ce que j’attendais tant. Je place la paille au fond de mon nez, et je commence à te respirer, en plusieurs fois. Ce qui m’atteint en premier c’est ton odeur, que je sens encore plus forte. Ensuite c’est le dépôt sableux que tu laisses dans ma narine. Cinq minutes passent et puis d’un coup, c’est la montée.

Excitation, euphorie, joie, je me sens en pleine forme. Je pourrai gravir des montagnes, j’ai l’impression d’ailleurs de monter au paradis. Les sensations que tu me procures sont indéfinissables. J’en profite alors pour faire tout un tas de choses. Films, séries, jeux vidéo… tout ou presque, y passe.

Je me remémore ces moments où j’ai tant profité de toi, où tu m’as tant donné, où tu m’as tant fait me sentir vivante.


Chère cocaïne,

Si je t’écris aujourd’hui, c’est aussi pour te dire à quel point tu m’as fait du mal. Saignements de nez, craving, manque, descentes interminables. Chute d’humeur, dépression, insomnie, mal de tête. Manque. Sevrage. Manque.

J’aurais dû voir que sous ta robe blanche et si pure tu cachais plusieurs épines, prêtes à défoncer ma flore nasale et mes vaisseaux sanguins. J’aurai dû sentir sous ton parfum que tu dissimulais les ténèbres vers lesquelles tu m’as entraînée. Le paradis que j’avais vu si excitant, si plein de vie est vite devenu un enfer où je rampais pour te posséder encore et encore. L’illusion que tu me donnais était trop belle, j’ai plongé et où suis-je aujourd’hui ?

Je remonte, ou je creuse ? Je ne sais pas. Cocaïne, que tu es manipulatrice. Je vois bien que tu essaies encore de m’attirer vers toi, au détriment de mon porte-monnaie qui vomit billet sur billet. Je vois bien ce que tu essaies de faire, en revenant me hanter, jour et nuit. Mais je ne te connais que trop bien maintenant. Je sais tes défauts, je reconnais tes piètres qualités. Je détecte tes mensonges et tes fausses promesses.

L’amour que je te porte est torturé, car il est à sens unique. J’ai bien compris que tu ne m’aimais pas, que tu prenais un plaisir vicieux à me détruire la santé. Longtemps tu m’as fait miroiter joie et extase, et je n’ai récolté que pleurs et culpabilité.

Vas-tu réussir cependant à me faire revenir vers toi ? Saches qu’aucun jour ne passe sans que je ne pense à toi. Aucune heure ne s’écoule sans que j’essaie de me remémorer chaque geste compulsif que j’avais envers toi.

Te voir, te sentir, te respirer. Excitation, euphorie, joie. Détresse, dépression, tristesse.

Catégorie : Poèmes - 21 janvier 2018 à  18:36



Commentaires
#1 Posté par : SKENY 21 janvier 2018 à  19:20

Elrewen a écrit

Chère cocaïne,

Si je t’écris aujourd’hui c’est pour te dire à quel point tu me manques. Quelques traces ont suffi à me rendre accro à toi, à ton odeur, à ton aspect, à l’effet que tu me fais quand je te vois, et quand je te respire.

Ta robe blanche, matte ou brillante, pâteuse ou poudreuse m’excite et m’apaise. Dès que je t’aperçois je te dévore du regard, savourant chaque instant qui précède le moment où enfin, je vais te sentir.

Ton parfum est au début très déroutant, il change de temps en temps, mais on retrouve toujours cette senteur feutrée et noire. Fidèle à toi-même, tu commences déjà à te faufiler parmi mes narines.

Mais je prends mon temps. Alors il s’agit de te préparer. Je prends deux cartes de fidélité, n’importes lesquelles –ou plutôt, toujours les mêmes- et je commence minutieusement à te réduire en poudre de plus en plus fine. De l’état de cailloux tu te transforme petit à petit en sable pur. Rien que ce geste me procure déjà un plaisir infini. Puis arrive le moment où je prends l’agenda précieusement gardé au fond du placard, je déchire une page, la coupe en petits morceaux et me fabrique avec ce papier une paille. Correctement enroulée, pas trop épaisse, assez longue.

Enfin, voilà ce que j’attendais tant. Je place la paille au fond de mon nez, et je commence à te respirer, en plusieurs fois. Ce qui m’atteint en premier c’est ton odeur, que je sens encore plus forte. Ensuite c’est le dépôt sableux que tu laisses dans ma narine. Cinq minutes passent et puis d’un coup, c’est la montée.

Excitation, euphorie, joie, je me sens en pleine forme. Je pourrai gravir des montagnes, j’ai l’impression d’ailleurs de monter au paradis. Les sensations que tu me procures sont indéfinissables. J’en profite alors pour faire tout un tas de choses. Films, séries, jeux vidéo… tout ou presque, y passe.

Je me remémore ces moments où j’ai tant profité de toi, où tu m’as tant donné, où tu m’as tant fait me sentir vivante.


Chère cocaïne,

Si je t’écris aujourd’hui, c’est aussi pour te dire à quel point tu m’as fait du mal. Saignements de nez, craving, manque, descentes interminables. Chute d’humeur, dépression, insomnie, mal de tête. Manque. Sevrage. Manque.

J’aurais dû voir que sous ta robe blanche et si pure tu cachais plusieurs épines, prêtes à défoncer ma flore nasale et mes vaisseaux sanguins. J’aurai dû sentir sous ton parfum que tu dissimulais les ténèbres vers lesquelles tu m’as entraînée. Le paradis que j’avais vu si excitant, si plein de vie est vite devenu un enfer où je rampais pour te posséder encore et encore. L’illusion que tu me donnais était trop belle, j’ai plongé et où suis-je aujourd’hui ?

Je remonte, ou je creuse ? Je ne sais pas. Cocaïne, que tu es manipulatrice. Je vois bien que tu essaies encore de m’attirer vers toi, au détriment de mon porte-monnaie qui vomit billet sur billet. Je vois bien ce que tu essaies de faire, en revenant me hanter, jour et nuit. Mais je ne te connais que trop bien maintenant. Je sais tes défauts, je reconnais tes piètres qualités. Je détecte tes mensonges et tes fausses promesses.

L’amour que je te porte est torturé, car il est à sens unique. J’ai bien compris que tu ne m’aimais pas, que tu prenais un plaisir vicieux à me détruire la santé. Longtemps tu m’as fait miroiter joie et extase, et je n’ai récolté que pleurs et culpabilité.

Vas-tu réussir cependant à me faire revenir vers toi ? Saches qu’aucun jour ne passe sans que je ne pense à toi. Aucune heure ne s’écoule sans que j’essaie de me remémorer chaque geste compulsif que j’avais envers toi.

Te voir, te sentir, te respirer. Excitation, euphorie, joie. Détresse, dépression, tristesse.

Coucou, tu devrais essayer le baclofene si tu as de gros cravings...ce médocs agit en réduisant les envies et ca marche bien...ca marche pour l'alcool, la coco et les opiacés...demande moi si tu as besoin de conseil sur cet outil!
Bonne soirée


 
#2 Posté par : SKENY 21 janvier 2018 à  19:22
pour moi ça m'a énormément aidé mais il demande une certaine maitrise du dosage et a des effets secondaires génants parfois...

 
#3 Posté par : CrappyJunky 21 janvier 2018 à  20:15
Tres beau texte empli de ta detresse. De la detresse si particuliere que nous apporte l'addiction.

Tout le courage du monde ! Surtout tout celui dont tu a besoin.

C'est dans ces lignes que tu crache que je m'illusionne en esperant que se battre contre son addiction est temeraire.

Mais non ! Armons nous de volontée et profitont d'une vie qui n'est pas recouverte d'une psychoaction trop longue pour en valoir la peine.

CraJun'

 
#4 Posté par : Elrewen 21 janvier 2018 à  21:18
Merci pour vos commentaires ! :)

Tiens vous me parlez du baclofene et dans un post sur le forum on m'a parlé du mucomyst... J'en parlerai à ma psychiatre on verra bien ce qu'elle me dira. :)

 
#5 Posté par : IsadoraD 21 janvier 2018 à  22:17
Je me reconnais bien dans ces deux lettres à la cocaïne.
Je partage tout ce que tu écris et je sais à quel point c'est difficile !

J'ai eu une discussion un jour avec un ancien cocaïnomane, je lui avais demandé si le désir demeurait toujours même des années après.
Il m'avait dit qu'il fallait voir ça comme une rupture amoureuse ou un deuil.
Au début la personne nous manque, on se demande comment on fera pour vivre sans la personne et ça nous parait intenable, la vie semble perdre tout son sel ... Et puis au fil du temps on apprend à l'accepter, et à continuer la vie sans l'être aimé ..
Je repense souvent à cette métaphore quand la cocaïne me manque trop.

Bon courage en tout cas,
Bien à toi,

E.

 
#6 Posté par : Callie.C 22 janvier 2018 à  02:34
Magnifique texte ! Comme EmmaMerlin je comprend tout à fait ce que tu veux dire !
Blanche et noire...
Bon courage en tout cas, dans la vie c'est pour tout pareil... ce qui est mauvais pour la santé nous plait (malbouffe, alcool, drogue, clopes) et vice versa..
Certainement un «test» pour voir si on est fort ou pas. Perso je suis plutôt faible, mais attention à ne pas dériver trop loin jusqu'à se perdre complètement (et son argent)

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